mercredi 31 mai 2017

Exode 34:4-9 Le deuxième don de la loi - dimanche 11 juin 2017



Exode 34/4-9

Moïse tailla deux tables de pierre comme les premières. Moïse se leva de bon matin et monta sur le mont Sinaï, comme l'Éternel le lui avait commandé, et il prit à la main les deux tables de pierre.  L'Éternel descendit dans la nuée, se tint là auprès de lui et proclama le nom de l'Éternel.  L'Éternel passa devant lui en proclamant:  L'Éternel, l'Éternel, Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité,  qui conserve sa bienveillance jusqu'à mille générations, qui pardonne la faute, le crime et le péché, mais qui ne tient pas (le coupable) pour innocent, et qui punit la faute des pères sur les fils et sur les petits-fils jusqu'à la troisième et à la quatrième génération! Moïse s'empressa de s'incliner à terre et de se prosterner.  Il dit: Seigneur, si j'ai obtenu ta faveur, que le Seigneur marche au milieu de nous, car c'est un peuple à la nuque raide; tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu nous prendras pour héritage.


En écrivant de sa propre main les premiers mots qui ouvrent  son histoire avec son peuple, Dieu inaugure lui-même le début d’une aventure qui est aussi la nôtre et qui ne s’achèvera qu’à la fin des temps. La sortie d’Egypte n’en avait été que l’épilogue. Dieu se proposait d’être  maintenant celui qui accompagne les hommes et qui n’hésite pas à se mettre lui-même en cause, quitte à recommencer ce qui a mal tourné.

C’est dans ce même lieu,  au pied du mont Sinaï que les Hébreux  s’étaient rebellés contre Dieu. Mais était-ce  vraiment, une rébellion ? C’était plutôt une maladresse commise sous l’impulsion d’Aaron, le frère de Moïse. Ils avaient voulu exprimer leur fidélité à ce Dieu qu’ils venaient de découvrir.  Moïse ayant disparu sur la montagne, le silence de Dieu semblait signifier son absence. Pour se rappeler à son bon souvenir et tenter de lui plaire, ils avaient organisé une fête en son honneur. Ils avaient personnifié  Dieu selon la coutume rencontrée en Egypte  en le représentant sous   la forme d’un veau. On connait la suite. Moïse qui réapparut soudain  se mit en colère et exigea un châtiment exemplaire pour les participants à la fête. Il ordonna un pogrome, pire que ceux qu’ils avaient connus en Egypte ou qu’ils connaîtront  par la suite.

Le texte que nous lisons aujourd’hui propose de recommencer la cérémonie d’intronisation de l’Alliance  interrompue. Tous se tiennent sur la défense et attendent la suite, redoutant l’emprise sur eux de ce Dieu qui les a libérés. La tradition a voulu ainsi accréditer  l’idée  que le Dieu de l’Ancien Testament  était  un Dieu redoutable. On l’a alors  opposé au  Dieu d’amour révélé par Jésus Christ. Nous verrons qu’il n’en est rien.

On peut cependant se demander pourquoi Dieu s’acharne à maintenir un lien avec un peuple qui ne lui sert à rien, qui  va à l’encontre de ses projets  et  ne lui occasionne que des soucis  en provoquant sa colère ? En fait, ce n’est pas tellement Dieu qui se fâche, c’est Moïse et on lui fait assumer une colère que Dieu  lui-même n’éprouve pas   puisqu’il demande que l’on recommence.

En fait ce Dieu, qui s’est nouvellement révélé aux hébreux captifs, se démarque des autres divinités.  Il est totalement différent des dieux païens qui ne sont que la sacralisation des éléments  de la nature.  Apollon n’est-il pas la représentation du soleil qui parcourt le ciel dans la journée et Mardouk, le dieu de Babylone, n’est-il pas lui aussi une manifestation des mouvements de la nature ? Les hommes qui les vénéraient pensaient que s’ils ne leur rendaient pas de culte, la nature se dérèglerait. Mais ce n’était pas le cas de Yahvé. La présence d’un peuple à ses côtés ne lui servait à rien, si non à lui manifester son amour.  Ce Dieu qui vient vers les Hébreux et qui parle par Moïse représente une toute nouvelle conception de la divinité.  C’est Yahvé qui s’impose au peuple hébreu pour le faire exister. Il  se révèle alors à lui comme le Dieu  qui le fait vivre.

Maintenant interrogeons-nous au sur ce peuple rebelle au cou raide dont parle l’Ecriture. En quoi est-il coupable d’avoir construit un veau d’or ? Sa faute est d’avoir représenté Dieu sous forme d’une statue ! Mais c’est Dieu qu’il voulait honorer ainsi ! On ne lui avait pas dit comment faire  puisque les détails de la Loi ne  lui seront donnés qu’après. Si les tribus rassemblées ont offert à Dieu une orgie, si j’en crois le film « les dix commandements »,  elles ont simplement fait une erreur d’appréciation par manque d’information. Les Hébreux voulaient bien faire, et ils ont mal fait ! Cela ne méritait pas la mort d’un grand nombre  d’entre eux. Il apparaît donc que la colère de Moïse contre eux était parfaitement injustifiée. C’est d’ailleurs lui qui en rajoute et qui ordonne l’extermination des coupables. Si Dieu réclame que l’on renouvelle l’alliance c’est qu’il passe l’éponge. C’est comme s’il donnait tort à Moïse.

