dimanche 30 décembre 2012

Jean 2:1-12


Les noces de Cana: Jean 2:1-12  Dimanche  20 janvier 2013

1 Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. 4 Jésus lui répond : Femme, qu'avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n'est pas encore venue.

5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira. 6 Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7 Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord. 8— Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Ils lui en portèrent. 9 Quand l'organisateur du repas eut goûté l'eau changée en vin — il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient — il appelle le marié 10 et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent. 

11 Tel fut le commencement des signes de Jésus, ce qu'il fit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples mirent leur foi en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.


Le mariage n’est peut-être pas ce qu’on pense. En effet, ici on ne nous dit rien du mariage en lui-même, mais on parle d’autre chose. On pense habituellement que le mariage est le moment où deux familles se rencontrent pour accompagner un couple sur le chemin de son destin, mais ici on ne nous présente pas les familles, et on ne nous parle pas des mariés. On  espérait ici que Jésus allait nous éclairer sur le but du mariage, mais il n’en est rien! Pour lui, ce ne sont est pas les conventions humaines qui concernent le  mariage qui comptent, c’est autre  chose que nous allons essayer de découvrir.

En cette période où l’on parle de mariage de personne de même sexe, on s’aperçoit que les hypothèses émises aujourd’hui en faveur du mariage pour tous pourraient s’accommoder de l’attitude de Jésus dans ce récit des noces de Cana.

La  tradition veut que tout conflit soit évité lors d’un mariage. Tout le monde est prié d’être joyeux au risque de donner dans l’hypocrisie ! Les mots acides, les paroles blessantes n’ont pas lieu d’être, ou alors à mots couverts pour qu’on n’entende pas les dissonances.

Si de telles pratiques sont de rigueur, c’est qu’au centre de la fête, il y a les mariés, dont on ne parle pas ici, et rien ne dit qu’il serait inopportun qu’ils soient de sexe différent. En lisant ce texte à la lumière des préoccupations du moment,  on remarque qu’elles ne changent rien à l’histoire.  Ce ne sont pas les mariés qui posent problème à Jésus, mais c’est l’ordonnancement de la fête. Si Jésus intervient, un peu à contrecœur et surtout sur l’injonction de sa mère, c’est pour qu’il n’y ait   aucune ombre au tableau.

Dans ce mariage, les mariés ne sont pas nommés et ne font pas partie de ce qui retient l’attention. L’ordonnancement de la fête est mal fait et les personnages de l’Evangile que l’on retrouve ici ne sont pas dans leur rôle. Marie qui est la première nommée prend le pas sur Jésus et se mêle de ce qui ne la regarde pas. Jésus, mis en cause rabroue sa mère. Bien sûr il fait un miracle. Mais ce miracle était-il bien utile ? Jésus le fait en catimini, comme s’il avait honte de donner à boire à des gens déjà trop alcoolisés si bien que les gens responsables du repas et le marié lui-même qui fait ici une furtive apparition dans le texte n’en savent rien. Quant à l’autre marié(e) ici, qu’il soit homme ou femme, il n’en est nullement fait mention. Et les choses qui n’étaient pas conformes aux usages entrent dans l’ordre sans même que l’on sache s’il y avait eu vraiment du désordre. Étonnant, non ?

Il y avait donc eu du désordre et personne ne s’en était aperçu ou n’avait voulu s’en apercevoir. Mais dans les affaires confuses, le désordre n’est pas toujours là où on le soupçonne. Bien entendu l’idée  du mariage entre  gens de même sexe fait désordre.  Mais où se trouve vraiment le désordre? Est-ce dans le fait que les futurs mariés demandent à s’aimer devant Dieu  ou dans  le fait que ce n’est pas dans les usages, ou pour des raisons théologiques inavouables ? 

Dans le mariage dont il est question ici, on note qu’il y a du désordre. C’est la mère de Jésus qui s’en aperçoit et qui cherche à y remédier avec l’aide de son fils. Pour y remédier, Jésus doit se substituer à celui des deux époux chez qui la noce se déroule, ce qui n’est pas très indiqué quand on est invité. Jésus doit se substituer à lui en intervenant dans l’ordonnancement des boissons. En prenant pour un instant ce rôle, le désordre cesse. Et c’est sans doute à ce constat que le récit veut nous amener.

Pourquoi donc nous avoir raconté un mariage où les choses vont de travers et où l’auteur ne nous dit pas qui se marie et avec qui ? On ne voit pas pourquoi on nous a raconté cette histoire. Si nous avions un esprit mal intentionné, nous dirions que  Jésus s’est fait manipuler par sa mère et qu’il a  fait un miracle contestable que personne  n’a  remarqué, si non l’auteur du texte, et c’est cela qui est important. 

On a l’habitude de lire ce texte en focalisant notre attention sur le miracle et on oublie ce qu’il y a d’inhabituel dans le contexte. Pour ma part, compte tenu de toutes ces anomalies, je vais m’efforcer de le lire d’une manière symbolique. Apparemment ce n’est pas le récit de la noce qui est important, ni le miracle d’ailleurs mais ce sont toutes ces circonstances que je viens de pointer.

