mercredi 20 janvier 2016

Luc 4:1-13 la tentation - dimanche 14 février 2016



La tentation 

Luc  4/1Jésus, rempli d'Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit au désert, 2 où il fut mis à l'épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent achevés, il eut faim. 3 Alors le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. 4 Jésus lui répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement.
5 Le diable le conduisit plus haut, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre habitée 6et lui dit : Je te donnerai toute l'autorité et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été livrée, et je la donne à qui je veux. 7 Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. 8 Jésus lui répondit : Il est écrit : C'est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.
9 Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas ; 10 car il est écrit :
Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, afin qu'ils te gardent ; 11 et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. 12 Jésus lui répondit : Il est dit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu.
13 Après avoir achevé de le mettre à l'épreuve, le diable s'éloigna de lui pour un temps.

Nous sommes nombreux sur cette terre à éprouver une sorte de fatigue par rapport à la vie qui nous y est offerte. Les temps qui courent, plus que d’autres sont propices au désenchantement. En disant cela, je ne voudrais pas en rajouter une couche. Mais pour guérir le mal, encore faut-il l’identifier pour tenter d’y voir clair.

Tenter : le mot est prononcé, car c’est de cela qu’il s’agit. Notre vie est assaillie par toutes sortes de tentations sans qu’on s’en rende compte vraiment. C’est par là qu’il faut commencer si l’on veut que Dieu nous fasse dépasser cette morosité pénible et transfigurer notre existence. C’est d’ailleurs en s’attaquant à la tentation que commence l’Évangile. Et s’il nous parle des tentations de Jésus c’est à coup sûr pour nous parler des nôtres.

Ce n’est pourtant pas très glorieux de commencer par parler de nos points faibles. Mais autant commencer par là pour nous en débarrasser.  Pourtant, comme nous n’en sommes pas très fiers, nous les gardons secrètement par devers nous en secret, enfermés au fond de nous-mêmes. Pas besoin d’être un grand penseur ou un saint pour se réfugier dans la solitude de nos déserts intérieurs pour y dissimuler nos rancœurs  afin de sauver les apparences.

C’est dans ce désert intime  que nous cultivons le sentiment de nos frustrations, que nous songeons à la vindicte, que nous mettons en place des projets  de vengeance que nous ne réaliserons jamais, cela n’empêche pas pour autant qu’ils pourrissent notre âme. Mais le fait de les formuler nous soulage quand même. Quand nous pénétrons dans ces jardins intérieurs où fermentent ces choses inavouables, nous prenons soin de fermer la porte derrière nous, sans jamais y inviter personne afin d’en garder le secret.

Nous voila donc dans le désert de la phase cachée de notre vie, et personne ne sait rien de ce qui s’y passe, mais le tentateur s’y est engouffré avec nous  et se délecte à l’avance de ce que nous allons mijoter. Le tentateur n’est pas un étranger venu d’ailleurs comme nous aimerions le dire pour nous disculper et élaborer ainsi une première tentation, c’est seulement un autre aspect de nous-mêmes, c’est le mauvais côté de la force qui nous habite, c’est l’autre aspect de notre personnalité. Il n’a donc rien de diabolique en lui.

C’est alors qu’il nous donne faim de ce que nous n’avons pas. Vous pouvez remarquer que  je décris ce qui se passe en nous en suivant  exactement les mêmes étapes que la tentation de Jésus : désert, solitude, faim, tentation. Il nous donne faim de ce que nous n’avons pas, il nourrit nos frustrations, il remet sur le grill le souvenir de nos échecs et entretient les désillusions. Il alimente ainsi nos désirs de vengeance.  Nous savons résister par nos silences, mais les frustrations rentrées  continuent à empoisonner notre vie.

A Jésus qui est le témoin silencieux de nos secrets, nous disons nos rancœurs. Nous nous plaignons à lui parce que Dieu n’a rien fait,  nous sommes tentés, d’aller voir ailleurs. Nous espérions une vie normale, la gloire, la grandeur et la fortune, et aucune n’a répondu  vraiment à l’appel. Nous suggérons alors à Jésus, sans trop y croire, de faire un miracle pour soulager nos meurtrissures  afin que ses anges accourent,  nous portent sur leurs mains et  nous fassent grandir aux yeux des autres. « Ah ! si les cieux voulaient bien s’ouvrir dit l’auteur du psaume, alors  tu descendrais ». Mais face à ces  demandes de miracles,  Jésus  reste impassible. Il nous rappelle nous semble-t-il,  que derrière notre demande il y a peut être la tentation d’un faux acte de foi, car dans une telle demande nous ferions  de Dieu le responsable des coups du sort qui nous arrivent.

