jeudi 6 mars 2014

1 Samuel 16/1, 6-7 et 10-13 L'Onction de David



1 Samuel 16/ 1,6-7 et 12-13  Onction de David. Dimanche 30 mars 2014

1 Le Seigneur dit à Samuel : « T'affligeras-tu encore longtemps au sujet de Saül, alors que moi-même je l'ai rejeté et qu'il ne pourra plus être roi d'Israël ? Prends de l'huile et mets-toi en route. Je t'envoie chez Jessé, à Bethléem, car j'ai choisi parmi ses fils le roi qu'il me faut. » — 2 « Comment faire ? demanda Samuel. Si j'y vais, Saül l'apprendra et me tuera. » — « Prends avec toi un veau, dit le Seigneur. Tu diras que tu viens m'offrir un sacrifice, 3 et tu inviteras Jessé à la cérémonie. Je t'apprendrai ce que tu auras à faire : tu consacreras roi à mon service celui que je t'indiquerai. »
4 Samuel obéit et se rendit à Bethléem. Les anciens de la ville, tout inquiets, vinrent au-devant de lui et demandèrent : « Ta venue annonce-t-elle quelque chose d'heureux ? » — 5 « Oui, répondit-il. Je suis venu offrir un sacrifice au Seigneur. Purifiez-vous pour la cérémonie et venez ensuite avec moi. » Samuel invita aussi Jessé et ses fils à se purifier et à participer au sacrifice. 6 Lorsque ceux-ci arrivèrent, Samuel aperçut Éliab et se dit : « C'est certainement lui que le Seigneur a choisi. » 7 Mais le Seigneur lui dit : « Ne te laisse pas impressionner par sa mine et sa taille imposante, car je ne l'ai pas choisi. Je ne juge pas de la même manière que les hommes ; les hommes s'arrêtent aux apparences, mais moi je vois jusqu'au fond du cœur. »
8 Jessé appela ensuite Abinadab et le fit passer devant Samuel, qui déclara : « Le Seigneur n'a pas non plus choisi celui-ci. » 9 Jessé fit passer Chamma, mais Samuel répéta : « Le Seigneur n'a pas non plus choisi celui-ci. » 10 Jessé fit ainsi passer sept de ses fils devant Samuel, mais Samuel lui dit : « Le Seigneur n'a choisi aucun d'eux. » 11 Puis il ajouta : « Sont-ils tous là ? » — « Non, répondit Jessé ; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons. » — « Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là. »
12 Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel : « C'est lui, consacre-le comme roi. » 13 Samuel prit l'huile et en versa sur la tête de David pour le consacrer, en présence de ses frères. L'Esprit du Seigneur s'empara de David et fut avec lui dès ce jour-là. Ensuite Samuel s'en retourna à Rama.

Voila une belle histoire comme nous les aimons.  Elle nous rappelle que Dieu a besoin des hommes pour gérer le monde, mais qu’il n’agit pas à leur place. Il  leur indique la route à suivre, mais il ne les force pas à suivre les chemins qu’il leur trace.  Ce refus de Dieu à ne pas intervenir dans le cours des choses a perturbé les auteurs bibliques  qui n’en ont pas toujours tenu compte dans le rapport qu’ils ont faits des événements. C’est ainsi qu’ils ont prêté  parfois  à Dieu des comportements cruels et incompréhensibles qui relèvent surtout de l’appréciation des événements par les auteurs plutôt  que   de  l’action propre de Dieu.  C’est ce que nous allons voir

La faveur de Dieu va  donc à un jeune homme, encore un enfant,  pour qu’il ait autorité sur Israël en remplacement du roi régnant que Dieu  a désavoué.  Samuel qui joue tous les rôles, celui de prophète, de stratège, de conseiller politique sert ici d’entremetteur clairvoyant, car il faut être fin connaisseur de Dieu et des hommes pour découvrir que son choix est tombé sur un jeune homme qui en dépit de ses beaux yeux n’a pas grands atouts pour être roi. De plus, Il a même été oublié par son père quand Samuel  a convoqué toute la famille au sacrifice. On a un peu l’impression de vivre par anticipation l’épopée du roi  Arthur revue corrigée par Wall Disney.

Bien évidemment, c’est cet adolescent que les hommes n’ont pas remarqué,  qui  semble tout indiqué pour avoir les faveurs de Dieu.  Que le lecteur attendri par cette belle histoire se souvienne cependant que c’est la deuxième fois que Samuel a été invité à choisir un roi pour Israël. Le premier choix a tourné à la catastrophe. Qui de Dieu ou de Samuel a mal apprécié la situation ?

Quelques années plus tôt, Samuel  qui avait tous les pouvoirs en  en main avait comprit que Dieu voulait  instaurer une monarchie et lui demanda de  désigner le futur roi.  L’esprit divin lui désigna un jeune homme,  grand et beau fils de Qish qui était  à la recherche des ânesses fugitives de son père et qui lui avait demandé l’hospitalité. Samuel, l’oignit discrètement,  comme il le fera plus tard pour David.

 Après cela et après des événements que l’on n’a pas lieu de raconter ici, Saül  fut proclamé roi sur le front des troupes. Il avait toutes les qualités pour accomplir cette tâche,  mais il perdit la faveur de Dieu parce qu’il  lui offrit  un sacrifice  alors que c’est Samuel qui n’était pas plus prêtre  que lui, qui  aurait du le faire.  Faute minime direz-vous, faute accablante dit le récit. Dieu le rejeta.  A  partir de ce moment Saül désespéré de la  défaveur de Dieu devint  fou. C’est là que commence l’histoire de David.

