vendredi 20 avril 2018

Jean 15/1-8 La vigne et le sarments 29 avril 2018 texte revu etcorrigé du 6 mai 2012


Parabole de la vigne et des sarments-  dimanche Jean 15/1-8

C'est moi qui suis la vraie vigne, et c'est mon Père qui est le vigneron. 2Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l'enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu'il porte encore plus de fruit. 3Vous, vous êtes déjà purs, à cause de la parole que je vous ai dite. 4Demeurez en moi, comme moi en vous. Tout comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure dans la vigne, vous non plus, si vous ne demeurez en moi. 5C'est moi qui suis la vigne ; vous, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; hors de moi, en effet, vous ne pouvez rien faire. 6Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche ; on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent. 7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous arrivera. 8Mon Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez mes disciples.  


Avez-vous déjà vu une vigne avant et après qu’elle ait été taillée, cela mérite le déplacement.  Il n’y a pas besoin d’aller bien loin pour  contempler le spectacle. Celui qui y assiste en promeneur  en a pour les yeux et pour les oreilles. Le pied de vigne qui tend ses branches dénudées vers le ciel gris du mois de mars se trouve  en très peu de temps réduit à très peu de choses : un moignon de bois tordu qui est le cep et quelques tiges de sarments mutilés qui porteront à l’automne les fruits dont on pressera le vin, signes de la vie que le Christ partage avec le monde. Les claquements secs et discrets du sécateur déchirent le silence comme autant  de petits cris de souffrance. Les sarments coupés devenus inutiles sont rassemblés en petits tas  qu’une flamme claire réduits en cendres. Dans l’air encore frais du printemps qui commence à peine s’entremêlent curieusement la vie qui va naître et la vie qui s’en va. Les sarments qui ne servent plus à rien disparaissent et la future récolte n’est encore qu’à l’état de promesses.

Nous avons là une image de l’Église. Elle n’est sans doute pas attractive, mais elle est porteuse de promesses. Le cep qui représente son corps n’a d’intérêt que parce que le Christ l’habite. Il ressemble à un vulgaire morceau de bois fiché en terre. Son aspect insignifiant n’a d’intérêt que pour le vigneron qui sous l’écorce racornie perçoit déjà la sève qui murmure. Les quelques rameaux graciles, judicieusement taillés figurent les membres de l’Église et portent en eux l’espérance de la récolte. A première vue, l’aspect de la vigne n’est guère engageant et n’offre rien d’attrayant. Telle est l’image que Jésus utilise pour exhorter toutes les églises qui vont naître au cours des siècles. Elles sont averties du fait que leur fidélité dépendra d’une taille appropriée pour que leurs fruits produisent le meilleur vin qui annoncera le royaume qui vient.  On croirait à évoquer cette image  entendre la voix de  Jean Calvin déclarant  que l’Église réformée est toujours à réformer, comme le vigneron qui chaque année doit tailler sa vigne pour la rendre féconde. Il la réduit pour la faire grandir.

Jésus nous a habitués à d’autres images pour dynamiser son Église. Il nous l’a décrite comme une graine qui pousse toute seule et  qui d’un seul coup se recouvre de feuillage tellement épais que les oiseaux peuvent s’abriter sous son ombre. Elle peut prendre l’aspect fragile d’une coque de noix livrée à la furie des flots que Jésus calme avec autorité et qui arrive sereinement au  port. Paul a utilisé l’image du sportif dans le stade qui court pour recevoir la palme du vainqueur. Par contre ici, c’est la seule fois dans l’Évangile qu’on  nous décrit  l’Église comme une plante que l’on mutile pour la rendre plus productive. Les coups de sécateurs sont perçus comme autant de souffrances nécessaires que le Seigneur nous imposerait pour obtenir le triomphe de son Église. Nous ne comprenons pas pourquoi Dieu lui imposerait régulièrement   une telle épreuve, comme s’il voulait par avance justifier les souffrances que le sort nous réserve d’une manière inexplicable.