Le mariage se place habituellement au commencement de la vie en couple. C’est  donc une fête qui se déroule au début d’une aventure à deux. Si on réalise que l’on est au début de l’Evangile, il n’est pas impossible de penser que ce mariage pourrait bien être symboliquement le récit du mariage de l’Eglise avec le Christ. 

Depuis l’origine des temps, le couple formé par Dieu et les hommes ne marche pas fort. L’histoire du Premier Testament nous raconte la relation orageuse entre Dieu, qui s’offre comme époux à Israël présenté comme son épouse. Le prophète Osée a du symboliser dans sa propre vie l’union entre Dieu et Israël en épousant une prostituée. 
  
Nous avons vu que Jésus prend ici subrepticement le rôle de l’époux. Serait-il le futur époux du peuple de Dieu ? Est-ce pour cela qu’il est si discret ? Le récit de ce mariage commence par l’expression : Trois jours après ! Mais après quoi ? Nous savons bien que le 3 eme jour est le jour de la résurrection. Ce récit des noces de Cana ne peut donc être lu que dans le contexte de la résurrection. Et comme à la résurrection, Marie était là. Marie a toujours joué un double rôle, elle est mère de Jésus et elle est figure de l’Eglise qu’elle anticipe. 

En tant que mère, elle porte toute la tradition du peuple d’Israël et en tant qu’Eglise, elle en est l’héritière. C’est elle, en tant que porteuse de la tradition, qui reconnaît en Jésus le Fils de Dieu et c’est elle qui en tant qu’Eglise est témoin de la résurrection et devient servante du Seigneur. La prière de Marie exprimée dans son intervention :    « ils n’ont plus de vin » signifie que bien qu’enivrés de tous les biens que Dieu leur donne depuis toujours, les hommes n’ont toujours pas compris le mystère de Dieu !

 Marie exprime ici les revendications d’une humanité qui n’a toujours rien compris à l’amour  de Dieu et elle s’efforce cependant de rendre cet amour efficace.  On a vu que c’est sur l’intervention de Marie que Jésus remet de l’ordre dans les discordances de ce couple.  On a vu que le désordre n’est pas là où on le pense, il serait bon alors que dans ce désordre que crée la proposition de mariage pour tous, l’Eglise joue son rôle en essayant de voir quel et la juste place que l’amour de Dieu occupe dans la vie des hommes.  Ici ce qui est premier, ce ne sont pas les époux, mais l’amour de Dieu manifesté dans leur situation. Eglise, pauvrette Eglise douterais-tu  de toi ?

Marie, peuple de Dieu, Marie Eglise de Jésus Christ en devenir, attire l’attention de Jésus sur le vin. Le vin c’est la joie donnée par Dieu et l’espérance de la vie. Mais nous l’avons vu, il y a un conflit latent entre Dieu et l’humanité.  Les hommes aspirent à un autre vin, un vin nouveau. Jésus leur offre alors ce vin partagé au soir du vendredi saint, quand il ouvre l’éternité à son Eglise en devenir. Le vin qui fait défaut, c’est la joie du Royaume, c’est la résurrection. Mais la résurrection ne prend de signification profonde que si Jésus la donne en se donnant, comme l’époux. 

Jésus en se retournant vers Marie, l’Eglise, l’interroge sur la teneur de sa foi et l’on sent des reproches dans le ton de sa voix. A-t-elle vraiment compris qu’il est venu pour faire toute chose nouvelle ? Six jarres de vin nouveau suffiront-elles à apaiser nos doutes et à fortifier notre foi ? Non certes ! Les 6 jarres à nouveau pleines nous aideront sans doute à grandir sur le chemin de la foi, mais il n’y a que 6 jarres et non sept, comme on pourrait s’y attendre dans un langage symbolique. Il n’y a que 6 jarres, cela signifie que la Création n’est toujours pas achevée. Il faudra encore attendre que la 7 eme jarre nous soit offerte, que le 7 eme jour ait commencé pour que l’union du Christ et de son Eglise puisse être célébrée dans une harmonie enfin retrouvée.

Les choses commencées dans le désordre sont en train de rentrer dans l’ordre, la création continue à évoluer vers sa perfection qui se manifestera totalement quand nous verront les serviteurs apporter la septième jarre de vin nouveau. Cette septième jarre est encore à venir. Et les serviteurs qui la préparent, qui sont-ils ? Mais c’est vous bien sûrs qu’ils symbolisent. Ils préparent par leurs actions, par leur témoignage et par leur foi le Royaume qui vient. Ils accomplissent les désirs de Marie qui sait de quelle espérance les hommes ont besoin et qui la réclame à son fils. Elle est l’Eglise qui intercède pour le monde quand elle prie en disant « que ton règne vienne » afin que toutes choses deviennent nouvelles. 


Illustrations : Giotto : Les noces de Cana

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