vendredi 1 avril 2011

Matthieu 20:29-21-11 Les rameaux dimanche 17 avril 2011




Matthieu 20 /29-31 et 21/1-11


20/29

Lorsqu'ils sortirent de Jéricho, une grande foule suivit Jésus. 30 Or, deux aveugles assis au bord du chemin entendirent que Jésus passait et crièrent : Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David. 31 La foule leur faisait des reproches, pour les faire taire, mais ils crièrent plus fort : Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David. 32Jésus s'arrêta, les appela et dit : Que voulez-vous que je vous fasse ? 33 Ils lui dirent : Seigneur, que nos yeux s'ouvrent. 34 Saisi de compassion, Jésus toucha leurs yeux ; et aussitôt ils recouvrèrent la vue et le suivirent.


Entrée de Jésus à Jérusalem


21/1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples 2 en leur disant : Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les, et amenez-les-moi. 3 Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin. Et à l'instant il les laissera aller. 4 Or, ceci arriva afin que s'accomplisse la parole du prophète : 5Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, Plein de douceur et monté sur une ânesse, Sur un ânon, le petit d'une bête de somme. 6 Les disciples allèrent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. 7 Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, mirent sur eux leurs vêtements et le firent asseoir dessus. 8 La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres coupèrent des branches aux arbres et les étendirent sur le chemin. 9 Les foules précédaient et suivaient Jésus en criant : Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! 10 Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi et l'on disait : Qui est celui-ci ? 11 Les foules répondaient : C'est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée.


Les vendeurs chassés du temple


12 Jésus entra dans le temple, il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de pigeons. 13 Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière.Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. 14 Des aveugles et des boiteux s'approchèrent de lui dans le temple. Et il les guérit. 15 Mais les principaux sacrificateurs et les scribes furent indignés, à la vue des merveilles qu'il avait faites, et des enfants qui criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David. 16 Ils lui dirent : Entends-tu ce qu'ils disent ? Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ces paroles : Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle ? 17 Il les laissa et sortit de la ville pour aller à Béthanie où il passa la nuit

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Si nous avions été à Jérusalem ce jour là, aurions-nous été dans la foule qui acclame et gesticule ou parmi les disciples et les apôtres qui ici ne tiennent pas un très grand rôle ? Peut-être aurions-nous rejoint les rangs de ceux qui sur le bord du chemin se tenaient à distance, ne disaient rien et n’en pensaient pas moins. Ils étaient tellement discrets que Matthieu a oublié de les mentionner. Si aujourd’hui, ils se tiennent sur le bord du chemin et observent sans rien dire, demain ils seront les premiers à élever la voix pour demander la mort de Jésus. Je n’ose croire, pour ma part, que ce sont les mêmes qui aujourd’hui ont acclamé et qui demain conspueront. Pourtant, ce n’est pas exclu, tant l’âme humaine est versatile.


Il y a peut être encore un endroit où l’on pourrait trouver le lecteur, c’est parmi les marchands du Temple qui s’indignent de voir Jésus bousculer leurs étales. Nous serions, comme eux scandalisés qu’on nous empêche de faire notre négoce indispensable à la sérénité des offices religieux. Sans les marchands, l’autel serait déserté par les prêtres incapables de sacrifier, et sans le service des prêtres le pardon de Dieu ne pourrait être accordé aux pèlerins.

Il se peut encore que nous fassions partie des aveugles qui mendiaient sur l’esplanade et que Jésus a guéris. A ce propos, avez-vous remarqué que ce récit commençait par la guérison de deux aveugles et s’achevait par la guérison d’autres aveugles ? Il est vraisemblable que ce ne soit pas une coïncidence. Le fait que le récit soit encadré par deux guérisons d’aveugles laisse entendre que le lecteur doit se ranger parmi ces aveugles qui ont besoin qu’on leur ouvre les yeux pour qu’ils comprennent. Dans les deux cas, après avoir ouvert les yeux et recouvré la vue, ils saluent Jésus du titre de « Fils de David ». Il est donc nécessaire que Jésus nous ouvre les yeux à notre tour pour que nous reconnaissions en lui le « Fils de David ».


La question qui se pose à nous maintenant c’est de chercher à savoir ce que nous ne voyons pas afin qu’il soit nécessaire de nous ouvrir les yeux ? En fait, il nous sera sans doute plus facile de répondre si nous commençons par nous interroger sur ce que nous voyons et nous nous demanderons en quoi cela nous empêche de voir ce que nous devrions. Ce que nous voyons, c’est une manifestation populaire que l’Evangéliste Matthieu s’efforce de nous décrire comme une procession royale, semblable à celle qu’il y eut à l’époque de David, quand il désigna Salomon pour son successeur. Le jeune prince, monté sur la mule de David suivit le même chemin pour recevoir l’onction royale. (1)


Ce sont la tradition biblique et l’art de l’Evangéliste qui nous permettent de comprendre cela. Mais est-ce suffisant pour que Jésus soit obligé de nous ouvrir les yeux sur une autre réalité que nous ne voyons pas. Ce que nous ne voyons pas, c’est que cette pantomime est dérisoire, ridicule même. Si le calendrier de l’époque est respecté, (et pourquoi ne le serait-il pas ?) nous sommes dans le temps de la fête de Pourim, la fête des sorts qui commémorait l’histoire de la reine Esther. Cela donnait lieu à des réjouissances populaires au début du printemps comme dans un carnaval.


