lundi 16 mai 2016

Luc 9:11-17 - la multplication des pain - dimanche 29 mai 2016



Luc 9 :11-17

10 Les apôtres, à leur retour, racontèrent à Jésus tout ce qu'ils avaient fait. Il les prit avec lui et se retira à l'écart, du côté d'une ville appelée Bethsaïda.11 Les foules s'en aperçurent et le suivirent. Il les accueillit ; il leur parlait du règne de Dieu ; il guérit aussi ceux qui avaient besoin de guérison. 

12 Le jour commençait à baisser. Les Douze vinrent donc lui dire : Renvoie la foule, pour qu'elle aille se loger et trouver du ravitaillement dans les villages et les hameaux des environs ; car nous sommes ici dans un lieu désert. 13  Mais il leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Ils dirent : Nous n'avons pas plus de cinq pains et deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple. 14 En effet, il y avait environ cinq mille hommes. Il dit à ses disciples : Installez-les par rangées d'une cinquantaine. 15 Ils firent ainsi ; ils les installèrent tous. 16 Il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction sur eux. Puis il les rompit et se mit à les donner aux disciples pour qu'ils les distribuent à la foule. 17 Tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers de morceaux qui étaient restés.

Jésus nous surprendra toujours parce qu’il réagit rarement dans le sens où nous le souhaitons. Les disciples excités par leur expérience,  fatigués aussi, ils espèrent un peu d’écoute et de compassion de la part de Jésus. Jésus semble abonder dans leur sens, c’est pourquoi il les emmène en promenade pour prendre un peu de repos.  Inutile, la foule plus rapide qu’eux les a rejoints. On se reposera plus tard, on mangera à un autre moment, Jésus leur sacrifie sa disponibilité pour se consacrer à plus démunis qu’eux.

Ainsi en est-il de ceux qui ont choisi de mettre leurs  pas dans ceux de Jésus et de répondre à sa suite à l’appel de Dieu. Il leur faut aller de l’avant, même s’ils sont  fatigués. La mission a sans doute été rude. Ils ont sans doute besoin  de nourriture matérielle et spirituelle, ils ont besoin de partager leur aventure.  Ils ont en fait besoin que l’on s’occupe d’eux, négligeant tout sentiment d’empathie, Jésus considère qu’il y a plus urgent. Frustrés, ils restent dans leur coin.

C’est cela qui se passe bien souvent, même dans les Églises que nous fréquentons. La plupart  de ceux qui sont venus assister au culte y sont venus  parce qu’ils avaient besoin de Dieu, parce que leur cœur avait besoin de s’épancher, et  la plupart du temps, ils entendent des  paroles qui leur  disent que les autres, sont plus à plaindre qu’eux.  On leur parle du souci de Dieu pour les autres, on les invite même à leur consacrer du temps et de l’argent. C’est alors qu’ils se sentent frustrés. Ils le sont  d’autant plus qu’ils savent que ces exhortations  donnent dans le vrai. Ils savent intérieurement  qu’ils sont en quelque sorte des privilégiés par rapport  à d’autres, mais pour cet instant,  ce n’est pas leur sujet de préoccupation. 


Ce qui les intéresse, c’est que Dieu se penche sur leurs soucis et qu’il apaise leurs angoisses. En entendant une exhortation à s’intéresser aux autres, ils ont l’impression de s’être trompés de lieu. Ils voudraient être ailleurs.  Le miracle  qui devrait transformer les autres  grâce à leurs bonnes actions ou leur générosité ou par le don de leur  argent ne relèvera pas de leur fait pour l’instant  car si les autres seront peut être rassasiés,   eux, resteront frustrés. C’est dans ce climat que se situe le  texte que nous méditons, et nous découvrons en commençant  que deux camps sont en train de naître dans l’entourage de Jésus et ceux qui se croient plus  proches de lui nourrissent déjà des sentiments hostiles à l’égard de la foule qui constitue l’autre camp.

Nous partageons nous aussi   le  désarroi des disciples. Ils espéraient la compassion de Jésus, et c’est la foule qui y a droit. Quand  nous participons à la vie de son Église, nous aimerions parfois que Jésus  s’occupe de notre âme, au lieu de nous culpabiliser, par prédicateurs interposés pour ce que nous ne faisons pas. Peut-être que si on le faisait davantage les églises seraient-elles plus dynamiques, mais Jésus semble penser qu’il y a  mieux à faire, en tout cas dans la situation rapportée ici. 

Bien entendu, tous ces gens qui accouraient en foule à la suite de Jésus n’étaient pas venus pour être mobilisés afin de devenir les premiers bâtisseurs du Royaume de Dieu.  Jésus ne semble même pas avoir l’intention de les enrôler parmi ses  amis,  ni de constituer avec eux  un premier contingent pour mener une  révolution   dont  il serait l’instigateur. Ils espèrent seulement sans le savoir  que  Jésus mettra quelque chose de nouveau dans leur vie. Il n’y a pas donc pas de concurrence entre les disciples et la foule, mais ils  ressentent mal une telle situation.

