dimanche 17 avril 2011

Luc 24:13-35 les disciples d'Emmaüs - dimanche 8 mai 2011




Les disciples d'Émmaüs

13 Et voici que ce même jour, deux d'entre eux allaient à un village nommé Émmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades, 14ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. 15 Pendant qu'ils s'entretenaient et discutaient, Jésus s'approcha et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. 17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Et ils s'arrêtèrent, l'air attristé. 18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem et ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? 19 — Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui s'est produit au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, 20 et comment nos principaux sacrificateurs et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël, mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces événements se sont produits. 22 Il est vrai que quelques femmes d'entre nous, nous ont fort étonnés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, 23 n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leur sont apparus et ont déclaré qu'il est vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu. 25 Alors Jésus leur dit : Hommes sans intelligence, et dont le cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! 26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte et entrer dans sa gloire ? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

28
Lorsqu'ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.
29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour rester avec eux. 30 Pendant qu'il était à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? 33 Ils se levèrent à l'heure même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les onze et leurs compagnons, 34qui leur dirent : Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. 35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.



Bien que nous croyons avoir réponse à toutes les questions que l’on se pose depuis que l’univers existe, note siècle semble devoir être celui des pourquoi. En fait la pensée humaine ne cesse d’être féconde en questionnements. Le sens des choses, l’avenir du monde, la durée de la vie, la guerre ou la paix, jamais tant de problèmes n’ont hanté notre esprit. Nous baignons dans un univers de morosité qui nous pousse à penser que les générations passées devaient être plus heureuses que la nôtre. Pourtant, nous ne renoncerions pas pour autant à notre confort matériel pour un retour vers une vie plus calme.

Apparemment, nous sommes informés de tout ce qui se dit ou de tout ce qui se fait. Tous les courants spirituels ont visité peu ou prou notre esprit, mais aucun n’a laissé en nous de marque indélébile et nous traversons la vie sans enthousiasme, avides de nouveauté et incapables de changer.

Voila un portrait apparemment désabusé de notre société qui appelle sans doute correction, mais qui correspond à celui où nos contemporains se retrouvent le mieux et dont la principale caractéristique est le manque d’espérance. Est-ce une réalité propre à notre temps, ou est-ce un constat que toutes les générations ont pu faire à un moment ou à un autre de leur évolution ?

Quoi qu’il en soit, nous sommes quand même héritiers d’une tradition qui a porté en elle un fol enthousiasme. Il trouvait son origine dans la foi en la résurrection qui a donné envie de vivre et de lutter à bien des générations alors que leur espoir s’amenuisait à cause des provocations du moment. C’est sur cette promesse de la résurrection que les chrétiens des premiers siècles ont pris le pas sur les religions païennes et qu’ils les ont supplantées au point de les voir disparaître.

Malgré leurs divisions internes sur la nature du Christ ou sur les formulations du dogme trinitaire, ils n’ont pas remis en cause l’affirmation de la résurrection dont l’apôtre Paul se fit le champion : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine » écrivait-il ( 1 Cor.15/17). La foi en la résurrection est devenue l’élément central de la foi chrétienne et c’est elle qui en fait sont originalité.

Force nous est donnée de constater que ce dynamisme des premiers siècles s’est amenuisé, alors même que l’affirmation en la résurrection se faisait plus diffuse. La foi chrétienne fait aujourd’hui partie des idées reçues. Elle ne se discute pas et aucune affirmation à son sujet ne passionne les foules. Pire, les tenants affichés de la foi chrétienne font figure de conservateurs et les idées qu’ils défendent sont perçues comme obsolètes.

Etait-ce pour en arriver là que Jésus a accepté de se laisser trainer au supplice et clouer sur une croix ? Telles étaient les questions que devaient se poser deux de ses adeptes qui suivaient à rebours le chemin qui les ramenait chez eux après l’avoir
suivi plein d’espoir. Disciples d’un prophète utopique devenu martyr, ils se demandaient ce qu’ils pourraient bien raconter de gratifiant de retour à la maison.

