vendredi 27 avril 2012

Jean 15:9-17

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Dimanche  13 mai 2012

9Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
11Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète.
12Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. 13Personne n'a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis. 14Vous, vous êtes mes amis si vous faites ce que, moi, je vous commande. 15Je ne vous appelle plus esclaves, parce que l'esclave ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père. 16Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que, vous, vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; afin que le Père vous donne tout ce que vous lui demanderez en mon nom.
17Ce que je vous commande, c'est que vous vous aimiez les uns les autres.


- Peut-on aimer  si on n'éprouve aucun sentiment pour l'autre?
- Ne pas répondre à la violence de celui qui vous humilie est-ce de l’amour ?

Si on répond par l'affirmative à ces deux questions n'éprouvera-t-on pas une profonde frustration?  Peut-on alors trouver une satisfaction dans la frustration ? Derrière ces quelques remarques  se cachent bien évidemment toutes les questions que nous formulons quand l’Évangile nous propose  de trouver notre bonheur dans des attitudes  que nous pourrions qualifier de vexatoires ou d’aliénantes. "Heureux serez-vous quand on vous outragera, aimez vos ennemis,  priez pour ceux qui persécutent. » Voila des textes, tant de fois cités qui permettent au nom d’un idéal évangélique mal compris,  de justifier des situations parfois choquantes.

Il paraît tout à fait évident et conforme à notre nature  humaine de considérer que le but de notre vie est d’être heureux, c'est pourquoi chacun cherche à sa manière le secret du bonheur. Nous pensons qu’il réside dans l’accomplissement de nos dons et de nos désirs. Nous cherchons dans le dépassement de nous-mêmes à réaliser ce qui nous motive le plus et nous pensons ainsi atteindre le bonheur. Mais l’être humain est un puits sans fond. Il n’arrive jamais au terme de ses désirs et en demande toujours plus. Pourtant  la plupart d'entre-nous considèrent que  l’expression d’une sagesse raisonnable consiste, faute d’avoir vraiment trouvé le bonheur, à  se contenter de ce qu'on a et de s'en accommoder comme un succédané du bonheur. Il semble cependant que soit révolue l'époque où  jadis les philosophes invitaient chacun à  trouver son bonheur dans la satisfaction de l’instant qui passe et où  les théologiens l’invitaient à accepter son sort comme un don de Dieu.

Face à ceux qui malgré tout restent satisfaits d’eux-mêmes, se dresse l’immense groupe des insatisfaits et des malchanceux. Blessés par la vie avant de l’avoir commencée, ou nés sous une mauvaise étoile, ils sont frustrés et ne trouvent leur satisfaction qu'en exprimant leur révolte. Le mot d’ordre de ces dernières années n’est-il pas de s’indigner ? La société où nous vivons attise ces sentiments de frustration en accusant  les autres  d'être responsables   de notre mal-être.

 C'est sur ce point que Jésus nous provoque, il nous invite non seulement à découvrir qui sont ces autres que nous accusons, mais à les aimer. Il ne s’agit cependant pas de subir leurs sarcasmes  et d’accepter d’être humilié par eux, mais  de chercher à avoir vis à vis d'eux une attitude telle qu'ils seront amenés à se transformer.  C'est ainsi que l'on plaira à Dieu.  Car selon lui, c'est dans notre bonne relation avec  l'autre, quel qu'il soit, que réside le secret du bonheur et on ne peut être heureux sans plaire à Dieu. Mais comment arriver à ce renversement d'attitude  quand c'est l'indifférence, voire même l'hostilité qui préside à nos relations avec les autres?

On ne peut aimer sur commande. On ne peut pas aimer ceux pour qui nous n’avons aucune attirance et l’injonction de Jésus qui nous pousse vers tous les autres nous paraît suspecte et irréaliste. Quoi qu’il en soit nous savons  bien que notre désir de réussite personnelle ne nous apportera que des satisfactions fugitives et égoïstes, si elles ne sont pas accompagnées par  une grosse part d’altruisme et d’intérêt pour les autres.

