lundi 2 février 2015

Jean 2:13-25 Il parlait du Temple de son corps - dimanche 8 mars 2015




13 La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. 14 Il trouva dans le temple les vendeurs de bovins, de moutons et de colombes, ainsi que les changeurs, assis. 15 Il fit un fouet de cordes et les chassa tous hors du temple, avec les moutons et les bovins ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa les tables 16 et dit aux vendeurs de colombes : Enlevez tout cela d'ici ! Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ! 17 Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : La passion jalouse de ta maison me dévorera.

18 Les Juifs lui dirent : Quel signe nous montres-tu pour agir de la sorte ? 19 Jésus leur répondit : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. 20 Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour construire ce sanctuaire, et toi, en trois jours, tu le relèveras ! 21 Mais le sanctuaire dont il parlait, lui, c'était son corps. 22 Quand donc il se fut réveillé d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il disait cela ; ils crurent l'Ecriture et la parole que Jésus avait dite.

23 Pendant qu'il était à Jérusalem, à la fête de la Pâque, beaucoup mirent leur foi en son nom, à la vue des signes qu'il produisait, 24 mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu'il les connaissait tous 25 et parce qu'il n'avait pas besoin qu'on lui présente un témoignage sur l'homme : lui-même connaissait ce qui était dans l'homme. 

Encore un geste de la part de Jésus qui nous désoriente. On l'avait enfermé dans le cadre de la non-violence. Il s'en échappa car Jésus demeure à tout jamais insaisissable par aucune entreprise humaine.  Ce jour là, il  fait un geste de violence apparemment gratuit, même s'il ne s'en prend pas aux hommes, il s'en prend tout de même à leurs biens. Il prêchait dans le Temple et voilà qu'il dénie toute valeur à ce lieu. Pourtant, ce lieu, s'il avait subsisté serait sans doute aujourd'hui un des lieux les plus visités du monde.

Pourquoi cette sévérité de la part de Jésus à l’égard d’un bâtiment ? Ne savait-il pas que beaucoup de gens ont besoin de réalités visibles pour construire leur spiritualité? Nous sommes sensibles à tout ce qui est beau pour ancrer notre foi. Les belles liturgies qui séduisent nos sens favorisent notre élévation spirituelle. Nous pensons même qu’elles nous rapprochent du divin et qu’elles font plaisir à Dieu. Il en va de même pour les beaux monuments dont la valeur esthétique est aussi au service de l’édification de notre foi. D’autres églises que la nôtre ont bâti toute une spiritualité sur la beauté des icônes. D’un revers de main, ou plutôt d’un coup de fouet, Jésus pulvérise toutes ces vérités. Il les tient pour quantité négligeable. Et marque de son mépris le lieu où elles se déroulent. Que voulait-il signifier par là ? 

On a cherché à expliquer son geste par l’aspect scandaleux que pouvait avoir le trafic de l’argent. Mais ce trafic était rendu nécessaire par un souci de pureté. L’argent en usage ne pouvait  servir à l’achat des animaux dont les pèlerins avaient besoin  pour la pratique des sacrifices.  Il fallait bien le changer contre une monnaie acceptable. Jésus rendait ainsi les sacrifices impossibles. On a alors    pensé que les sacrifices avaient quelque chose de provoquant et de répugnant, mais cette pratique, bien ancrée dans les mœurs de l’époque  ne choque que nous, 20 siècles après. Le bâtiment du temple, avec sa majesté provocante aurait pu être à l’origine de sa contestation. Mais l’édification de ce bâtiment, considéré comme une merveille, avait été construit avec le sang, les larmes et l’argent de tout un peuple. Ce ne peut donc être à cause de tout cela que Jésus le voue à la ruine.

Il faut chercher ailleurs encore. Nous sommes à l'approche de la fête de Pâques. Cette fête commémorait la libération du peuple juif jadis réduit en esclavage en Egypte. Les juifs perçoivent encore aujourd’hui, cette libération comme l'événement fondateur de leur peuple. Cette libération leur donne le sentiment d'exister. Chaque Israélite est invité à vivre cet événement d’une manière personnelle, comme s’il s’agissait de sa propre libération, comme si c'était une affaire entre Dieu et lui. On peut donc dire que c'est l'acte créateur par lequel Dieu a donné vie à son peuple, et par extension à chaque individu qui se réclame de lui.

