samedi 1 mars 2014

Jean 4:5-42 la Samaritaine




Jean 4:5-42  La Samaritaine Dimanche 23 mars 2014


1 Le Seigneur sut que les Pharisiens avaient appris qu'il faisait et baptisait plus de disciples que Jean. 2 Toutefois, Jésus ne baptisait pas lui-même, mais c'étaient ses disciples. 3 Alors il quitta la Judée et repartit pour la Galilée. 4 Or il fallait qu'il traverse la Samarie. 5 Il arriva donc dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils. 6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ la sixième heure.7 Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. 8 Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. 9 La femme samaritaine lui dit : Comment toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une Samaritaine ? — Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. — 10 Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! c'est toi qui lui aurais demandé (à boire), et il t'aurait donné de l'eau vive. 11 Seigneur, lui dit-elle, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive ? 12 Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? 13 Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.

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La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus puiser ici.
16 Va, lui dit-il, appelle ton mari et reviens ici. 17 La femme répondit : Je n'ai pas de mari. Jésus lui dit : Tu as bien fait de dire : Je n'ai pas de mari. 18 Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. 19 Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. 20 Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que l'endroit où il faut adorer est à Jérusalem. 21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l'heure vient — et c'est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. 24 Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. 25 La femme lui dit : Je sais que le Messie vient — celui qu'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout. 26 Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle.27 Alors arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu'il parlait avec une femme. Toutefois, aucun ne dit : Que demandes-tu ? ou : De quoi parles-tu avec elle ? 28 La femme laissa donc sa cruche, s'en alla dans la ville et dit aux gens : 29 Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce pas le Christ ? 30 Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui. 31 Pendant ce temps, les disciples le priaient en disant : Rabbi, mange. 32 Mais il leur dit : J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. 33 Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? 34 Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre. 35 Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson ? Eh bien ! je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont blancs pour la moisson. 36 Déjà le moissonneur reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. 37 Car en ceci, ce qu'on dit est vrai : L'un sème, l'autre moissonne. 38 Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun travail ; d'autres ont travaillé, et c'est dans leur travail que vous êtes entrés.39 Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : Il m'a dit tout ce que j'ai fait. 40 Aussi, quand les Samaritains vinrent à lui, ils le prièrent de rester auprès d'eux ; et il resta là deux jours. 41 Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole, 42 et ils disaient à la femme : Ce n'est plus à cause de tes dires que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde.





Comme dans tous les pays qui puisent leurs traditions dans le nomadisme, les puits ont toujours eu une grande importance sur la terre des descendants de Jacob. Le puits était le lieu où se rassemblaient les troupeaux, c’était aussi le lieu où s’arrêtaient les caravanes. La Bible y a fixé l’histoire sentimentale des patriarches. C’est auprès d’un puits que Moïse tomba amoureux de Séphora, c’est également auprès d’un puits qu’Eliezer rencontra la belle Rébecca qui devint la femme d’Isaac et la mère de Jacob, le fondateur du puits dont il est question ici

Les puits dans la Bible sont donc des lieux de rencontres amoureuses et tout laisse à penser que ce puits pourrait bien devenir le lieu d’une idylle entre Jésus et cette femme de Samarie. Ce puits fut aussi témoin de la triste histoire de Dina dont les frères, les fils de Jacob tuèrent l’amant malgré sa vive passion pour elle et son désir de l’épouser, faisant de ce site un lieu de discorde entre juifs et occupants locaux. ( voir genèse 34)

Dans le récit qui nous occupe la femme possède ce que Jésus n’a pas. Elle a une cruche, dont il aurait bien besoin pour puiser de l’eau et se désaltérer mais l’animosité qui oppose leurs deux peuples fait qu’elle ne peut lui prêter sa cruche et que Jésus restera sans boire jusqu’à la fin de l’histoire.

En fait, le discours de Jésus sera chargé de symbole. Quand il parlera de boire de l’eau, il parlera en fait d’autre chose. La femme qui n’est pas sotte comprend vite qu’il parle par énigme, mais peut être se méprend-elle sur le sens de l’énigme, ce qui ajoute un quiproquo savoureux à l’histoire. Jésus en parlant mystérieusement allume en elle un désir qui évidemment demeurera sans suite.

C’est alors que nous est relaté le pitoyable récit de son existence. C’est le type même du récit de la vie lamentable que mènent les femmes dans ces civilisations quand elles n’ont pas de chance. Ce fut sans doute l’histoire de Dina dont nous avons évoqué le nom et la triste histoire. Elle fut déshonorée bien des siècles plus tôt dans ces mêmes lieux. Son prétendant a été assassiné, mais elle qu’est-elle devenue ? Elle a été oubliée par l’histoire, comme l’aurait été cette Samaritaine si elle n’avait pas croisé les pas de Jésus.

Il n’est pourtant pas difficile de reconstituer son histoire. Elle a été entraînée très jeune dans un mariage qui a mal tourné. Pourquoi ? Mari trop vieux ? Mari violent ? Mari mort trop tôt ? Elle fut peut –être veuve sans enfant ? Nul ne le sait ! Après cela, plus personne n’a voulu d’elle. Elle en est à sa quatrième tentative sans trop d’espoir. En effet, une femme ne peut exister sans mari. Une femme veuve, délaissée ou abandonnée ne peut que dépendre de sa famille d'origine, et si elle n'en a plus elle ne peut trouver son salut que dans la mendicité ou la prostitution. Si elle cherche à forcer le destin, elle sera considérée comme une femme de mauvaise vie, proie facile pour la lubricité des hommes.