En fait,  on a pris l’habitude de croire que l’homme était coupable par nature. Calvin l’a fait lourdement sentir dans sa prière d’humiliation que notre liturgie a conservée : « né dans la servitude du péché, incapable par nous-mêmes d’aucun bien… »  C’est l’apôtre Paul qui  avait commencé par enfoncer le clou, Augustin l’a suivi dans cette voie, si bien  qu’en remontant  le cours des Ecritures on finit par arriver, comme toujours au fameux péché d’Adam, où il lui sera reproché d’avoir consommé un fruit placé à portée de sa main pour le tenter. Ce sera aussi  l’histoire de Caïn qui a  tué son frère sans raison, par simple jalousie, puis ce sera  le récit  du déluge où  l’humanité considérée comme coupable  est destinée par l’Ecriture à être exterminée.

Ces quelques exemples parmi les plus connus semblent suffisants  pour  laisser entendre que les rédacteurs des textes bibliques considéraient que  l’homme avait un défaut de conception au départ, comme un  vice  de  fabrication. Mais Dieu, même s’il  inspire les  rédacteurs du texte sacré résiste à cette conception et  s’efforce en vers et contre tout de  dépasser la fatalité qui semble peser sur l’humanité.  Ainsi, à la sortie de l’Eden prépare-t-il Adam et Eve à la nouvelle aventure qui les attend. Il les habille de peaux de bêtes plus résistantes que les feuilles dont ils se sont vêtus et il leur donne une feuille de route : « Tu laboureras le sol à la sueur de ton front », conséquence de leur nouvelle vie et non, condamnation  à cause de leur péché.

Si Caïn tue son frère, c’est pourtant Dieu qui sauvegarde sa vie en plaçant sur son front un signe de protection, comme s’il était  inscrit dans l’ordre des choses que Caïn tuerait Abel, comme s’il était inévitable que la  sédentarisation et la culture supplantent le nomadisme et l’élevage.

Si l’écrivain biblique condamne les hommes  à disparaître dans le tsunami  du déluge à cause de leur méchanceté qui s’est soi-disant  généralisée, c’est Dieu, encore lui, qui intervient pour préserver l’humanité en détresse et sauver Noé et sa famille de la fureur des éléments.

En fait dans chaque cas, Dieu permet à l’homme d’évoluer vers une nouvelle situation   car sa destinée est de ne jamais  cesser d’évoluer. Ainsi Dieu nous est-il présenté comme le Dieu qui résiste au rôle de justicier dans lequel on a tendance à l’enfermer. Il n’est donc pas celui qui punit une humanité coupable mais qui la conduit  et l’accompagne sur le chemin de sa destinée même si surgissent parfois  sous ses pas des situations inexplicables dont Dieu n’est pas responsable.

Voila où nous en sommes. Ce sont ces constations qui expliquent pourquoi une nouvelle édition du texte de la loi était nécessaire après que Moïse ait détruit la première. Cette Loi est destinée à être le code de vie dont Dieu se sert pour guider les hommes dans leur évolution.

C’est Dieu qui  en écrivant ce texte se désigne lui-même même comme un Dieu lent à la colère, qui étend sa bénédiction jusqu’à mille générations. Le rédacteur éprouva cependant le besoin de nuancer  cet enthousiasme. Il suggéra alors que soit rajouté un codicille qui maintiendrait quand même une possibilité de jugement dans l’action de Dieu, c’est pourquoi il a rajouté «  je punirai la faute des pères sur les fils jusqu’à la troisième génération »

On pourra alors dire qu’il y a quand même deux générations qui seraient injustement punies. Mais il paraît impensable dans le contexte rédactionnel de cette époque de ne pas faire apparaître une notion de jugement, c’est pourquoi Dieu consent à ce que cette réserve soit inscrite dans le texte. Mais viendra le jour où Dieu réduira le châtiment  non pas à une seule génération, mais à un seul homme qui acceptera que soit détourné sur lui la fureur des nations qui voudraient voir en Dieu un juge suprême et seulement cela. C’est pour cela que  Jésus mourra sur une croix, condamné non pas selon la loi d’Israël mais la Loi de toutes les nations de l’époque, celle de l’empire romain. Désormais, plus personne ne pourra contester le fait que Dieu oppose sa loi d’amour à toute forme de justice humaine.

N’est ce pas alors cette Loi d’amour qui était déjà dans le texte de la Loi écrite par la main de Dieu et que Moïse a détruite ?  C’est pour cela qu’il a fallu attendre que  Jésus vienne pour qu’elle soit révélée.

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