vendredi 6 juillet 2012

Jean 6:1-15



Jean 6/1-15  Un autre récit de la multiplication des pains Dimanche 29 juillet 2012

1Après cela, Jésus s'en alla sur l'autre rive de la mer de Galilée, la mer de Tibériade. 2Une grande foule le suivait, parce qu'elle voyait les signes qu'il produisait sur les malades. 3Jésus monta sur la montagne ; là, il s'assit avec ses disciples. 4Or la Pâque, la fête des Juifs, était proche.

5Jésus leva les yeux et vit qu'une grande foule venait à lui ; il dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger ? 6Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait, lui, ce qu'il allait faire. 7Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pains ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu. 8Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit : 9Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens ? 10Jésus dit : Faites installer ces gens. — Il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. — Ils s'installèrent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. 11Jésus prit les pains, rendit grâce et les distribua à ceux qui étaient là ; il fit de même pour les poissons, autant qu'ils en voulurent. 12Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne se perde. 13Ils les ramassèrent donc ; ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge qui restaient à ceux qui avaient mangé.

14A la vue du signe qu'il avait produit, les gens disaient : C'est vraiment lui, le Prophète qui vient dans le monde.

15Jésus, sachant qu'ils allaient venir s'emparer de lui pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, seul.

Les religions celtes, mais bien d’autres qu’elles aussi  imaginent qu’à la fin des temps, tous les hommes seront invités à un baquet qui ne finira jamais. Ceux qui auront le privilège d’y participer partageront avec la divinité les mets les plus raffinés. Mais avant d’entrer dans la salle du banquet, il faudra pour chacun franchir avec succès les dures épreuves que la vie leur réserve avant d’avoir le droit de figurer au nombre des invités. 

Jésus aurait-il donné dans ce genre ? C’est ce que pourrait se demander un lecteur impertinent en lisant cette version de la multiplication des pains donnée par l’Evangéliste Jean. Cependant à la différence des religions  évoquées plus  haut, Jésus  ne conçoit pas l’existence terrestre  comme un parcours initiatique au banquet final. Pour lui, c’est Dieu qui vient à la rencontre des hommes pour  participer avec eux,  et de leur vivant,  à la longue marche de la vie. Il se propose de les assister pour qu’ils surmontent leurs angoisses et maîtrisent  les obstacles que la maladie, la faim  et les oppressions dressent devant leurs pas.

Il nous appartient à nous seuls  de découvrir ces moments où nous  reconnaissons  en Dieu notre compagnon de route.  Jésus nous promet aussi qu’au  terme de notre vie l’action libératrice de Dieu ne nous fera pas défaut. Il a raconté cette action de Dieu  dans plusieurs  paraboles  qu’il situe dans des banquets et même dans des banquets de noce signifiant la fin heureuse qui nous est  réservée.

Jésus a participé à de nombreux repas au cours desquels il n’a pas manqué de  donner un enseignement sur la fin des temps. Dans l’épisode de la multiplication des pains, il apporte un élément supplémentaire. Il établit un lien entre le repas ordinaire de tous les jours qui est une nécessité de la vie, avec le repas mythique de la fin des temps. Tout cela évidemment ne prend de sens que si on se souvient qu’au dernier soir de sa vie Jésus partagea le pain  et le vin qui  ont signifié pour ses apôtres un don de vie.

Contrairement au banquet final que les peuples celtes, partageaient avec le Dieu Odin qui les récompensait en buvant avec eux de la cervoise tiède dans le crane de leurs ennemis, Jésus n’attend pas la fin  de la vie des hommes pour leur signifier la réalité de leur salut. Il les nourrit alors qu’ils ne demandent rien et il leur apporte le salut sans  qu’ils ne s’en soient rendus dignes. Jésus transforme le mythe en réalité. Il rend le salut présent sans tenir compte des péchés et ceux qui participent à l’événement n’ont pas besoin d’attendre leur mort, pour savoir que Dieu les aime.

C’est là le premier enseignement qu’il faut tirer de cet épisode : Le salut n’est pas le résultat d’une longue pratique, il n’est pas la récompense d’une vie méritoire. Il est à l’évidence la conséquence de la présence de Jésus parmi les hommes. La présence de Jésus, à elle seule suffit, à nous assurer que Dieu a prévu l’éternité  pour que les hommes s’y accomplissent. Ainsi Dieu s’installe pour toujours dans notre vie.

Cet épisode de la multiplication des pains en est un signe tellement significatif qu’il sera rapporté 5 fois dans les Evangiles. Jésus en  confirmera  la portée un peu plus tard, lors du repas de Pâques qu’il partagera au soir de sa vie avec les siens. Ce repas final sera compris  comme le don total de sa vie à la cause des hommes.

Mais si tel est l’enseignement de Jésus, on ne peut s’empêcher de lui opposer tous les démentis que l’histoire des hommes nous a fait connaître. On a vu trop de peuples laminés par la disette et la famine. On a vu trop  d’humains mourir de faim ou de maladie sans qu’aucun miracle ne vienne les secourir malgré leurs prières incessantes. L’apparente surdité de Dieu  aux détresses humaines laisse Jésus mourir avec nos illusions.