Détrompez-vous, il n’y a pas ici une esquisse de la doctrine de la rédemption par la souffrance comme certains le souhaiteraient. Il nous faut revenir au texte et repérer comment Dieu s’y prend pour tailler la vigne.  En effet, il ne prend pas de sécateur et il ne la fait pas souffrir. C’est sa Parole qui produit les effets souhaités et c'est par elle  que les rameaux que nous sommes sont taillés.   C’est par le moyen de la Parole à laquelle nous avons cru que Dieu agit.  C’est grâce à elle que nous avons décidé de nous attacher au Christ. C’est elle qui guide les étapes de notre vie chrétienne, et si quelque chose est à retrancher ou à enlever de nos vies, c’est par elle que nous le repérons  et c’est librement que nous décidons de l’ enlever. Ce n’est donc pas Dieu qui opère des  ablations douloureuses, mais c’est chacun de nous qui régule sa vie selon que la parole le pousse dans un sens ou dans un autre. C’est par fidélité à sa parole que  nous faisons les choix qui donnent du sens à notre vie. La Parole de Dieu est l’élément régulateur dont nous  devons nous servir pour purifier notre vie et rester fidèlement attachés au cep qui est le corps principal de l’Église et sous l’écorce duquel se dissimule le Christ lui-même.

Je me suis plu à dépeindre le cep comme un morceau de bois sans grand intérêt. On ne le remarquerait pas si ses sarments ne se couvraient de feuilles, de vrilles et de pampres prometteurs de fruit et de joie. Le cep n’a de raison d’être que dans ses branches qui lui donnent la récompense de ses efforts. Ses efforts consistent à acheminer la sève jusqu’au plus lointain de ses rameaux. Il ne peut vivre sans les rameaux qui ne peuvent vivre sans lui. Le Christ ne peut être vraiment porteur de vie que si les fidèles sont porteurs de vie à leur tour.

Chacun des fidèles que nous sommes est ici interrogé au sujet de lui-même et du témoignage que sa propre vie rend au Christ. Nous, sommes mis en face de nos responsabilités car c’est aux fruits que nous produisons que l’on reconnaîtra le Seigneur qui nous anime et que le Seigneur sera glorifié, et si le Seigneur est glorifié il le sera dans la joie. Notre existence n’a pas d’autre but que de mettre le Seigneur dans la joie, et il est comblé quand  l’ensemble de sa création évolue avec harmonie.

Nous avons compris que le Seigneur nous rend efficaces par l’esprit qu’il dépose en nous. C’est la sève qui monte du cep vers les sarments qui permet aux fruits de se gorger de vie avant de devenir le vin nouveau qui abreuve le monde. Si le fruit n’est pas bon et que le vin tourne à la piquette, que se passe-t-il ? Cela vient-il de ce que le cep est trop vieux et qu’il faut le changer, ou cela vient-il du fait que les sarments ont été mal taillés, sucent la sève et ne donnent pas de bon fruit ? D’une manière générale, de nos jours, on a tendance à croire que les idées forces qui animent la vie sur terre depuis 2 000 ans sont dépassées, que le cep est trop vieux et qu’il faut le changer. On prétend que le Christianisme a fait son temps  et  qu’ il doit faire place à de nouvelles spiritualités.

Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, qui veut refuser l’Évangile prétend qu’il est illisible, qui voit la paille dans l’œil des autres ne perçoit sans doute pas la poutre qui est dans le sien. Comment donner du sens à sa vie si on est incapable de s’orienter soi-même ?

L'Évangile que nous reconnaissons comme étant Parole de Dieu a été mis à notre disposition pour nous aider à nous remettre en cause, pour rejeter ce qui est nocif, pour refuser ce qui n’est pas porteur d’espérance. C’est ainsi qu’il nous est suggéré de trouver dans l’Écriture ce qui est pourvoyeur de fruit et de rejeter le reste. Si quelque chose ne va pas, c’est en nous qu’il faut le chercher et non pas dans le cep qui nous abreuve de sève.

Le fruit que nous sommes sensés produire, le vin nouveau  qui abreuve le monde, c’est l’amour que nous avons en nous-mêmes et qui doit motiver toutes nos relations avec les autres. Si le monde manque d’amour aujourd’hui, et il manque d’amour, ce n’est pas la faute de Dieu qui nous prodigue aujourd’hui comme toujours le même évangile.


