vendredi 28 septembre 2012

Marc 10:17-31


Marc  10/17-31 : « le jeune homme riche » dimanche 14 octobre 2012
.
17 Comme il se mettait en chemin, un homme accourut et se mit à genoux devant lui pour lui demander : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 18 Jésus lui dit : Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. 19 Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d'adultère ; ne commets pas de vol ; ne fais pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère. 20 Il lui répondit : Maître, j'ai observé tout cela depuis mon plus jeune âge. 21 Jésus le regarda et l'aima ; il lui dit : Il te manque une seule chose : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi.
 22 Mais lui s'assombrit à cette parole et s'en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens. 23 Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu'il est difficile à ceux qui ont des biens d'entrer dans le royaume de Dieu ! 
 24 Les disciples étaient effrayés par ses paroles. Mais Jésus reprit : Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu ! 25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. 26 Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ? 27 Jésus les regarda et dit : C'est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu.  
 28 Pierre se mit à lui dire : Nous, nous avons tout quitté pour te suivre. 29 Jésus répondit : Amen, je vous le dis, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi et de la bonne nouvelle, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, 30 et qui ne reçoive au centuple, dans le temps présent, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres — avec des persécutions — et, dans le monde qui vient, la vie éternelle. 31 Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront premiers. 
.


Qu’on le veuille ou non,  nous sommes tous des chercheurs de Dieu. Que l’on se  positionne clairement comme croyant ou que l’on se classe parmi les esprits forts qui prétendent ne pas avoir besoin de soutien spirituel, on se pose   toujours à un moment ou à un autre de notre vie les questions fondamentales qui nous poussent à mettre en cause nos propres certitudes. La question de l’influence de Dieu sur nos vies a toujours effleuré un moment  ou un autre notre réflexion.

Ne soyons donc pas surpris si ce récit de l’Evangile nous relate l’histoire d’un homme qui,  bien qu’apparemment sûr de lui, s’adresse à Jésus en exprimant ses doutes :   «  Que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » Voilà la bonne question qui est celle de chacun de nous. Dans le bref dialogue qu’il a avec Jésus, nous découvrons qu’il est un croyant pratiquant. Il fait apparemment partie de  ces fidèles dont les certitudes théologiques sont tellement ancrées en eux, qu’ils ne sauraient émettre aucune réserve  sur leur foi ! Mais qu’on ne s’y trompe pas,  l’ombre du doute plane déjà  dans son esprit.

Quand nos certitudes sont ébranlées, il est bon d’en parler. Jésus s’offre à lui comme un interlocuteur de choix. Il est perçu pour le moment comme une référence spirituelle fiable, c’est pourquoi il l’appelle « Maître » (rabbi).  Il ne croit pas que Jésus  le désavouera. Au contraire il s’attend à être montré en exemple, mais déjà un doute le taraude. Ce doute dont il n’est pas encore vraiment conscient, lui vient peut-être de quelque chose de profondément enfoui  en lui qui pourrait bien être Dieu. Dieu chercherait ainsi à le faire évoluer dans sa foi en  ébranlant ses certitudes.  Il l’amène à  comprendre que les apparences ne sont qu’illusion si sa piété ne repose que sur sa situation matérielle.

Pour le moment il veut bien laisser transparaître ses doutes, mais il veut surtout être conforté dans ses certitudes. Il vient vers Jésus, non pas pour que sa foi soit mise en cause mais pour être reconnu dans sa pratique. Il ne doute pas d’être conforté dans ses convictions profondes qui nous apparaissent cependant  comme déjà chancelantes, sans quoi il n’aurait pas interrogé  Jésus.  Mais, C’était mal connaître le maître qui met immédiatement le doigt là où ça fait mal.

Ce jeune homme se croit remarquable aux yeux  de ses contemporains. Il fait partie de la minorité qui se pose en exemple aux yeux des autres. Il croit sans doute que si ses semblables cherchaient à l’imiter, le monde irait beaucoup mieux. Apparemment ce jeune homme semble jouer le jeu, il s’offre à la critique en laissant Jésus intervenir dans sa vie. Il montre par son attitude son ouverture d’esprit et laisse entendre à ceux qui sont témoins de la scène qu’il n’est  pas enfermé dans ses certitudes. Il fait donc  une tentative louable auprès de Jésus, même si elle cache un malaise qu’il ne sait pas encore définir.

Si par la suite on a cru devoir le juger sur sa richesse, ce n’est pas elle qui lui pose problème. Il croit que la vérité est en lui et il voudrait l’imposer aux autres, c’est pourquoi il aimerait obtenir l’approbation de Jésus. En fait,  il veut compromettre Jésus en lui forçant  la main pour qu’il approuve sa démarche  car le  doute l’a effleuré. Et quand le doute nous effleure, il ne nous lâche plus.

Par son attitude, Jésus le déçoit parce qu’il ne reçoit pas auprès de lui l’accueil qu’il espérait. Le lecteur que nous sommes, ne comprend pas non plus  ce sur quoi Jésus veut attirer son attention en agissant comme il l’a fait, c’est pourquoi nous passons à côté du problème en glosant sur le mauvais usage des richesses. Curieusement, comme nous allons le voir, le problème n’est pas là.