On a dit que Jésus n’avait rien changé aux problèmes sociaux qui frappaient la société de son temps. Ici, s’il ne résout pas le problème, il le pointe du doigt car il accepte de braver l’interdit, comme il le fera d’autres fois. Il ose adresser la parole à une femme qu’il ne connaît pas et qui plus est, est samaritaine. Les conventions sociales font qu’il ne peut y avoir aucun contact entre eux. Il lui adresse cependant la parole; mieux, il excite sa curiosité et lui donne à espérer. En effet, comme nous venons de le dire, cette femme n’a plus grand chose à espérer de la vie. Rejetée par un peuple qui est lui-même rejeté, que peut-elle attendre ? L’espoir est un sentiment qui est porteur de vie, même si cet espoir ne mène à rien, il provoque en elle un sursaut d’énergie qui est porteur de désir de vie.

Qu’est ce que Jésus peut lui donner à désirer ? Elle ne le sait pas elle-même. Va-t-elle se risquer à espérer que ce juif s’offre à elle comme un 7 eme mari potentiel ? Il serait le bon cette fois, il donnerait de la dignité à sa vie gâchée ? Rien ne le dit, mais la manière dont le texte est construit suggère cependant que cette pensée a du l’effleurer. L’étonnement des disciples est bien là pour confirmer que cette hypothèse fait partie des non-dits du texte. Mais elle n’est pas retenue par Jésus, on s’en doute. Il entraîne la femme sur une autre piste. La vie n’est pas seulement faite de réussites sentimentales ou matérielles. Il y a d’autres choses qui sont capables de contribuer à épanouir notre existence. Il lui parle d’une eau de vie qui ne se puise pas avec une cruche. C’est une vie renouvelée par Dieu qui donne de la valeur à notre personne.


Piètre consolation dira-t-on que de se dire que notre vie intérieure peut prendre du relief quand toute notre vie matérielle à échouée. Seules des êtres d’exception tels François d’Assise ou sœur Emmanuelle pourraient le dire, et ils ne l’ont pas dit. Mais Jésus n’est pas cruel, il ne lui conseille pas de se réfugier en Dieu puisque les hommes l’ont rejetée, il ne lui dit pas qu’elle peut vivre d’une eau spirituelle et de pain céleste à défaut de boisson désaltérante et de nourriture solide. Il ne lui dit pas non plus que faute d’un vrai mari sur terre elle peut fantasmer et s’imaginer en trouver un au ciel.

Par le seul fait d’avoir suscité un bref espoir Jésus a ranimé en elle sa capacité à exprimer des désirs. Le désir s’appuie sur une possibilité de dépassement et cela aide à exister. Il lui montre qu’il y a réellement d’autres valeurs que celles qu’elle a cherchées à atteindre jusqu’à maintenant. Il ne lui conseille pas d’accepter de vivre son sort avec résignation en lui parlant d’un bonheur futur au paradis, mais il l’encourage à vivre maintenant et à se dépasser maintenant. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait puisqu’elle plante là sa cruche et qu’elle va ameuter la ville en plein midi.

Jésus est entré en relation avec elle sans établir de distance entre elle et lui. Il n’a fait état ni de sa supériorité masculine à lui, ni de sa déchéance féminine à elle. Même s’il lui a bien montré qu’il connaît tout de son passé peu glorieux, cela n’a établi aucune distance entre eux. Cette simple attitude suffit à éveiller en elle de l’espoir parce qu’il l’a considérée comme une femme normale. Elle se met alors à rassembler du monde, hors de la ville et hors de la sieste pour leur dire que la seule valeur qui compte dans la vie c’est celle que l’on reçoit de Dieu.

La vie spirituelle que propose Dieu n’est pas forcément liée à l’austérité religieuse dans laquelle, rites et prières prendraient force d’habitude en dominant les frustrations. La vie spirituelle consiste à introduire Dieu dans le quotidien de la vie, à lui offrir nos espoirs et nos peines, à lui faire partager nos frustrations pour qu’il nous aide à les dépasser, car Dieu ne se rencontre que dans le dépassement de soi.

Si la femme a oublié sa cruche c’est qu’elle a déjà dépassé l’intérêt pour la vie matérielle où elle était, si elle va chercher les villageois c’est qu’elle a dépassé les conventions sociales qui l’ont enfermée dans sa situation. Elle est désormais prête à se battre pour la vie.

« Venez-voir l’homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! » Mais qu’a-t-elle fait la pauvrette ? Elle n’a rien fait. Elle a bien essayé de faire, mais à chaque tentative elle n’a rencontré que des échecs. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas rester enfermée dans ses échecs. Alors que rien n’avait encore changée dans sa vie, elle a compris que tout désormais pouvait changer, et elle le fait partager aux autres, car elle se met à considérer les choses autrement. Dieu s’est révélé à elle comme le Dieu de l’ouverture et non de l’enfermement. Qu’est-ce qui a alors changé en elle ? rien et pourtant tout a changé. N’est-ce pas cela l’action du Christ en nous ? N’est-ce pas déjà cela le Royaume ?

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