Ne trouvez-vous pas que ces deux hommes entrent bien dans le cadre que j’ai dépeint pour y situer l’Eglise du vingt et unième siècle ? Ils sont comme nous, ils n’ont plus rien de glorieux à raconter. Si le message chrétien a exalté les foules de jadis, on s’attend à autre chose aujourd’hui. Si l’événement de la résurrection a été au centre de la foi chrétienne, il suffit d’un simple sondage pour constater que les chrétiens n’y croient pas vraiment. Si on leur demande de s’exprimer sur la question, ils formuleront des idées banales qu’ils emprunteront aux philosophies orientales. Ils parleront de survie de l’âme, ils prononceront à coup sûr le mot de réincarnation, mais ils resteront prudents sur la notion de résurrection, car ils ne se sentent pas personnellement concernés par cette notion. Quant à la résurrection de Jésus elle est plus un événement du passé qu’une réalité qui les concerne. Il ne leur reste plus qu’à rejoindre les deux marcheurs en direction d’Emmaüs.

En effet, nos deux amis qui cheminaient solitaires partageaient cet état d’âme, même s’ils étaient devenus attentifs aux propos de celui qui les avait rejoints. S’il avait repris les enseignements que Jésus avaient formulés, ce n’était cependant pas suffisant pour qu’ils s’en émeuvent davantage. Sans doute continuaient-ils à se demander ce qu’ils pourraient bien raconter à leur retour de leur expérience spirituelle, si non leur espoir déçu et leur expérience ratée. Ils pourraient faire état de leur sentiment d’injustice, ils pourraient parler de l’abus de pouvoir de la part des autorités, rien que du banal et du déjà vu. Ils n’oublieraient pas de parler du silence de Dieu qui n’a rien fait pour sauver celui qui parlait si bien de lui. Mais il n’y avait rien de nouveau dans tout cela, en tout cas pas de quoi quitter sa famille.

Et puis, ces deux hommes avaient faim. On peut penser que la marche avait aiguisé leur appétit et que le fait de manger les empêchait de penser ! Les voila donc devenus consommateurs et ils invitent leur mystérieux compagnon à consommer avec eux. Celui-ci accepte, se prête à leur désir et entre dans le jeu de la consommation ( j’allais dire dans le piège de la consommation).

Nous consommons tous, c’est un droit que nous revendiquons et nous serions frustrés de ne pas l’exercer. C’est ce droit que nous reconnaissons aux peuples en révolution et nous lui associons les notions de justice, de liberté et de démocratie !

C’est à ce point bien précis de notre réflexion que nous rejoint le marcheur mystérieux qui entre dans l’auberge pour consommer avec les deux autres, croit-on. Il ne consomme pas. Il partage. Et au moment où il partage, leurs yeux s’ouvrent et ils comprennent.

Que comprennent-ils ? On nous a dit qu’ils comprennent que Jésus s’est fait reconnaître en renouvelant l’eucharistie qu’il a partagée avec eux, quatre jours au paravent. On nous a enseigné alors que sa résurrection était devenue leur résurrection et qu’une nouvelle histoire avait commencée pour eux, c’est pourquoi ils avaient décidé de revenir à Jérusalem. Certes, on peut lire les choses ainsi, mais on doit aussi se demander si eux aussi avaient partagé le dernier repas, car ils ne faisaient pas partie des douze. On ne s’empêchera pas non plus de constater que Jésus ne fait que rompre le pain. Il n’y a pas de vin. On est donc en droit de dire que ce n’est pas l’eucharistie qui est célébrée par le ressuscité sur le chemin d’Emmaüs.

On retiendra cependant qu’il y a eu partage. Le fin mot de l’histoire c’est que la résurrection ne prend de sens que dans le partage. Notre vie ne peut être habitée par Dieu que si nous la partageons. Notre société ne peut être témoin du Dieu qui l’habite que si elle préconise le partage comme élément essentiel de la présence de Dieu, car c’est seulement dans le partage que la vie prend du sens. Le sens profond de la résurrection, c’est que la vie est habitée par Dieu. Nous devons conclure que la résurrection n’a de sens que dans le partage et c’est par lui que s’ouvre pour nous l’éternité.

L’acte essentiel qui révèle la présence de Dieu dans notre vie d’Eglise c’est donc le partage du pain qui ne peut se réduire à un acte liturgique mais qui demande la mobilisation de toutes nos forces au service des autres.

Les illustrations sont de He-Qi

Voir aussi un autre sermon sur le même texte, sur le même bloc dimanche 03 avril 2010



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