En effet, je ne pense pas que  ce soit le mauvais usage des richesses qui est la leçon que l’on doit tirer de ce passage. Pour  rendre justice à la pédagogie de Jésus, je vais me risquer à  mettre en accusation l’Evangéliste Matthieu et l’Evangéliste Luc  qui  ont rapporté le même événement dans leur Evangile respectif. Ils ont apporté  quelques variantes, mais c’est sans importance. Pourtant, ils ont  passé sous silence un détail, qui à mes yeux est la clé de l’énigme.

Nous savons que le plus ancien évangile est celui de Marc, celui que nous avons lu et que les deux autres évangélistes l’ont utilisé comme référence pour écrire le leur. Ils ont généralement amplifié les récits avec des détails que Marc ne connaissait  pas, sauf dans ce récit. Ils y  ont retiré une petite phrase qui me semble être la clé de l’énigme et je les interroge pour savoir pourquoi ils l’ont enlevée. Naturellement, je n’aurai pas la réponse, mais nous la chercherons cependant. Marc a glissé une petite phrase qui est la suivante : « Jésus ayant fixé son regard sur lui l’aima »

C’est dans cette petite phrase que se trouve, selon moi, la bonne réponse. A celui qui cherche Dieu, Jésus exprime que l’amour de Dieu est premier par rapport à toute autre chose. Il  affirme que tous les individus, quels qu’ils soient  sont d’abord et avant tout  placés sous le signe de l’amour de Dieu. L’amour de Dieu est premier en toute chose, si bien que rien de grave ne peut nous arriver de sa part. Si l’amour de Dieu est premier, Dieu ne peut exercer sur nous aucune condamnation définitive.
 
Celui qui se sait ainsi aimé ne peut répondre à l’amour que par l’amour. Si  le jeune homme riche perçoit cet amour, il pourra entendre avec intérêt ce que Jésus a à dire sur les richesses, et par amour il fera à son tour ce qu’il croit bon de faire. Et même s’il ne peut se résoudre à se séparer de ses richesses, il  saura qu’il est aimé, et cela change complètement les conclusions  que l’on pourrait apporter à  l’histoire.

Le jeune homme pourra distribuer ses biens aux pauvres ou les garder pour lui et en faire tout usage qu’il croit devoir en faire, cela ne relève que de lui. Si Jésus lui demande de donner ses biens aux pauvres c’est qu’il a voulu  le rejoindre dans sa manière légaliste d’exprimer sa foi. Puisqu’il croit que le salut s’obtient par ses mérites qui sont grands, Jésus  va jusqu’au bout de sa logique. Il lui dit ce que le droit devrait réclamer de lui, à savoir  se séparer de ses biens en faveur des plus démunis.

Le regard d’amour  que Jésus pose sur lui montre que Jésus  autre chose à lui dire. Il espère qu’il cherchera à l’égard  de Dieu une autre relation que celle du légalisme. Il souhaite une relation basée sur le sentiment et non sur l’intérêt. Entre lui et Dieu il ne devrait être question ni d’argent, ni de respect de la loi mais d’une relation où le sentiment a priorité, car c’est l’amour qui doit être au centre de nos relations avec Dieu et avec les hommes.

Dans ces conditions, l’évocation de l’argent et de toutes nos vertus ne prend d’intérêt que si on se situe d’abord dans une relation d’amour avec Dieu.

En gommant le détail sur l’amour, Matthieu et Luc ont mutilé ce texte en donnant priorité à la morale sur l’amour. Il leur était sans doute impossible de concevoir que Jésus puisse aimer quelqu’un qu’il rejetait, c’est pourquoi ils auraient  supprimé cette petite phrase sur l’amour, mais Jésus ne le rejetait pas, il lui montrait qu’amour et légalisme étaient incompatibles. En fait  c’est le jeune homme qui part, ce n’est pas Jésus qui le chasse.


C’est à nous  maintenant d’imaginer la suite, avec toutes les variantes que l’on veut. Il n’est pas impossible que ce jeune homme se soit enfermé dans son légalisme et que l’histoire se soit arrêtée là.  Il n’est pas impossible non plus, que nous ayons là le récit de la conversion difficile  d’un croyant de la première génération qui après cet événement soit revenu vers Jésus et dont l’histoire était connue des membres de la première église, c’est pourquoi l’évangéliste a tu son nom par simple pudeur.

La fin de cette histoire nous appartient, parce qu’elle cesse maintenant d’être celle du jeune homme riche pour devenir la nôtre. C’est nous maintenant que Jésus regarde avec amour. Il regarde ainsi  chacun de ceux  qui après avoir eu un premier contact avec Jésus reste dubitatif sur la suite à donner. Va-t-il  retourner à ses anciennes occupations, comme si de rien n’était, ou va-t-il penser sa vie autrement  à cause du regard  brûlant d’amour de Jésus  qui pèse sur lui ?

Les illustrations viennent  du retable de la chapelle diocésaine de Bayonne par Sœur Mercédès
"Jésus vient de bénir et d'embrasser les petits enfants qui se suspendent à lui familièrement... Le jeune homme survient... Pourquoi ne pas penser qu'en les voyant, il comprend que pour être avec Jésus, il faut devenir un enfant."

Aucun commentaire: