vendredi 25 mars 2016

Jean 13:31-35 le commandement nouveau 24 avril 2016



31 Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit : Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. 32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt. 33 Mes enfants, je suis avec vous encore un peu. Vous me chercherez ; et comme j'ai dit aux Juifs : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir », à vous aussi je le dis maintenant.
34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres. 35 Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples.

Quand la foi des disciples se met à basculer à l’annonce d’un événement auquel ils n’étaient pas préparés, quand la suspicion s’empare de leur esprit et que la colère monte en eux, quand Jésus lui-même se trouble et ne contrôle pas les émotions de ses amis, quand enfin Judas sort pour faire son œuvre et trahir son maître, le seul message que Jésus leur transmet  c’est qu’ils doivent donner priorité à l’amour. Après le départ de Judas, tout se passe comme s’il n’avait pas existé, sans qu’on  remarque à peine son départ. 

Ce n’était pas la joie qui présidait à  ce dernier repas que Jésus avait voulu partager avec les siens. C’était un repas d’adieu  et personne ne s’en doutait, si non Judas  dont l’action nous sidère encore  et provoque en nous une profonde incompréhension.  Pourtant, Jésus n’avait rien improvisé. On nous raconte que  tout  avait été prévu  à l’avance. Le repas avait été préparé selon les prescriptions de Jésus, et  même le rôle terrible que va jouer Judas avait été peut-être été prévu par le maître. 

L’Evangile de Jean est le plus radical des quatre évangiles. Pour expliquer le geste de Judas il  a retenu la thèse de la cupidité. Mais la comparaison avec les autres évangiles fait vaciller nos convictions et les arguments ont du mal à s’imposer. Nous avons retenu qu’il aurait trahi pour de l’argent, mais la somme était bien faible, 30 deniers nous dit Matthieu. Pourtant, l’actualité récente nous a appris que l’argent pouvait être à l’origine de beaucoup de trahisons,  encore faut-il que l’enjeu en vaille la peine. Examinons la situation d’un peu près.

 Il était possible que Judas  soit arrivé à la conclusion selon laquelle le ministère de Jésus  était  voué  à l’échec et  qu’il n’allait pas s’en sortir sans y laisser sa vie. Autant en profiter aurait-il pu penser  et  profiter de la situation. Cette interprétation est cependant  difficile à soutenir si on considère que personne ne l’a empêché de sortir à l’annonce de sa trahison, d’autant plus que nous savons par l’Évangile de Luc qu’il y avait deux épées en leur possession (Luc 28 :38) et qu’un des apôtres  s’en serait servi, par la suie, lors de l’arrestation (Matthieu 26 :52) .

On a aussi vu dans Judas un idéaliste, qui ne voyant pas venir  le Royaume annoncé aurait voulu provoquer un événement céleste et  forcer Jésus à se révéler comme Fils de Dieu.  En le livrant aux  forces de l’ordre il aurait espéré que  l’archange Michel serait venu avec ses légions pour le défendre. Judas se serait trompé sur toute la ligne et se serait suicidé de désespoir. Là encore l’argument tient mal, car le récit évangélique laisse entendre que Jésus était au courant du projet, et ne l’approuvant pas, il n’aurait pas laissé faire.  Au contraire, Il se serait lui-même identifié, par avance à l’agneau que l’on sacrifiait à l’occasion de la Pâques et aurait choisi de mourir au moment où au temple on immolait les agneaux. La théologie chrétienne retiendra cette interprétation, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans Jésus lui-même ?

Une troisième hypothèse, plus invraisemblable et plus choquante que les autres, mais envisageable tout de même peut être avancée. Elle est  conforme au récit des Évangiles. Elle  laisse entendre que ce serait Jésus lui-même qui aurait organisé sa propre arrestation avec la complicité du plus courageux de ses disciples. En effet, nous avons vu que Jésus avait tout prévu et tout calculé pour cette soirée. Il aurait compris  que son ministère, pour témoigner de la vérité qu’il prêchait depuis trois  ans  ne pouvait  s’achever que  par sa mort. Il aurait alors prévu de mourir dans le cadre de la fête juive, de la Pâque, au moment où on immolait les agneaux au Temple. C’est ce qui se produisit.  Mais pour que cela puisse se faire, il fallait que son programme soit bien réglé et que  l’arrestation ait lieu au bon moment ainsi que le procès  qui s’en suivit, afin que  sa mort coïncide avec celle des agneaux. C’est difficile à envisager. 

