samedi 15 septembre 2012

Marc 9:38-48


 

Dimanche 30 septembre 2012 Jésus et les petits

Marc 9:38-48

 

38  Jean lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons par ton nom et nous avons cherché à l'en empêcher, parce qu'il ne nous suivait pas. 39 Jésus répondit : Ne l'en empêchez pas, car il n'y a personne qui puisse parler en mal de moi tout de suite après avoir fait un miracle en mon nom. 40 En effet, celui qui n'est pas contre nous est pour nous.

41 Et quiconque vous donnera à boire une coupe d'eau parce que vous appartenez au Christ, amen, je vous le dis, il ne perdra jamais sa récompense.
Les causes de chute

42 Mais si quelqu'un devait causer la chute de l'un de ces petits qui mettent leur foi en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache autour du cou une meule de moulin et qu'on le lance à la mer. 43 Si ta main doit causer ta chute, coupe-la ; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie que d'avoir tes deux mains et d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas  . 45 Si ton pied doit causer ta chute, coupe-le ; mieux vaut pour toi entrer infirme dans la vie que d'avoir tes deux pieds et d'être jeté dans la géhenne. 47Et si ton œil doit causer ta chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que d'avoir deux yeux et d'être jeté dans la géhenne, 48 où leur ver ne meurt pas, et où le feu ne s'éteint pas.


Si on voulait construire une société idéale en fonction de nos critères humains, pour tenter d’établir le Royaume de Dieu sur terre,  nous ferions certainement de grosses erreurs, car  nous inventerions des règles à respecter et des lois contraignantes. Sous prétexte de créer une société idéale, on finirait par réaliser une société invivable. De nombreux exemples par le passé à commencer par celui de Genève ; ont montré combien il est difficile, voire même impossible de réaliser un tel projet. Combien de communautés religieuses, animées par des prédicateurs pétris de bonnes intentions n’ont-elles pas cherché à créer des sociétés de ce type. Dans l’ancien monde, où elles ont souvent pris naissance au moment de la Réforme, elles ont été rejetées. Il s’agissait surtout de communautés mennonites et anabaptistes. Beaucoup d’entre elles, fuyant les persécutions se sont ensuite établies dans le nouveau monde où les vastes espace ont permis qu’elles s’installent sans se gêner les unes les autres.

Si Jésus avait pu prendre la parole quand ce mouvement a pris naissance, il aurait sans doute dit avec humour qu’on ne peut rien faire sans une totale liberté. Comme on va le voir par la suite, il ne s’agit pas d’un peu de liberté, mais d’une totale liberté.

Cette vertu est nécessaire pour que s’établisse durablement une société vivable qui aurait l’amour pour règle première, car l’amour récuse toute forme de contrainte. S’il y a liberté, il ne peut y avoir de contrainte et s’il y a contrainte, aussi limitée soit-elle, il ne peut y avoir de liberté, sans quoi une telle société idéale, basée sur le seul enseignement de Jésus s’effondrerait.

Il faut avoir tout cela à l’esprit  quand on essaye de comprendre les propos de Jésus, car il savait bien  qu’une société idéale, construite sur des préceptes relevant de la seule piété ne pouvait aboutir. Jésus ne souhaitait  pas que ses adeptes quittent  le monde où ils vivaient. Il souhaitait  qu’ils cohabitent  au milieu de leurs semblables du mieux possible sans  chercher  à  ériger une société de parfaits. C’est dans ce monde où nous vivons,  où personne ne ressemble à son voisin, et où personne ne pense comme son voisin  que Jésus  se propose de nous accompagner.

Dans  ce passage,  Jésus n’est pas en train d’établir des règles contraignantes pour vivre  le Royaume qu’il promet. Il imagine avec humour ce que les hommes pourraient inventer comme société s’ils leur prenaient la fantaisie de se risquer   à construire  une société parfaite conforme aux règles qu’ils pourraient dégager de l’Evangile. Il les prévient qu’elle finirait vite par devenir une société d’inadaptés.

 Les uns   seraient  totalement    inutiles  puisqu’on les aurait jeté à la mer une meule de moulin attachée au cou ; quant aux autres, ils seraient infirmes à cause des contraintes qu’ils s’imposeraient à eux-mêmes. Comme ils se seraient eux-mêmes mutilés pour se punir d’avoir mal fait, Ils seraient  incapables d’être utiles à leur prochain, puisque ils seraient démunis de bras, de jambes et même de sentiments.  Ce serait exactement le contraire  de ce que l’Evangile préconise qui se construirait. En tout cas si une telle société de justes cherchait à  exister, elle ne fleurerait pas bon l’amour du prochain, mais serait liée à l’espionnage,  à la suspicion et  au jugement des autres. Cela aboutirait à une absence totale de  liberté.

On ne peut vivre les promesses de Jésus sans liberté. Cela  découle de son enseignement, c’est pourquoi  Jésus ne se présente pas comme un révolutionnaire briseur d’injustices et redresseur de torts. Il s’approche des hommes avec tendresse et les fait sortir de leur immobilisme contraignant. Il leur donne un seul objectif  comme  marche à suivre : l’amour du prochain.