Elle commence sur un fond de violence  et on a du mal  à  reconnaître  l’action  de Dieu  dans toute cette histoire car c’est à lui que l’on attribue les massacres  qui ont eu lieu  et c’est à lui aussi qui serait attribué la cause de la folie du roi.  A peine David est-il désigné, que les textes changent de ton à son sujet, il est alors dépeint comme un beau et grand jeune homme, comme l’était  Saül jadis. On le retrouve alors  comme écuyer du roi qu’il séduit par sa beauté et son intelligence et  qu’il apaise par sa manière de jouer de la harpe.   A la suite de combats violents, d’embrouilles familiales et de rivalités en tous genres, David monta sur le trône à la mort du roi dont il était devenu le gendre.

Sans doute, les auteurs de ce récit ont utilisé des sources diverses  pour alimenter leurs informations. On sent fortement l’influence de courants  antimonarchistes derrières  les récits concernant Saül. Les  auteurs en faveur  de la dynastie de David, quant à eux,  ont apporté leur contribution à l’élaboration du portrait du roi et ont pris le pas sur les autres.  Les époques  aux quelles ont été produit ces différents textes ne sont pas les mêmes non plus. On peut y percevoir l’atmosphère de l’époque du retour de l’exil quand on n’espérait plus de restauration monarchique, mais on peut y repérer aussi des courants  favorables à la  monarchie propres au Deutéronome exaltant le roi Josias et à travers lui, le roi David.

Malgré  un récit aussi composite  il est cependant  possible d’y  retrouver  la trame d’une parole de Dieu et de découvrir comment elle s’y exprime. On constatera   que Dieu ait fait le choix de deux candidats au trône, la défaveur du premier  ne paraît pas justifier le choix du second.  Les fautes commises par Saül ne semblent pas aussi graves que les fautes commises plus tard par David et les repentirs exprimés par Saül valent bien ceux exprimés par David.  Les auteurs de ce  texte, en fonction de ce que nous avons déjà dit, sont de parti pris en faveur de David. Comment alors  lire une parole de Dieu dans tout cela?

En dépit des différents courants qui traversent ce texte. Il semblerait  que l’on peut dire que l’ambiguïté des événements accrédite la thèse selon laquelle Dieu inspire les acteurs de l’histoire, mais n’intervient pas directement dans l’histoire. Dans le récit qui nous intéresse aujourd’hui,  on constate  que  Dieu a choisi  un premier candidat au trône,  et que ce choix a été confirmé par le peuple qui lui confie la couronne de roi.  Les auteurs tentent alors d’interpréter les échecs de  Saül par la défaveur qu’il subit.  C’est pourquoi Dieu  ne serait pas intervenu quand les événements se sont  retournés  contre lui. Pour ce qui concerne les récits concernant David  nous avons compris  qu’ils sont produits par des courants qui  soutiennent sa dynastie. Ils insistent sur la défaveur de Saül et insistent sur la faveur de David. Telle est l’opinion des narrateurs,  mais  quand on cherche  à  cerner de plus près le caractère des personnages on constate que malgré l’opinion des auteurs qui le valorisent, David ne se révèle  ni meilleur ni plus méritant que Saül.

C’est maintenant que nous allons essayer de voir quel rôle Dieu joue dans cette affaire.  Les  partisans de David diront que David a eu la faveur de Dieu parce qu’il a su écouter Dieu.  En fait,  il  n’a pas rien fait par lui-même,  ce sont les conseillers du Roi qui ont su discerner la volonté de Dieu et la transmettre au risque de leur vie au roi   qui les a écoutés. Ce fut le cas de Nathan qui par deux fois  intervint auprès du roi ( 2  Sam  1 et 2 Sam 12).

Ces récits nous montrent que l’action de Dieu reste toujours la même. Il inspire la bonne attitude  aux acteurs   mais il n’intervient pas, c’est ainsi qu’à la fin de la monarchie,  les rois,  suivant leurs intuitions personnelles et leurs  mauvais conseillers ont entrainé la chute du régime sans que Dieu réagisse.

Bien évidemment  les écrivains  bibliques ont  essayé de maintenir  dans leurs écrits le portrait d’un Dieu interventionniste  qui se manifesterait dans le cours de l’histoire  en faveur de la dynastie de David. Dans ce cas, il se serait trompé lors de son premier choix en faveur de Saül!  Nous comprenons bien évidemment que les narrateurs, favorables à David  ont orienté leurs récits dans ce sens. Malgré tout, c’est une autre image de Dieu qui transparaît pour quiconque essaye de lire les textes d’une manière critique. L’image d’un Dieu qui reste fidèle à lui-même et qui inspire les hommes de pouvoir,  mais qui n’intervient pas pour  modifier le cours de l’histoire  quand les hommes l’ont mal enclenchée. Cela  semble être une constante dans l’Ecriture.

Dans l’aventure qui nous concerne Dieu ne corrige pas l’histoire en appelant David en remplacement de Saül disgracié. Ce sont les hommes favorables à David  qui en insistant sur les échecs de Saül, issu de la tribu de Benjamin, ont conclu à sa disgrâce  pour favoriser la dynastie de David issue de celle de Juda. Si Dieu choisit un autre roi, c’est que la première dynastie s’étant effondrée  il fallait bien  en susciter une autre.

Dieu  se présente ainsi comme celui qui inspire l’histoire. En n’intervenant pas,  il  se résigne à ce que les hommes ne respectent pas  l’évolution  qu’il espère pour eux. On pourra sans doute nous reprocher d’avoir manipulé les textes pour en faire jaillir notre vérité. Mais  si cela est vrai, on se demandera si les textes n’ont pas été plus gravement malmenés avant que nous le faisions par les auteurs qui nous les ont transmis ?

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