En fait, rien n’a vraiment changé. Le monde reste désespérément mauvais. Pourtant cela  n’empêche pas  Jésus  de  nous affirmer que l’éternité de Dieu nous appartient. C’est à partir de cette certitude qu’il recrute des hommes et des femmes de bonne volonté pour qu’à son instigation ils se mettent à leur tour à transformer le monde et à le faire évoluer pour que les promesses du Christ annonçant un changement radical se réalisent.  Le but de Jésus est donc que nous organisions nous-mêmes, à l échelle de la planète le partage initié ce jour là.

l’Ecriture n’a jamais caché que l’humanité avait été mise à part par Dieu pour organiser le monde afin qu’il devienne un paradis. Ce paradis est présenté comme un projet formulé par Dieu  à l’origine et que le  péché des hommes s’évertue à faire échouer. La crise mondiale qui s’aggrave montre que les hommes continuent par leur égoïsme à détruire le projet divin. Les pays nantis réduisent en ces temps difficiles leur participation au développement. Ils contribuent ainsi à plonger les pays les plus pauvres dans une détresse qui grandit davantage alors qu’ils ne sont  responsables, ni de la crise financière, ni des émissions de gaz  à effet de serre qui demain les rendra encore plus vulnérables.  

 C’est  dans ce contexte  qu’il faut recevoir le récit de la multiplication des pains. Il nous ramène dans le droit fil du projet divin. Les participants à ce repas partagent tous, les maigres provisions mises à la disposition de Jésus. Transformées  par ses mains, elles  deviennent quantité suffisante pour chacun. Ils sont tous rassasiés. Personne  ne fait  bombance en tirant de son propre panier des suppléments de victuailles. Nous ne voyons pas  non plus, les gros bras faire usage de leur puissance physique  pour accaparer plus de nourriture que nécessaire et faire des provisions pour les négocier plus tard.  La nécessité que Jésus  leur impose de partager collectivement les modestes vivres qu’il leur offre montre clairement que  c’est ainsi que ça devrait se passer dans le monde. Quand ça se passe pas ainsi,  c’est que le péché qui  est à l’œuvre empêche la vie des peuples d’évoluer harmonieusement. 

Sans le péché  qui fausse tout, les hommes deviendraient  capables de remplir leur vocation d’hommes, c’est à dire qu’ils seraient  capables de gérer le  monde tel que Dieu l’avait prévu. Or Jésus ne cesse de dire que le péché a été détruit par Dieu. Il  laisse  donc miroiter la possibilité  que le monde pourrait évoluer autrement qu’il ne le fait.

Mais apparemment, ça ne marche pas et le monde où nous sommes semble courir inéluctablement vers sa perte. Ça ne marche pas parce que nous pensons que c’est à Dieu de changer le cœur des hommes et  de provoquer l’évolution du monde qu’il souhaite. C’est là que le bât nous blesse. Beaucoup de croyants qui ne supportent pas  l’accroissement des injustices, se réfugient dans l’attente d’une intervention de Dieu qui détruirait le monde des incrédules et donnerait aux fidèles l’éternité promise.
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Ils n’ont pas tort, mais  ils s’arrêtent à mi-chemin. Ils attendent au lieu d’agir. C’est bien souvent l’attitude  qui est celle de leurs églises. Elles ont prêché le salut, elles ont enseigné aux hommes la morale pour s’y maintenir. Mais elles aussi se sont arrêtées là en attendant que Dieu fasse le reste, elles ont figé l’histoire du salut dans l’événement de la conversion de chacun. Elles  réactualisent continuellement  cet événement dans les sacrements qu’elles pratiquent fidèlement, mais elles semblent ignorer  l’étape suivante. Elles la rejettent dans le camp de Dieu.  Pourtant Dieu compte sur elles  pour cette dernière étape.

Il s’agit maintenant du  salut du monde dont nous sommes chargés par vocation divine.  Les hommes qui  ont fait l’expérience du salut par la  foi sont maintenant appelés par  Dieu à gérer le monde  pour qu’il devienne ce monde nouveau symbolisé par la multiplication des pains.

Il y a donc deux étapes dans l’histoire du salut. Il y a le salut individuel qui est une chose acquise, c'est la première étape. La deuxième étape, celle du salut du monde, est confiée de toute éternité aux hommes qui doivent inlassablement donner des signes d’espérance et de vie là où le péché tend à répandre la mort.

Le miracle de la multiplication des pains est porteur en lui de cette double espérance : L’espérance du salut de chacun que Jésus prend en charge et l’espérance du monde pour laquelle Jésus renvoie la balle dans notre camp. Pour cela nous devons apprendre  à jouer  dans la société des hommes avec les règles que Dieu nous a données pour construire son Royaume.

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