Si les choses vont mal c’est que les hommes ne savent plus aimer et quand les hommes ne sont plus capables de s’aimer les uns les autres, ils s’oppriment entre eux, ils violentent les plus faibles et les dépossèdent de leurs biens. C’est à cause du manque d’amour que la moitié du monde vit au détriment de l’autre moitié. C’est à cause du manque d’amour que ceux qui ne sont pas esclaves s’arrogent le droit d’opprimer les autres et de les rendre dépendants. Ce qu’il y a de consternant c’est que ceux-là ne s’aperçoivent même pas  de ce qu’ils font et sont portés à croire que le monde entier leur ressemble. Curieusement, l’Évangile a été prêché jusqu’aux extrémités du monde et l’amour n’a pas suivi. S’il faut à nouveau tailler la vigne, il faudra savoir quels rameaux doivent être taillés et à quelle hauteur ils doivent l’être. « Heureux ceux qui écoutent ma parole et qui la gardent dit le Seigneur. »

Illustrations :vignes vues par Van Gogh

vendredi 13 avril 2018

Jean 10/11-18 Le bon berger - dimanche 22 avril 2018


Jean 10/11-18 dimanche 22 avril 2018

11 C’est moi qui suis le bon berger. Le bon berger se défait de sa vie pour ses moutons. 12 Quand il voit venir le loup, l’employé, celui qui n’est pas berger et pour qui il ne s’agit pas de ses propres moutons, s’enfuit en abandonnant les moutons. Et le loup s’en empare, il les disperse. 13 C’est un employé : il n’a pas le souci des moutons.

14 C’est moi qui suis le bon berger. Je connais mes moutons, et mes moutons me connaissent, 15 comme le Père me connaît et comme, moi, je connais le Père ; et je me défais de ma vie pour mes moutons.16 J’ai encore d’autres moutons qui ne sont pas de cet enclos ; ceux-là aussi, il faut que je les amène ; ils entendront ma voix, et ils deviendront un seul troupeau, un seul berger.
17 Si le Père m’aime, c’est parce que, moi, je me défais de ma vie pour la reprendre. 18 Personne ne me l’enlève, mais c’est moi qui m’en défais, de moi-même ; j’ai le pouvoir de m’en défaire et j’ai le pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père.


Aucune échappatoire n’est possible pour les moutons. Ils sont malmenés par les bergers, menacés par les voleurs, convoités par les loups. Leur destin est réglé d’avance. Ce que l’Évangile ne dit pas mais que tout le monde sait, c’est qu’ils finiront mangés par les hommes pour les plus chanceux d’entre eux. Leur cause est entendue, on ne les élève que pour ça.
.Bien évidemment nous buttons sur ce premier constat, car ce récit a été écrit pour que nous nous identifiions aux moutons. Une question nous vient tout naturellement à l’esprit, c’est celle de savoir si on peut échapper à son destin ? Comment vivre alors que la mort nous menace et peut-on d’une manière ou d’une autre lui échapper?
Comme les moutons, nous sommes environnés de tous les dangers et fatalement, comme eux nous devons mourir. Les moutons subissent leur sort sans broncher. A la différence des moutons, les tenants de l’espèce humaine n’acceptent pas leur destin. Ils espèrent pouvoir y échapper, ils pensent même que Dieu y pourvoira. Et curieusement, tout en espérant que Dieu les délivrera de la mort, ils l’accusent en même temps de vouloir leur propre mort en raison d’un décret divin qui trouve son origine dans la nuit des temps et qui fait que la mort est perçue comme la conséquence d’une faute jamais définie.

