lundi 14 octobre 2013

Luc 20:27-38


Luc 20 :27-38 : Une question sur la résurrection. Dimanche 10 novembre 2013
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27 Quelques-uns des sadducéens, qui soutiennent qu'il n'y a pas de résurrection, vinrent l'interroger : 28 Maître, voici ce que Moïse nous a prescrit : Si quelqu'un meurt, ayant une femme, mais pas d'enfant, son frère prendra la femme et suscitera une descendance au défunt. 29 Il y avait donc sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. 30 Le deuxième, 31 puis le troisième prirent la femme ; il en fut ainsi des sept, qui moururent sans laisser d'enfants. 32 Après, la femme mourut aussi. 33 A la résurrection, duquel est-elle donc la femme ? Car les sept l'ont eue pour femme ! 34 Jésus leur répondit : Dans ce monde-ci, hommes et femmes se marient, 35 mais ceux qui ont été jugés dignes d'accéder à ce monde-là et à la résurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari. 36 Ils ne peuvent pas non plus mourir, parce qu'ils sont semblables à des anges et qu'ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. 37 Que les morts se réveillent, c'est ce que Moïse a signalé à propos du buisson, quand il appelle le Seigneur Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob. 38 Or il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants. 39 Quelques-uns des scribes répondirent : Maître, tu as bien parlé. 40 Et ils n'osaient plus lui poser aucune question. 
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Pourquoi ne pas aborder les choses franchement et pourquoi biaiser quand il s’agit d’aborder le sujet très controversé  de  la résurrection ? On comprend mal pourquoi les Sadducéens posaient un piège à Jésus  pour aborder cette question qui était un sujet de débat fréquents entre les théologiens de l’époque. Les uns y croyaient  et l’enseignaient,  les autres n’y croyaient pas  enseignaient également à ne pas y croire. Les pharisiens et les Sadducéens, les deux grands courants de la pensée juive à l’époque de Jésus s’opposaient en effet sur cette question.

 Mais quelle que soit la position des uns et des autres, tous n’y mettaient pas le même contenu, même s’ils appartenaient à la même famille de pensée, car tous ne mettaient pas la même chose derrière les mots. En poussant les uns et les autres dans leurs retranchements il apparaissait parfois que certains n’étaient pas aussi éloignés de leurs adversaires qu’ils le laissaient paraître, même si apparemment ils disaient le contraire, tant la question relevait de la sensibilité plus que de l’argumentation théologique.

Il en va de même encore pour aujourd’hui. La résurrection est au centre de la foi chrétienne, mais tous n’y adhèrent pas de la même façon.  La discussion ne porte pas  tant sur la notion de résurrection elle-même  que sur la réalité que ce terme recouvre. Pour les uns il s’agit d’une résurrection physique qui concerne  le corps de l’individu, pour les autres, il s’agit plus d’une réalité spirituelle, pour d’autres encore ce n’est qu’une manière de se référer à l’événement fondateur du christianisme. Entre toutes ces notions, la distance peut être grande, et pourtant, au sein de nos églises, les tenant de l’une ou de l’autre opinion cohabitent et tolèrent  l’opinion des autres sans pour autant  la partager.

La tradition biblique classique de l’Ancien Testament ne connaît pas la notion de résurrection. Elle  n’apparaît que dans les textes les plus récents et surtout dans les textes deutérocanoniques.  Elle fait une timide apparition  au 2 eme siècle dans le deuxième livre des Maccabées (cf 2 Maccabées 7 ) et envisage la vie des croyants après leur mort auprès du Père. Cette opinion a vu le jour sous l’influence grecque au moment où on a commencé à s’interroger sur l’avenir des croyants  devenus martyrs pour leur foi et  dont la vie trop tôt interrompue  n’avait pas pu s’épanouir. Avant cela, l’opinion classique était que les enjeux de la vie se faisaient du vivant de chaque individu, après quoi, une fois mort, son souvenir s’effaçait doucement dans le Shéol comme un ombre qui lentement disparaît. Telles étaient les deux courants d'idées qui avaient cours du temps de Jésus : Sadducéens, le parti des prêtres,  contre  les Pharisiens, le parti des « intellectuels ».

Naturellement Jésus ne pouvait se tenir hors de la querelle. Ici, elle se fait agressive.  Elle part du parti des Sadducéens qui  cherchent à ridiculiser la résurrection et à mettre Jésus en difficulté. Ils font semblant d’imaginer qu’elle n’est que le recommencement de la vie  après la mort dans une réalité physique semblable à celle du monde des vivants qu’ils viennent de quitter. C’est alors qu’ils rapportent,  par le biais d’une  parabole le cas d’une femme qui  aurait épousé les sept frères de la même famille en vertu de la loi du Lévirat. Cette Loi faisait en effet obligation au frère d’un défunt sans enfant de lui apporter une  descendance en épousant sa veuve. La Bible fait état de cette disposition dans  l’histoire de Ruth et de Booz. La question étant de savoir  duquel à la résurrection  elle sera l’épouse. Le raisonnement est trop simpliste pour être pris au sérieux et suppose beaucoup de sagesse de la part de l’interpelé pour  se tirer d’affaire. Jésus est sage, mais on ne s’attend-on pas à sa réponse.  En fait sa réponse ne prend vraiment de sens que si elle est éclairée par l’événement de sa propre résurrection.

