jeudi 3 octobre 2013

Luc 18 :9-14



Luc 18:9-14 Le pharisien et le péager - dimanche  27 octobre 2013



9 Pour certains, qui étaient persuadés d'être des justes et qui méprisaient les autres, il dit encore cette parabole : 10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était pharisien, et l'autre collecteur des taxes. 11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes : 12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. » 13 Le collecteur des taxes, lui, se tenait à distance ; il n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine et disait : « O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ! » 14 Eh bien, je vous le dis, c'est celui-ci qui redescendit chez lui justifié, plutôt que celui-là. Car quiconque s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé.



Ce n’est pas dans les habitudes de Jésus de se laisser aller à des leçons de morale faciles où les rôles sont bien tranchés. Pourtant ici, c’est bien ce qu’il semble faire. Le récit nous présente un pharisien qui apparemment déplait à Jésus, pourtant, il n’y a rien à lui reprocher, il remplit son rôle de juif pratiquant à la perfection et pourtant, il a tout faux.

 A côté de lui, un péager prie et il s’en sort plutôt bien avec une appréciation favorable de la part de Jésus et retourne justifié dans sa maison. Un péager est un homme riche qui a fait fortune en prélevant les impôts d’une manière suspecte, mais tout à fait tolérée  par l’administration civile de l’empire romain. Nous constatons ici que Jésus qui l’absout facilement applique à son égard les critères d’une nouvelle loi qu’il est en train d’inventer et que nous découvrons au fil des différents textes que nous rencontrons. Mais cette nouvelle loi nous parait ici aussi arbitraire que l’ancienne, à cette différence près, c’est  qu’elle semble inverser les valeurs, à moins que nous n’ayons pas tout compris et que nous ayons encore quelque chose à découvrir. En fait c’est bien  cela le but de ce texte .

Il nous faut cependant comprendre que les choses ne sont pas aussi simples. Dans les autres paraboles, Jésus demande généralement à ses interlocuteurs d’exercer leur esprit critique. Il achève la plus part du temps ses récits sur une question ou sur un commentaire qui sollicite la réflexion de celui qui l’écoute. Ici ce n’est pas le cas. L’histoire s’achève sur une affirmation bien nette. Le péager est justifié, notre opinion n’est pas sollicitée et le contexte semble donner tort au pharisien.

Si l’opinion de l’auditeur n’est pas sollicitée, c’est qu’il a fort peu de chance de croiser  l’une ou l’autre de ces  personnages  en fréquentant  Jésus. Le pharisien ici est caricaturé d’une manière telle qu’il ne se serait pas approché de Jésus parce qu’il qu’il l’aurait considéré comme un provocateur infréquentable qui passerait son temps à mettre à mal la Loi de Moïse.

Le péager quant à lui aurait plus de chance de rencontrer Jésus, mais celui-ci est un cas particulier. Il fréquente le Temple et se réfugie dans la pratique religieuse pour trouver une solution à ses problèmes spirituels. Il n’aurait sans doute pas choisi Jésus comme conseiller. Le disciple de Jésus que nous sommes n’a que peu de chance de lui ressembler. Nous pensons donc n’avoir rien à recevoir de cette histoire, mais attendons la suite et faisons quand même un effort pour essayer de nous reconnaitre dans l’un ou dans l’autre de ces individus.


A défaut d’être des pharisiens promis au salut par leur pratique rigoureuse de la religion, certaines personnes se croient cependant favorisées par Dieu. EIles profitent des avantages de la vie comme s’ils leur étaient acquis à juste droit par la naissance ou par le destin. Favorisés par une brillante intelligence ces gens s’estiment supérieurs aux autres et s’installent dans leur situation dont ils remercient le ciel. D’autres personnes, sont nées dans un pays où la vie est plus facile qu’ailleurs, elles ont la bonne couleur de peau, elles sont issues du bon milieu social et elles estiment devoir ces avantages à la providence divine. Il ne nous est donc pas si difficile de rejoindre le pharisien, parce que nous avons tous des avantages à faire valoir et nous n’oublions pas d’en remercier Dieu. Pour nous en convaincre,  Il nous suffit de prêter attention aux nombreuses  fois où nous entendons l’expression «grâce à Dieu» utilisée autour de nous pour nous rendre compte du fait que beaucoup de gens se considèrent comme bénéficiaires de d’une grâce particulière. Le phénomène est récurent. Nous cherchons tous à un moment ou à un autre à faire partie des privilégiés de Dieu à qui la vie a réservé un meilleur sort qu’aux autres.