Pour ce qui est de notre récit et compte tenu du calendrier et de la modestie de l’événement, les gardes n’ont pas réagi. Ce qu’on ne voit pas non plus, c’est le rôle ridicule que Jésus, le rabbi contestataire devenu célèbre a accepté de tenir en laissant la vedette à un âne. L’auteur de l’Evangile a assez insisté sur le rôle tenu par l’ânon pour qu’on ne le passe pas sous silence. En fait, il est ici question de deux animaux : l’ânon et sa mère. L’Evangile de Matthieu ne nous dit pas sur lequel des deux Jésus est juché : Le petit ou sa mère ? Nous pouvons penser qu’il est assis sur la mère. Et bien non, les 3 autres évangiles qui nous relatent le même événement le placent sur l’ânon ce qui rend la situation encore plus incongrue.


Mais nous ne nous sommes pas encore arrêtés sur l’aspect symbolique de cette histoire. En fait, le but de cette procession était d’arriver au Temple, d’y créer une bousculade afin que Jésus y prononce une parole symbolique qu’il a empruntée à la tradition prophétique : « Ma maison est une maison de prière et vous en avez fait une caverne de voleurs » Certes, il parlait du Temple, mais sous la plume des écrivains de l’Evangile le mot « Temple » a pris d’autres significations et c’est sur ce point qu’il nous faut ouvrir les yeux.


Nous savons que pour l’Evangile de Jean le Temple est identifié au corps du Christ. : Il parlait du « Temple de son corps est-il dit en Jean 2/21 » Pour que le corps de Jésus soit identifié au Temple, il faut qu’il soit débarrassé de tout ce que les hommes lui ont rajouté. Chaque génération a apporté son lot de traditions qui ont donné un aspect particulier à la personne de Jésus, ne serait-ce que toute la piété de Noël, avec ses rois mages, et ses légions d’anges. Ce n’est là qu’un exemple et chaque tradition doit faire le ménage dans ses propres interprétations.


Jésus par ce geste attire l’attention sur le risque que court l’Eglise si elle laisse s’agglutiner sur sa personne toutes sortes d’ajouts qui modifient son aspect au point de le rendre méconnaissable. Jésus voulait que l’on voit en lui cet héritier de David qui est salué par les aveugles du titre de « Fils de David ». Il voulait qu’on le perçoivent comme conforme à la tradition des prophètes. En suivant Jésus et en cherchant à l’imiter, les hommes à sa suite deviendront, comme lui et à leur tour le Temple de Seigneur.


Les hommes, selon la parole de Paul en 1 Corinthiens 3/16 s sont appelés à être le temple du Seigneur. Cette image n’a sans doute pas été inventée par Paul, elle devait avoir cours dans la première église, mais elle était trop provocante pour être retenue par les Evangiles. Pour notre part, nous la retiendrons cependant comme une allégorie possible pour le temple. Dans ce cas, le lecteur en devient le personnage central. De ce fait il me semble évident que l’ânon cesse de jouer un rôle quelconque. En effet, puisque le lecteur lui-même se trouve prendre sa part à l’événement, il en pend la place centrale, son rôle est alors de porter le Christ à la place de l’âne et c’est par son action que Jésus devient vraiment le Messie, le fils de David.

En grimpant vers le faîte de la colline couronnée par le temple, c’est vers nous que vient le Christ puisque c’est nous, maintenant qui sommes destinés à être le Temple. En le purifiant, Jésus s’empare de notre personne à qui il demande d’assumer sa royauté. Il laisse à chaque croyant le soin d’en dessiner les contours car Jésus ne peut régner vraiment que si son règne est révélé par ceux qui le portent.


C’est eux maintenant qui assument le rôle de l’âne. Ce n’est ni une royauté terrestre que Jésus exerce comme serait celle d’un Seigneur de la guerre, ce n’est pas non plus une royauté céleste qui ne concerneraient que les anges. La royauté de Jésus est faite de ce que les croyants manifestent de lui. Il règne sur nous avec le pouvoir que nous lui concédons.


C’est bien là où nous en sommes aujourd’hui. Jésus nous a dit, mais est-ce besoin de le répéter, que son seul pouvoir réside dans l’amour et que sa seule force est dans la justice ? Il préconise le partage de toutes choses et nous invite a faire du mieux-être de nos semblables le centre de nos préoccupations. Chacun de nous s’efforce d’ajuster au mieux son comportement à cette volonté du Seigneur. Cela peut prendre une part insignifiante dans ses actions, cela peut aussi prendre beaucoup de place. C’est nous seuls qui le savons en fonction de l’intérêt que nous portons à Jésus.


Jésus, quant à lui, n’utilisera jamais la force mais la conviction pour nous persuader d’en faire davantage. C’est sur ce point qu’il est nécessaire qu’il nous ouvre les yeux afin que nous discernions quel rôle nous avons à jouer dans la manifestation de sa royauté. C’est pour cela qu’il faut que Jésus chasse de son temple, que nous sommes, toutes les fausses piétés pour laisser la place à la vraie adoration. C’est alors que le saint Esprit permettra à nos yeux d’aveugles de s’ouvrir.


(1) 1 Rois 1/32-2/11

Illustrations: Les Riches heures du Duc de Berry : Limbourg brothers 1416

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