lundi 4 septembre 2017

Matthieu 18:15-20 le pardon. dimanche 10 septembre 2017 reprise du 7 septembre 2014



Matthieu 18 :15-20/  21-22
 15 Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le seul à seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. 16 Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute affaire se règle sur la parole de deux ou trois témoins. 17 S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise ; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un non-Juif et un collecteur des taxes. 18 Amen, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. La prière en commun
 
19 Amen, je vous dis encore que si deux d'entre vous s'accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux. 20 Car là où deux ou trois sont rassemblés pour mon nom, je suis au milieu d'eux.
 
21 Alors Pierre vint lui demander : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi ? Jusqu'à sept fois ? 22 Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois.

Il aurait été surprenant que Jésus donnât une réponse chiffrée à la demande de Pierre sur le nombre de fois qu’il devrait pardonner à son frère. Le nombre de sept fois, suggéré par Pierre devait déjà lui paraître anormalement élevé. Quoi qu’il en soit, le problème du pardon reste récurent, et doit habiter la conscience de beaucoup de monde. En suggérant de pardonner jusqu’à sept fois, Pierre se donne le beau rôle, puisqu’il s’est situé d’emblée dans le camp de l’offensé. C’est lui qui s’est placé dans la position de celui qui pardonne, il ne s’est pas mis dans la situation de celui qui demande le pardon, pourtant le problème se pose dans les deux sens. Pour autant qu’on le sache, c’est Pierre qui devra surtout être pardonné par Jésus pour pouvoir se mettre à sa suite. 

Tout le cours de notre vie est jalonné par des demandes de pardon refusées et des demandes de pardon non formulées. Il y a des blessures tellement profondes qu’une simple parole de regret n’arrive pas à apaiser  à moins que l’offensé obtienne un châtiment à la hauteur de l’offense car  seul un châtiment peut assouvir la peine, mais est-ce un pardon qui se produira, ce sera plutôt une  vengeance ?  Il y a des meurtrissures qui résistent au pardon. ,Il y a des pardons donnés du bout des lèvres qui n’en sont pas. Il y a aussi tous ces pardons que nous nous refusons à nous-mêmes, car le souvenir du tort fait à autrui est tellement secret ou tellement lourd que nous nous refusons à l’évoquer tant nous nous sentons coupables de fautes impardonnables, à tel point qu’on n’ose même pas le confier à Dieu.  

Dieu en effet joue un rôle important dans notre relation aux autres. Une mauvaise relation avec les autres entraîne de facto une mauvaise relation avec Dieu. On peut alors se demander si la défection religieuse qui frappe en ce moment  l’occident et qui entraîne la désertion de nos églises n’est pas liée à un problème de mauvaises relations entre les hommes. Cet état de fait aurait pour origine des pardons ignorés ou refusés et des pardons bafoués ou extorqués. 

Jésus a centré tout son évangile autour du thème du pardon, c’est pourquoi, après lui, par fidélité à son message, les hommes ont élaboré des systèmes religieux centrés sur le pardon. Ils considèrent que pour vivre en harmonie avec Dieu les hommes doivent sans cesse chercher à recevoir son pardon. Pour certains, ce pardon ne peut s’obtenir qu’en menant une vie exemplaire consacrée au service des autres. C’est la vision catholique de la chose. Pour d’autres, à l’inverse, s’appuyant sur la bonté de Dieu, ils prétendent que Dieu leur fait grâce sans qu’ils ne méritent aucunement son pardon. Les œuvres généreuses qu’ils font pour le mieux être des autres seraient alors perçues par eux comme les effets du pardon en eux. C’est la vision protestante. 

Mais quelque soit la vision, ce pessimisme qui ferait de l’être humain un éternel coupable à l’égard des hommes ou à l’égard de Dieu est assez mal accepté par nos contemporains. Ils ont du mal à se sentir liés à Dieu par un sentiment de culpabilité qui appellerait le pardon afin de se sentir en harmonie avec lui. Ce sentiment de culpabilité serait si pesant que beaucoup d’hommes se détourneraient de Dieu. 

Peut-on voir les choses autrement ? C’est difficile car, un simple regard sur le monde nous suffit pour constater que les choses vont mal et qu’une partie du monde bénéficie des bienfaits de la planète sans les mériter tandis qu’une autre partie souffre de ne même pas être capable de survivre. Pourtant, aucune des deux parties ne se sent ni coupable ni responsable de son sort, qu’il soit bon ou mauvais. Beaucoup pensent que c’est le hasard qui a voulu que les choses soient ainsi. Si les mieux nantis proposent d’améliorer les choses en puisant dans leur trop plein de réserves pour secourir les mal lotis, ils pensent alors que c’est le fait de leur générosité naturelle et que Dieu n’y joue pas grand rôle. 

C’est à cause de ce constat qui apparaît comme une évidence aux yeux de nos contemporains qu’il est peut être nécessaire de mettre les choses au point et de les regarder sous un autre angle. En effet, nous savons qu’il nous arrive de commettre des erreurs. Or les erreurs que nous commettons ne nous laissent rarement indifférents, elles nous font même souffrir. Quand nous avons fait du tort à quelqu’un, nous en éprouvons non seulement du regret, mais aussi de la souffrance. C’est comme si la blessure commise aux autres rejaillissait sur nous pour que nous ne l’oublions pas.  

N’est-il pas curieux de constater, jusqu’à preuve du contraire que les animaux, dans des situations identiques n’en éprouvent pas les mêmes effets. Quand deux mâles de la même espèce se battent, et s’entretuent parfois, pour obtenir la suprématie sur la harde ou sur le troupeau, ils n’éprouvent aucun sentiment de regret même si pour évincer leur rival ils doivent l’encorner au risque de le tuer. L’observateur humain que nous sommes prétend qu’ils agissent selon les lois de l’espèce ou selon les lois de la nature. Pourquoi cela ne marche-t-il pas chez les humains ? 

Tout se passe comme s’il y avait en nous, depuis toujours, un sentiment d’altérité en fonction duquel on éprouverait de la souffrance quand on porte atteinte à l’autre et qu’on ressentirait comme un besoin de remédier à sa souffrance, en fonction d’un autre sentiment qu’on pourrait appeler l’amour. 

Chose curieuse, c’est ce sentiment que Jésus utilise pour définir Dieu. « Dieu est amour » dit-il dans l’Évangile de Jean. Bien sûr, certains humains sont très peu sensibles au sort des autres, ils ne souffrent pas forcément du tort qu’ils leur font. Les campagnes électorales semblent rendre les choses évidentes. L’histoire et la littérature fourmillent d’exemple attestant de l’insensibilité de beaucoup d’individus. Dirai-je que ceux qui se comportent de la sorte se rapprochent de l’animalité ? Je dirai plutôt qu’ils se séparent de Dieu qui nous a doté d’une sensibilité semblable à la sienne et qui trouve son paroxysme dans le sentiment d’’amour. 

Il semble donc qu’il y ait en nous, comme un sentiment régulateur qui permettrait aux hommes de vivre en harmonie les uns envers les autres. Il serait même capable de rétablir cette harmonie quand elle est rompue. Il me plait d’y voir la marque du divin en nous. Ce sentiment pourrait bien activer chez les hommes la notion  du pardon. Il nécessite que l’on s’approche des autres dans une attitude d’humilité et de compassion. Un tel comportement permet à la société des hommes d’aller mieux. 

Le Judaïsme dont les Chrétiens sont les héritiers l’a particulièrement bien compris puisqu’il en a fait la clé de voûte de la plus grande de ses célébrations qui ouvre la nouvelle année qui commence par le Grand Pardon qui permettrait à Dieu d’effacer toutes les erreurs commises dans l’année écoulée et d’ouvrir pour l’humanité une nouvelle année libérée du poids et de la souffrance des fautes passées. La plupart des églises chrétiennes quant à elles, ouvrent leur culte par la célébration liturgique de la confession des péchés et l’annonce du pardon de Dieu. Elles montrent par là qu’il ne peut y avoir de culte rendu à Dieu, si le pardon n’y prend pas une place essentielle.

Ainsi, nous l’avons bien compris, le pardon est bien un don de Dieu qui rend la vie possible dans le monde des humains. Ceux qui s’en écartent se laissent prendre par le tourbillon de la haine et de la mort et se séparent de Dieu. Ceux qui s’en rapprochent par contre, se trouvent en harmonie avec Jésus et sont invités à construire le Royaume de Dieu à la préparation duquel, il a consacré toute sa vie et dont il nous demande de poursuivre la construction. Les deux instruments de cette entreprise sont l’amour et le pardon. C’est alors que les chiffres nécessaires à quantifier le pardon changent, ils passent de sept à septante sept fois sept fois, c’est à dire à un nombre infini

Illustrations de Pierre-Jean  Braecke et de E. Dubois.

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