Il faut donc voir dans ce récit  l’état de réflexion où en étaient les chrétiens de la première église quand il leur  fallut étayer théologiquement la question de la résurrection  pour aider les membres de l’Église qui n’avaient pas vécu à l’époque de Jésus à construire raisonnablement leur foi en la résurrection

Nous avons les reflets de leurs tentatives,  parfois discordantes, sous la plume de Paul  qui modifie sa propre opinion à mesure qu’il mûrit ses réflexions.  Il se voit lui-même tantôt  transfiguré et élevé au ciel, échappant même à la mort physique  (première épître aux Thessaloniciens)  tantôt revêtu d’un corps de gloire qui est devenu spirituel et a perdu toute apparence physique (1 Corinthiens 15/44). La question sur la manière de rendre compte de de la résurrection habitait l’église naissante et Luc ici dans son évangile, écrit  sans doute après les années  70 donne à travers les propos de Jésus une réponse cohérente.

Luc se sert donc des propos de Jésus pour donner une réponse qui sera celle de l’Église  quarante ans après sa disparition. Jésus insiste sur la notion de vie. Il remonte à Moïse et à l’épisode du buisson ardent pour étayer sa réponse. C’est à partir de cet événement  de la vocation de Moïse que débute réellement l’immense saga qui concerne Dieu et son peuple. Lors de cet événement Dieu avait fait un pacte de vie avec l’humanité par le moyen de la mission qu’il avait confiée à Moïse pour libérer le peuple d’Israël. Ce pacte ne saurait être rompu  sans porter atteinte à la nature de Dieu, ce qui est impossible et absurde. En conséquence ce pacte de vie est inaliénable.

Dieu y est présenté comme celui qui donne du sens à la vie. Il ne saurait donc y avoir de vie sans Dieu et Dieu se situe dans la durée. Il était au commencement, comme il le sera toujours, dispensant la vie à l’humanité. Si Dieu n’a pas de fin, la vie qu’il dispense aux hommes n’en a pas davantage. Ce raisonnement un peu simpliste devrait nous suffire. Pour entrer dans le projet de résurrection proposé par Jésus, il suffit donc de croire que nous avons  partie liée avec Dieu comme l’avait Jésus. Notre foi en Dieu  nous inscrit inévitablement dans son éternité. Le reste n’est que commentaire.

Sans doute les uns et les autres voudraient aller plus loin. Ils voudraient se forger des images mentales et établir des systèmes rassurants. Jésus ne nous l’interdit pas. Il nous en laisse l’entière liberté. Il nous donne même une piste qui n’est pas  forcément suivie par les théologiens modernes : c’est celle des anges. Mais avant de développer ce point, il nous faut avant tout retenir comme préalable à toute théorie, que nous sommes habités par la vie de Dieu et que la vie en Dieu ne connaît pas la mort.

Quant aux anges que Jésus mentionne à la fin de son propos ils font un peu figure de boutade de sa part  pour répondre à la boutade des sadducéens au sujet de la femme aux sept maris. Ils lui demandent  non sans perversité avec lequel elle partagera sa couche lors de la résurrection. Pour les anges, le raisonnement est subtil mais n’apporte pas d’autre réponse que celle que nous avons déjà donnée.

En fait, il n’y a pas vraiment de théologie des anges dans la Bible. A l’époque de Jésus, comme à la nôtre, certains croyaient fermement à la réalité des anges, notamment celle des anges gardiens. Jésus ne les contredit pas, il y fait même allusion dans Matthieu 18/10. « Les anges, si vous y croyez, dit-il en substance, sont comme Dieu, ils sont revêtus d’éternité et comme eux, vous serez revêtus d’éternité. »

Les anges ont-ils une réalité physique ? Ont-ils un sexe ?  Amusez-vous à disserter sur cette question, comme les sages théologiens au moment du siège de Constantinople cela vous aidera à passer le temps, mais ne vous apportera aucune réponse. Il faut dire qu’à l’époque de Jésus, la question des anges était d’actualité. On cherchait même à préciser leur nature. Dans le Livre d’Hénoch ( 2 eme siècle avant J.C) on trouve toute une classification des anges qui va du plus simple, au bas de l’échelle,  jusqu’au sommet de la hiérarchie où l’on trouve  les quatre archanges dont les noms nous sont parvenus mais que la Bible n’a pas retenus(1). Le  Nouveau Testament effleure la question en mentionnant seulement l’un d’entre Michel  dans le livre de l’Apocalypse.

La réalité sur la résurrection n’est pas dans nos élucubrations humaines, aussi élaborées soient-elles. Nos théories  n’apportent rien de plus à l’affirmation de la vie qui nous vient de Dieu. Si nous sommes en Dieu notre vie s’absorbe totalement en lui quel que soit notre état.

(1)  Michel, Raphaël, Uriel, Gabriel

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