La  théologie chrétienne retiendra cette interprétation des événements, mais est-il possible d’en trouver l’origine dans les propos de Jésus ? Pour qu’un tel projet réussisse, il fallait que  Jésus se  soit assuré des   services d’un  complice  solide qui ne broncherait pas au dernier moment. Jésus connaissait chacun de ses amis et il savait que seul sans doute, Judas avait la capacité d’assumer ce défi. C’est ce projet que Jésus aurait révélé ce soir-là aux siens atterrés. 

N’oublions  pas que ces événements ont été reconstitués après coup par les évangélistes qui ont murement réfléchi à la cohérence théologique de ce qu’ils rapportaient. En prolongement de cette remarque, ne pourrait-on pas penser que le portrait de Judas lui-même serait une création des auteurs évangéliques qui auraient emprunté une partie de son personnage à  Juda, fils de Jacob, frère de Joseph qui a eu l’idée de vendre son frère aux Égyptiens pour duper son père. Ainsi pourrait se comprendre la disparition de Judas du récit sans que personne n’intervienne pour le retenir.( Genèse 37:26-28)

Judas serait sorti du récit  emportant avec lui le doute des uns, le soupçon des autres et l’incompréhension de tous, c’est alors que le maître livra à ses disciples son testament spirituel sans nullement faire allusion à l’événement qui était sensé  s’être produit  l’instant auparavant.

 On  aurait pu s’attendre à ce qu’il élabore une théorie sur le salut. C’est ce  que l’Église a fait après lui à propos de cet événement. Il n’en fut rien. Il leur  parle d’amour. On aurait pu s’y attendre car l’amour était au centre de son enseignement. Mais  en cas de crise, alors que tout s’effondre autour de ses amis et qu’un de  ses collaborateurs l’aurait trahi ignoblement , ce mot  avait de quoi les surprendre, était-il encore valable ? Il parlait de l’amour des uns pour les autres. Au moment où l’idée de mort entrait dans leur âme,  où la notion d’échec et de trahison  commençait à faire son chemin dans leur esprit et que la peur les saisissait, c’est d’amour que Jésus les entretenait.

Alors que les  théologiens, quelques années plus tard en commentant ce même événement diront des choses hautement spirituelles sur  l’attitude admirable de Jésus, celui-ci, résuma ce soir-là, tout ce qu’ils devaient retenir en un seul mot celui d’amour. Par la suite  les commentateurs de l’événement parleront de sacrifice pascal et d’agneau immolé pour le péché du monde, on oubliera que Jésus  avait laissé entendre que l’amour, que les hommes partageront entre eux sera l’élément essentiel pour  manifester la gloire de Dieu. Si  la  gloire de Dieu, réside dans le fait que Dieu met tout en œuvre pour le salut des hommes, Jésus précise que c’est  l’amour qui sera plus efficace  que tous les discours pour la mettre en valeur.

Contrairement à ce que les autres évangélistes ont écrit et à ce que nous avons retenu de l’événement, nous réalisons que l’épisode concernant Judas est un épiphénomène qu’on pourrait ne pas retenir car il n’intervient nullement dans le dernier message de Jésus.

Heureusement la résurrection permettra de mettre à nouveau les choses au point. Quelques jours plus tard, nous rapporte ce même évangile, Pierre fut pris à part par le ressuscité pour entendre à nouveau Jésus parler d’amour : «  Pierre m’aimes-tu ? »  Jésus revenu de la mort confirme la priorité de l’amour sur toute autre attitude. Avec Jésus, c’est cette notion de l’amour qui a survécu à la mort. Ce sentiment ne peut donc être la norme de notre vie désormais, que si  l’Esprit qui a arraché Jésus à la mort ne prend le dessus sur notre âme et mobilise nos actes et nos pensées. Nous retiendrons alors que l’intérêt du prochain doit toujours être  premier dans toutes les situations que nous sommes appelés à vivre.

Bien évidemment nous serons en butte aux railleries des hommes quand nous essayerons de donner priorité à ce sentiment, alors que les hommes  en suggèrent d’autres. Ils l’associeront à de la lâcheté et au refus d’agir, mais  c’est parce que nous lui donnerons priorité que certains s’ouvriront à Dieu et qu’ils accepteront de croire qu’une force de vie, capable de transformer les hommes habite le monde, car seule cette force d’aimer que Dieu met en nous est capable d’ouvrir le monde à l’avenir.

Le baiser de Judas : la sagrada familia - Barcelone

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