Depuis que le monde est monde, nous en sommes toujours là et rien ne semble vouloir faire évoluer les choses. Tout en mettant notre confiance en Dieu nous nous soumettons, bien malgré nous à ce décret divin qui se résume assez bien dans l’affirmation selon laquelle « Dieu est celui qui fait mourir et qui fait vivre » (Deutéronome : 32-39). Nous  ne pouvons cependant nous empêcher d’intenter un procès à Dieu parce que nous refusons de subir le sort de toutes les autres créatures. Il y a en nous comme l’idée que si nous avons foi en Dieu, et que s’il s’est révélé à nous, c’est parce qu’il a l’intention de nous réserver un destin particulier qui ne prévoit pas la mort pour nous.  Apparemment il n’en est rien.
 En fait tous les croyants  pensent que notre vraie relation à Dieu passe par la manière dont il joue un rôle dans le mystère de notre mort, comme si notre seule relation à Dieu était réglée par elle. Et, c’est là que nous avons tout faux.
Cette longue méditation de Jésus sur le sort des moutons nous dit le contraire. Il fait intervenir  un mystérieux berger qui revendique ses droits sur les moutons. Il s’oppose alors aux bergers salariés qui ont habituellement la charge des troupeaux. Ces bergers salariés n’ont aucune conscience professionnelle à l’opposé du mystérieux berger qui se laisse tuer plutôt que de laisser les brebis se faire tuer par les voleurs ou les loups. Il paye de sa vie en s’opposant à la fatalité d’une mort programmée. Il se conduit comme si la mort ne faisait pas partie de l’ordre normal des choses. On ne comprend pas cependant pourquoi la mort du bon berger devrait avoir pour conséquence la survie du troupeau.
C’est alors que se produit comme un hiatus dans le texte. Il se passe comme un glissement, on oublie subitement les moutons et les bergers et on passe sans transition à la relation de Jésus avec Dieu et avec nous-mêmes. Dieu est présenté comme Père. C’est à cause de son amour que notre vie semble préservée. Dieu le Père intervient comme celui qui a le pouvoir de contrarier le destin. Ce pouvoir s’exerce par l’action de Jésus Christ.
Comment ce mystère peut-il alors avoir lieu ?  Tout se passe comme si Dieu s’opposait aux lois de la nature selon lesquelles tout ce qui vit est appelé à mourir avant d’être transformé à nouveau en une autre forme de vie pour mourir à son tour. Il en est ainsi des cycles incessants de la nature. Dieu dans ce passage se propose de casser ce cycle et de proposer que les individus que nous sommes  ne passe plus par la mort. 
Ainsi ceux qui appartiendraient au domaine de Dieu pourraient continuer leur existence sans réellement connaître la mort. Mais quand  celle-ci se produit tout de même, ce ne sera pas la fin, car en Dieu la mort n’a plus sa place. Bien évidemment les événements de l’existence ne semblent pas aller dans ce sens et nous avons du mal à partager une telle analyse.
 Tout l’enseignement de Jésus, ses actions et ses miracles ont toujours plaidé la cause de la vie. Selon lui Dieu avait pour seul souci celui de préserver la vie à l’humanité. Là encore on n’a pas compris Jésus. Ses propos ont été considérés comme des blasphèmes contre Dieu. Il brossait le portrait d’un Dieu Père infiniment bon, toujours attentif à faire reculer l’échéance de la mort, et quand ce que nous appelons la mort survient, il propose une autre forme de vie.
Comme ses contemporains ne supportaient pas l’image de ce Dieu aimant qu’il nous proposait, ils ont provoqué la mort de Jésus pour le faire taire ! Mais c’est la vie qui l’a emporté sur la mort. Tué par la main des hommes il a conservé la vie par l’action de Dieu. Les évangiles en sont témoins, ils promettent à quiconque reconnaît que Dieu est le maître de la vie une vie semblable à celle de Jésus qui bien que mort persiste à vivre, car rien ce qui est en Dieu ne peut mourir.

. Tous ceux, donc,  qui vivent aujourd’hui pourront voir leur propre vie se prolonger dans une nouvelle réalité à l’image de celle que l’Ecriture a retenue de Jésus après sa mort. Mais la vision de Jésus va plus loin que la réalité que nous pouvons concevoir.  « J’ai d’autres brebis qui n’appartiennent pas à cette bergerie… » dit-il, comme pour dire que la vision de Dieu va plus loin que ce que nous pouvons concevoir.  Il n’y a donc  pas de réalité sur Dieu dans la mort, toute réalité le concernant est immergée dans la vie car il promet à tout son troupeau la vie en abondance.
Illustrations :Mosaïques de Ravenne