Dès que l'on parle de création on pense immédiatement au tout premier chapitre de la Bible quand Dieu créa toute chose à partir du chaos initial et mit de l'ordre dans l'univers en désordre. C'est dans ce contexte spirituel et intellectuel qu'il faut peut être situer la scène où Jésus bouscule le parvis du temple de Jérusalem et y met symboliquement le désordre.

Jésus restaure donc en quelque sorte le désordre primitif dans le lieu de la présence de Dieu pour que celui-ci puisse exercer à nouveau sa fonction de créateur. Et restaurer un peuple qui s’égare loin de lui.  Ce geste signifie un retour aux origines, un retour au désordre, dans l'attente d'une nouvelle création. Jésus s’inscrit à la suite des prophètes qui depuis des générations se fatiguaient à dire au peuple que les fidèles ne se comportaient pas
conformément à la volonté de Dieu. Jésus met le désordre dans le temple, ce lieu où les hommes avaient enfermé Dieu dans le Saint des saints afin de créer une nouvelle relation entre Dieu et les hommes. Jésus fait ici une action symbolique qui révèle le sens caché de son ministère à venir. A la différence des autres Evangiles qui situent cet événement à la fin de leur récit, celui de Jean, le situe au tout début du ministère de Jésus, comme un acte prophétique de la mission qu’il entendait accomplir. 

Le Temple dans l’esprit de la Loi  était le lieu où  se concentrait l’adoration de Dieu. Les gestes qui s’y accomplissaient rendaient Dieu plus lointain parce qu’ils établissaient des règles obligatoires pour avoir accès à sa divinité   Ils  rendaient donc mal compte de  la dimension d’amour où Dieu voulait qu’on le rencontre. Jésus voulait opérer un glissement du Temple en pierres qui dévalorisait l’adoration à l’ étude l’Ecriture dont Jésus devenait l’interprète et  qui devenait un temple spirituel qui seul permettait une relation vraie avec Dieu. Il parlait du temple de son corps n’omet pas de dire l’Evangéliste.

Jésus s'en prend au temple parce que les célébrations qui y avaient lieu semblaient être en contradiction avec la volonté de Dieu, non pas dans la manière dont elles se déroulaient puisqu'elles étaient conformes à la Loi mais dans l'esprit avec lequel les fidèles y accomplissaient leurs devoirs religieux. Jésus ne méprise pas pour autant le temple, mais il s'en prend à l’esprit dans lequel  ses contemporains y vénéraient Dieu. 

Le Temple, c'est le lieu du rite, et le rite c'est ce qui codifie la relation avec Dieu. Or pour Jésus, la relation avec Dieu ne doit justement pas être codifiée, cette relation doit être faite de sentiments partagés. Elle vient du cœur et n'a rien à voir avec les obligations quelles qu'elles soient. Dieu ne veut pas entrer dans le système où les hommes cherchent à l'enfermer. Or les rites, sont des procédés d'enfermement. Dieu ne veut donc pas être lié par des rites qui lui imposeraient de "sauver" ceux qui ne l'approchent que d'une manière conventionnelle et de "pardonner" seulement ceux qui ont accompli les rites, sans vraiment l'aimer.

Ce qui pour Jésus est contraire à la volonté de Dieu, c'est que les hommes cherchent à acquérir une pureté formelle dont Dieu devrait s'accommoder. Dieu serait ainsi pris au piège de sa propre loi.

Les hommes ne peuvent pas contraindre Dieu à entrer dans leurs perversions. Jésus préfère tout changer, voire démolir le temple si nécessaire et supprimer les rites, pour que les hommes changent leurs comportements à l’égard de Dieu. Si Jésus bouscule tout et préconise un changement radical, ce n'est pas parce que Dieu a changé, mais c'est pour que les hommes changent

Pour que ce changement qu'il préconise puisse avoir lieu, il propose de changer le Temple de pierre contre le Temple de son corps dans lequel les Ecritures trouvent leur accomplissement en commençant par la prescription de l’amour.

Nous comprenons alors pourquoi Jésus va faire du pardon le grand thème de son enseignement. Il proclame que le pardon est acquis d'une manière permanente à tous ceux qui croient.  Les sacrifices pour l’obtenir deviennent donc inutiles. Dieu veut une relation d'intimité dans la vérité, c'est pourquoi il proclame par la bouche de Jésus l'abrogation de tous les rites liés à l'acquisition du pardon. Plus de sacrifices, pas de pénitence, gratuité totale du pardon et du salut, plus donc besoin du Temple.

Les illustrations proviennent de la cathédrale Santa Maria Nova à Monreale (Sicile)

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