C’est maintenant au tour du péager de retenir notre attention. Sa situation sociale le classe parmi les gens infréquentables. «Argent mal acquis ne profite jamais » disons-nous!  En quoi pourrions-nous lui ressembler? Il n’est pas étonnant qu’il ne se sente pas en règle avec Dieu. Bien qu’il ait notre réprobation, nous sommes touchés en le voyant chercher refuge dans la prière pour donner du sens à sa vie. Il considère qu’il n’a aucun droit de chercher refuge en Dieu car il est exclu par ses comportements, de l’univers de la religion. L’argent qui le fait vivre provient des impôts  prélevés par l’occupant romain. A ce titre son argent fait figure d’argent sale. Situation aggravante, les pièces de monnaie qu’il manipule sont frappées à l’effigie de l’empereur, ce qui est contraire à la Loi de Moïse. Si on considère le milieu d’où il vient, il a peu de chances d’être circoncis, et même s’il l’est, il lui est impossible de pratiquer les règles alimentaires qui n’ont pas cours dans le monde païen  que son métier l’oblige à fréquenter. Il n’a même pas sa place pour prier dans ce lieu saint.

Mis à l’écart de la religion par sa situation, il espère cependant profiter de la miséricorde de Dieu. Il se repent du fait que son comportement le tienne à distance du Seigneur, mais contrairement à toute attente il place en lui une confiance  injustifiée. C’est ce petit détail, lié au fait qu’il espère malgré tout ne pas être séparé définitivement de Dieu, qui permet à Jésus de dire qu’il est justifié plus que l’autre.

Que signifie le mot justifié utilisé ici en conclusion par Jésus? En quoi selon lui quelqu’un peut-il être juste devant Dieu quand il porte en lui le fruit de tant d’injustices et qu’il jouit de privilèges bien mal acquis? La réponse semble claire : « est    juste» celui qui ouvre sa vie à l’espérance et qui considère qu’il n’y a aucune situation définitivement bloquée aux yeux de Dieu. La parabole  s’arrête là.

Mais si la parabole s’arrête là, elle n’est pas finie. Jésus envoie la balle dans notre camp. C’est à chacun de nous de découvrir la suite que l’on peut donner à ce récit. Pour le pharisien, enfermé dans ses certitudes, sa religion et son bon droit, il n’y a pas d’issue. Dieu lui-même ne trouve pas sa place dans cet univers clos qu’il a refermé sur lui-même. Est-ce à dire que Jésus le rejette? Non pas. Ce n’est pas Dieu qui l’a enfermé dans sa situation, en tout cas pas le Dieu dont Jésus se réclame. La main de Dieu tendue vers lui, est toujours tendue. Il peut toujours descendre en lui-même et aller à la rencontre de son Seigneur qui l’enverra vers les autres et l’entrainera à sortir de son milieu fermé dont lui seul possède la clé. Il lui est encore possible de se convertir et de faire place à l’espérance. Le fera-t-il? La réponse devient alors la nôtre. Sommes-nous, comme lui  bloqués par nos conditions privilégiées dans des situations où l’avenir des autres n’a pas vraiment sa place ? Même  Dieu ne se permettrait pas de répondre pour nous.

Si parfois nous pouvons ressembler au pharisien, qu’en est-il du péager? L’espérance a fait son entrée dans son univers. Il a compris que Dieu frappait à sa porte et il l’a entrouverte. Mais il n’est pas arrivé au bout de la route, un long chemin lui reste à faire. Il est sur la bonne voie car la main de Dieu a saisi la sienne. Va-t-il comprendre maintenant que Dieu ne lui réclame pas de s’enfermer dans l’univers clos de la religion, comme il semble vouloir le faire? De toute façon il n’y aura pas accès, nous l’avons vu et pourtant le contexte nous a montré qu’il est tenté de se risquer sur cette voie-là.

Descendu au plus profond de lui-même va-t-il en même temps que Dieu rencontrer aussi tous ces prochains dont Dieu ne peut se passer de la compagnie ?


Ce petit texte nous pose donc beaucoup de questions dont nous trouvons des échos en nous-mêmes. Pour ne pas les laisser sans réponse, je vous propose de tourner la page de ce même évangile de Luc pour trouver quelques lignes plus loin le récit d’un autre pharisien, bien réel celui-là. Il nous apparait sous les traits du jeune homme riche (1). Il n’a pas su rencontrer le prochain vers qui Jésus l’envoyait et il s’en va tout triste loin de Jésus pour s’enfermer dans son univers de religieux privilégié. Mieux encore, quelques lignes plus loin au chapitre suivant, c’est Zachée (2), un péager dont l’histoire pourrait être présentée comme conclusion à ce récit. Non seulement il se repent, il va vers Dieu et se met au service de tous ces prochains auxquels il a fait du tort.

J’ai pris la liberté de rapprocher ces deux derniers textes de celui que nous venons d’étudier, et de vous les présenter comme des conclusions possibles tant ils sont proches dans l’Evangile de Luc. C’était notre droit et nous en avons usé. On peut même se demander si l’Evangéliste Luc a voulu qu’il en soit ainsi? Pourquoi pas? Mais nous ne le savons pas!


(1) Luc 18:18-30
(2) Luc 19: 1-10

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