Jésus en a fait un impératif. Il considère que nous ne pouvons pas faire autrement. En fait,  l’Écriture depuis les textes les plus anciens jusqu’aux plus récents,  nous introduit dans cette perspective qui est la règle de conduite de Dieu. Même, si la violence semble être une constante dans  la Bible, et c’est ce qu’on lui reproche, elle nous présente cependant un Dieu soucieux de l’avenir de l’homme. Il sauve Noé du déluge, il libère le peuple hébreu esclave en Égypte. Il nous est suggéré  que la motivation profonde de Dieu résiderait dans le fait qu’il aime l’homme d’une manière parfois incompréhensible puisqu’il ira même jusqu’à  sauver Caïn coupable du meurtre de son frère

Si l’être humain est fait à l’image de Dieu, comme il est dit, c’est qu’il y a en lui la  même  capacité à aimer, même ce qui lui est hostile. Cela  fait partie de ses structures profondes. Il doit développer cette capacité pour accomplir son destin.  Mais l’homme a une faiblesse, c’est  le rapport qu’il entretient avec  lui-même. Il s’ingénie à retourner toutes ses capacités vers lui-même et à les mettre au service de son propre ego.

C’est ainsi qu’il exerce l’amour. Nous nous aimons nous mêmes en priorité et en totalité avant de concevoir que nous sommes fait pour aimer les autres. Jésus nous rappelle que nous sommes conçus  pour aimer notre prochain, à égalité avec nous-mêmes.  Pourtant, ce n'est pas aussi évident. Quand nous croyons aimer les autres, c’est souvent à nous que nous pensons en premier.  "Je ne peux pas vivre sans toi dit l’amoureux à sa bien aimée", en s’exprimant ainsi, c’est à lui qu’il pense en priorité et non à elle.  Aimer ce n’est pas  ne pas pouvoir se passer de l’être aimé, c’est vouloir que l’être aimé soit heureux. C’est sur ce point qu’Eros rejoint Agapè et qu’ Agapè supplante Eros. Ainsi l'homme en quête d'amour doit commencer à lutter contre lui-même. Il doit d’abord en prendre conscience avant d'aller plus loin.

Mais nous avons dit que l’amour ne se commande pas et que nous ne pouvons pas aimer celui pour lequel nous n’éprouvons pas de sentiments.  A défaut des sentiments, nous pouvons cependant réfléchir à  notre  attitude.  Cette attitude consiste à  faire ce que nous ferions si nous éprouvions un sentiment d’amour pour celui pour lequel nous restons indifférents.  Nous pouvons aussi  penser que puisque Dieu nous pousse à le faire, il nous en donnera la force et fera également jaillir en nous un sentiment que nous ne croyons pas pouvoir éprouver.  Nous imaginons alors ce que serait notre société si cette attitude se généralisait. C’est  en envisageant une telle perspective  que Jésus parle alors de joie. Une telle attitude de la part des hommes comblerait Dieu de joie et le remplirait de bonheur.

Il est gratifiant pour nous de combler la joie de Dieu, mais à quoi cela nous sert-il ? Si nous rendons Dieu heureux décidera-t-il alors de rendre le monde différent et acceptable pour les hommes ? Le monde tirerait-il un avantage quelconque à participer au bonheur de Dieu ? Autrement dit   si le genre humain se mettait à obéir à sa nature profonde et se mettait à aimer ses semblables d’une autre manière que ce que  nous faisons  habituellement, Dieu changerait-il  d'attitude vis à vis du monde et créerait-il une société paradisiaque?
Non. Les hommes n’ont aucun pouvoir sur Dieu, et encore moins celui de le changer. Mais la bonne réponse n'est pas vraiment là.  .

La bonne réponse  réside dans le constat  que le seul fait de rendre Dieu heureux suffit à lui seul à changer les hommes  en provoquant  un immense bonheur dans leur  cœur. Plus nous nous ouvrirons à notre prochain, plus Dieu sera heureux et plus heureux serons-nous à notre tour. Si cela se produisait, cela  entraînerait le bouleversement  général que Jésus est venu annoncer. En agissant ainsi nous apporterions la conclusion logique à l’œuvre de Jésus  qui ne serait pas mort en vain, puisque l’amour dont il a revêtu  son sacrifice aurait réussi à modifier nos comportements.

Jusqu’ici le succès de cette entreprise n’a pas été évident.  Son échec  apparent  tiendrait  au fait  que les plus croyants et les plus généreux parmi nous  voudraient   imposer ce comportement  d’amour  aux autres comme s’ils  étaient  différents d’eux ou même supérieurs  à eux, alors que cet amour ne peut  se réaliser   que dans  la liberté de chacun. L’Église n'a pas à convaincre les hommes de la nécessité d'aimer, c'est un point acquis, mais elle doit être un lieu de liberté où l'amour trouvera ses droits. Et ce n'est toujours pas le cas.

 Il est cependant réconfortant de réaliser que nous sommes conçus avec une capacité à aimer et que nous avons possibilité de le faire pour la plus grande joie de Dieu qui devient communicative au point de nous rendre heureux à notre tour.







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