Pourtant, Jésus a mis ses amis à l’écart, il ne les a pas bousculés, il les a laissés tranquilles pour qu’ils se reposent un peu avant de les mettre au travail. Car pour Jésus, c’est l’action qui prime sur l’inaction. C’est le dynamisme qui prend le pas sur la contemplation. Il va se comporter  comme si le fait de se mettre au travail sous son impulsion était un baume  suffisant pour leur donner de la vigueur. Pour Jésus, semble-t-il,  il n’y a aucun avenir dans un repli sur soi, car la vie qu’il nous donne ne peut se vivre que dans le mouvement. 

Les gens qui forment cette foule sont comme des brebis sans berger, est-il dit dans un autre évangile au sujet de  ce même événement. Curieusement, Jésus ne se propose pas d’être leur berger. Pour répondre à leur détresse, Jésus les a enseignés et ils ont sans doute été réceptifs puisqu’ils sont restés. Mais celui qui enseigne n’est pas forcément celui qui prend en charge. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’il leur a dit, mais on peut le supposer. Il leur a dit que s’ils suivent son enseignement, ils n’auront plus besoin de berger, l’enseignement  qu’il leur donne leur suffit pour qu’ils deviennent eux-mêmes autonomes car Jésus veut en faire des êtres assez dynamiques pour se battre pour leur propre cause. Ils n’ont besoin ni de maître ni de gourou. Jésus leur a indiqué la voie qui donne du sens à la vie et en écoutant Jésus, ils ont été remplis du désir de vivre.

Il leur a donné  de l’espérance !  Et maintenant le groupe des amis de Jésus n’a plus qu’un désir : celui de se séparer de la foule et de le récupérer enfin, car ils sont bien avec lui. Ses amis, lui font alors comprendre qu’il   n’a que faire de cette foule de solliciteurs  et lui conseillent  de les renvoyer avant qu’il ne soit trop tard. Jésus abonde dans leur sens,  il n’a pas l’intention, quant à lui,  de les garder autour de lui, mais il ne suit pas leurs injonctions, car ce n’est pas fini, il faut maintenant que tous mangent.  Face à Jésus s’opposent maintenant deux groupes  qui ont le même besoin celui de manger. Le plus agressif est celui de ses amis. Vont-ils se séparer définitivement pour trouver chacun leur pitance ou vont-ils se rassembler et assouvir ce besoin commun ensemble? La réaction du "chacun pour soi" est classique. C’est celle des amis de Jésus.  Il nous est facile aujourd’hui d’imaginer quels pourraient être ces deux groupes dans la masse de ceux qui se réclament de Jésus.  Jésus  quant à lui ne l’entend pas de cette oreille

Nul ne sait de quoi a été fait  le miracle, même si on peut l’imaginer. Mais les deux fractions rivales ont mangé et partagé  et tout cela a été organisé de telle sorte que ce sont ceux  qui se croyaient  les plus proches de Jésus, c'est-à-dire ses disciples, qui reçoivent la charge de servir les autres  alors que depuis le début ils avaient l’intention de ne rien faire. Ce que l’on sait c’est que la foule a commencé à se mobiliser et qu’elle a été nourrie. C’est sans doute  en  mettant les disciples encore fatigués au service de cette foule  que l’espérance que Jésus avait  mis en eux  a pu se communiquer  aux autres.  Le miracle, n’a donc pas tellement été celui de la multiplication des pains. Il a consisté à mobiliser deux fractions rivales et à les faire collaborer. Il  a pu se réaliser parce que  les disciples qui avaient l’intention de laisser tout  faire à Jésus se sont  mis au travail et qu’ils se sont mis au service des autres.  

On a pris l’habitude de considérer que les disciples de Jésus étaient des râleurs qui comprennent toujours trop tard ce que Jésus attend d’eux et qui se font prier pour accomplir les désirs du maître. Nous leur ressemblons  sans doute, quand  nous aussi nous trainons les pieds et que nous renâclons pour rendre compte de l’espérance qui est en nous.  Il n’empêche que malgré leur indisponibilité, c’est quand même par eux que s’est accompli le miracle.   

La fin du récit nous laisse entendre que cela se passe dans l’urgence. Le soir tombe, la nuit approche, c’est la nuit de l’angoisse et de l’incertitude, il faut que tout soit dit et que tout soit compris avant que les ténèbres ne surprennent tout le monde. Il faut que chacun reparte, animé d’une puissance de vie nouvelle qui lui permettra de franchir les obstacles que l’obscurité lui réserve.  Mais, Jésus n’a donné à personne une potion magique qui déjoue les obstacles, il a insisté  sur la notion de service qui rend les uns et les autres capables de faire  face  aux adversités qui les attendent. Il leur a donné une espérance  qui les remplit d’énergie, mais les difficultés de la vie subsistent. Espérance et service, voila deux notions qu’il nous faut nous appliquer à mettre ensemble.

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