Jésus  quant à lui nous suggèrerait plutôt de puiser en nous la force qui sommeille et qui ne demande qu’à se mettre en action sous son impulsion. «  Prends ton lit et marche » dit-il à l’infirme car il y a encore en lui une force que Dieu peut ranimer et qui  lui permettra de se redresser et de retrouver  la dignité de l’homme qui marche tout seul.  A Gédéon, qui attendait lui aussi un miracle pour agir et gagner la bataille Dieu lui dit « Va avec la force que tu as » et la victoire se profila à l’horizon

Face à la tentation de croire que Dieu peut intervenir miraculeusement dans nos vies, Jésus nous rappelle qu’il y a en nous des possibilités cachées que Dieu peut ranimer à notre demande pour nous aider à poursuivre notre route dans les difficultés que nous traversons. Mais attention, une tentation peut souvent en cacher une autre. La société du XXI eme siècle en dépit des apparences favorise toute les tentations car elle est inégalitaire. Elle favorise les surdoués et accable les médiocres.

 Nous élevons nos enfants dans l’espoir de les voir supplanter les autres, nous développons l’idée que leurs talents sportifs, artistique, intellectuels ou autres, leur donnent le droit de dominer les autres, souvent  cela s'assortit de compensations financières. La tentation serait de croire que Dieu approuve cela, en considérant que c’est lui, qui en donnant leurs talents  aux hommes cautionne la société qui  se  construit sous nos yeux sans  en voir les défauts.

La force qui est en nous, le dynamisme que nous avons évoqué consistent non pas à se mettre à part, à cause de nos talents propres, mais à se laisser habiter par Dieu qui agit en nous et nous aide à construire la société égalitaire que Jésus appelle son Royaume et dont la réalisation est à portée de main si nous  lui faisons confiance.  Il nous faut considérer que  ce qui est mobilisateur et déterminent, c’ est l’intérêt que l’on porte aux autres et que nos nombreux talents et avantage doivent servir à l' amélioration du sort des plus malchanceux.  Mais il ne serait pas sage, et ce serait une nouvelle tentation que de croire que quand nous avons repéré l’action de Dieu en nous, nous soyons détenteurs de sa sagesse.

Forts de ces succès, dont ils attribuent les origines à Dieu, les plus solides  dans la foi   sont alors tentés de régenter les autres et le monde en son nom, oubliant que le dynamisme que Dieu développe en eux doit les conduire sur le chemin de ceux  qui sont en manque et non à la recherche de leur propre gloire. Je pense alors à ces puritains anglo-saxons que la société britannique   avait contraints à l’exil. Embarqués sur les caraques et les caravelles telles la May Flower.  Ils avaient lutté contre les éléments avec la force qui était en eux  et la grâce du Seigneur les accompagnait. Ils atteignirent  le nouveau monde et construisirent des colonies  prospères. Mais fiers  de leurs succès et pour honorer leur Dieu, ils se prirent pour les détenteurs de sa volonté. Subtile et ultime tentation, ils  imposèrent là-bas en son nom,  une société aussi intolérante que celle qui les avait chassés. Ils avaient négligé le fait que la force que Dieu avait réveillée en eux ne leur donnait aucun droit sur leurs frères. Je vous renvoie à l’histoire des sorcières de Salem. La tentation restait vivante et habitait ce qu’ils croyaient être la sagesse de Dieu.

La tentation nous guette à chaque instant  de notre vie. Elle peut aussi bien s’emparer de nous dans nos moments de faiblesse que nous faire déraper dans nos succès. Tournons nos yeux vers Jésus Christ qui nous enseigne que le sens de notre vie n’est pas dans la satisfaction de notre « égo » mais dans la construction d’une société dont le seul but est de rechercher le mieux être de nos compagnons de routes et non pas la satisfaction de nous-mêmes. Dieu nous a créé pour cela et nous en a donné les moyens.

Illustrations Nicolas Roerich

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