 Ainsi, il commence  par prendre le parti de ceux qui prêchent sans autorisation dûment patentée ou qui enseignent sans diplôme. Pour lui,  ce n’est pas la qualification ou le diplôme qui donne de la valeur à ce que l’on dit.  Lui-même n’était sans doute pas diplômé. Cette question de la formation de Jésus  intéresse les théologiens et les historiens au plus haut point.  Etait-il  un dissident essénien formé à la dure école des ermites du désert ?  A-t-il étudié aux pieds des grands maîtres de la Loi  sous le portique de Salomon ?  N’a-t-il reçu  aucune formation et sa science lui venait-elle directement de Dieu sans intermédiaire humain ? Aucune réponse n’a jamais été apportée à ces questions. Il semblerait qu’il ait reçu son inspiration  de Dieu seul  qui se serait chargé de sa formation, autant dire qu’il ne pouvait  se prévaloir d’aucune autorité reconnue par les hommes.

Si Jésus n’avait aucune autorité légitime pour enseigner, comment aurait-il pu l’exiger des autres ?  C’est ce que l’on dit, qui a de la valeur, à condition que la parole prononcée soit porteuse de vie et d’espérance. Le bon prédicateur n’est pas celui qui sort des meilleures universités ou qui sait manier l’éloquence, c’est celui qui dit ce que Jésus aurait dit ou qui fait ce que Jésus aurait fait.  On a tendance à croire que c’est  la formation qui donne de la valeur aux gens. La formation n’est qu’un critère, sans doute nécessaire pour que celui qui enseigne la communauté soit reconnu, mais ce qui est important c’est ce qu’il dit, à condition que ses paroles soient le juste reflet de ce qu’aurait pu dire Jésus qui mettait l’amour en tête des critères à retenir.

Jésus proposera donc à chacun de ceux qui l’écoutent de devenir le compagnon de route de sa vie, non pas pour lui imposer des contraintes qui orienteraient son existence d’une manière ou d’une autre, non pas pour faire peser sur lui une morale rigide, mais pour l’aider à donner priorité à l’amour dans tous ses choix et toutes ses entreprises.

Pourtant, on sent poindre l’exaspération dans ses propos, parce que la société qui l’entoure a donné priorité à d’autres critères que les siens. Elle a fait de la  morale la règle essentielle de la religion. Jésus ne s’en prend pas à l’hypocrisie des pharisiens qu’il a déjà dénoncée par ailleurs. Ce qui l’exaspère, c’est la rigueur morale qu’ils enseignent ,  car ils enseignent que Dieu se cache derrière la rigidité de la Loi de Moïse et qu’il se contente du respect de la loi pour absoudre toutes les fautes.


Or pour Jésus c’est le manque d’amour à l’égard des petits qui est la cause de tous les troubles de la société. Pour lui,  Dieu se fait connaître  par l’amour que lui-même leur porte. Il ne vous a pas échappé que Jésus a mis les petits au centre de son propos. Mais bien vite vous allez oublier ce détail, qui n’en est pas un,  tant la violence  des propos de Jésus qui font suite  vont vous heurter.

Le lecteur un peu attentif, que vous êtes sans doute,  sera impressionné par la sévérité des paroles de Jésus.  Vous allez sans doute être portés à  considérer  que la dureté des attitudes  imposées par Jésus est  encore plus sévère que la loi imposée par les pharisiens et les  scribes. Ses exigences respirent une violence insupportable. Quand ce n’est pas la mort qu’il préconise, c’est la mutilation qu’il envisage. A l’entendre  on n’a plus qu’une seule envie, c’est celle  de tourner la page et de renvoyer Jésus  rejoindre  l’école de ceux qui préconisent que de telles pratiques soient encore appliquées, si bien qu’on ne désire plus l’avoir pour guide.

Je vous arrête ici dans vos pensées, car si elles étaient les vôtres vous auriez tout faux. En effet de tels propos s’accordent mal avec  l’attitude de tendresse  préconisée ailleurs par Jésus. En fait il ne préconise  pas  ces  pratiques  cruelles,  il  les mentionne seulement pour provoquer notre intelligence et nous forcer à réfléchir. Il veut nous dire  simplement  que notre attitude à l’égard des  petits,  pour lesquels nous n’avons pas grands soucis, est porteuse de mort, et que nous mériterions un châtiment  sévère de la loi  si on  considérait  que  telle serait la volonté de Dieu pour  se faire aimer. Loin de lui d’exiger que l’on noie ceux qui manquent de  respect aux petits ou qu’on se mutile soi-même pour toutes les formes de manquement à la  charité. 

 Autrement dit, Jésus  retourne contre nous les pratiques de la loi que nous souhaiterions  instituer, pour nous permettre de comprendre qu’un tel projet serait mortel pour nous.  En fait il ne parle pas de la Loi de Moïse, mais d’une loi que nous nous imposerions à nous-mêmes au cas où nous chercherions à être parfaits. Tout compte fait, Jésus nous laisse déduire logiquement de son propos qu’il serait plus avantageux pour nous de pratiquer l’amour plutôt que la loi.

Les petits ce sont ceux qui n’ont pas la parole, les enfants, bien sûr, mais aussi les malades, les infirmes, les réfugiés, les sans asile, les prisonniers, les vieillards. Tous ces gens  que notre société marginalise  et qui auraient besoin de toute notre attention et devraient mobiliser tous nos soins. Une société qui ne le ferait pas ne pourrait pas être porteuse de vie et d’espérance, car c’est à partir de gestes en faveur des petits que s’édifiera le Royaume de Dieu.

 Il n’est donc pas question de construire une société à part, faite de croyants qui fuiraient un monde aussi injuste que le nôtre. Il est question de se laisser immerger dans ce monde-ci  et de mettre nos propos et nos actions  au service de la cause de tous ces petits dont l’amour et la sollicitude des autres font tant défaut.

Aucune loi ne nous condamnera si nous ne le faisons pas, mais si nous ne le faisons pas, comment pourrons-nous encore  parler de l’amour de Dieu ?

 

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