mercredi 6 avril 2011

Jean 20: 19-31 apparition à Thomas dimanche 1 mai 2011




Jean 20/19-31

9 Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient fermées, par la crainte qu'ils avaient des Juifs ; Jésus vint, et debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20 Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent en voyant le Seigneur. 21 Jésus leur dit de nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. 22 Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit Saint. 23 Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

24 Thomas, appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux, lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point.

26 Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27 Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois ! 28 Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! 29 Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru !

30 Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31 Mais ceci est écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.



Qui que nous soyons, un jour ou l’autre, au moment où nous ne nous y attendons pas, les questions fondamentales de notre vie surgissent devant nous:
- qui es-tu?
- que fais-tu dans ce monde?
- gardera-t-on mémoire de ton passage sur terre quand tu ne seras plus?
- quand le sommeil de la mort aura fermé tes yeux garderas-tu le souvenir de ce que tu as été ?
Nous nous posons tous ces questions un jour ou l’autre et si elles ne nous avaient jamais traversées l’esprit nous ne serions pas là aujourd’hui.

Le récit de l’Evangile de Jean que nous venons de lire, malgré la distance qui nous sépare de lui correspond sans doute à la situation qui est peut être la nôtre. Les amis de Jésus savent d’après les récits des autres, que le maître que l’on a vu mort est désormais vivant ; mais ceux qui n’ont pas été témoins de l’événement restent étrangers à ce qui vient de se passer, car ils n’en ont pas été directement les témoins. Ils savent la résurrection, mais ils ne se sont pas encore approprié l’événement. Ils ont besoin qu’on les aide à croire ce à quoi ils se refusent à croire. La plupart de nos contemporains partagent cette situation, c’est dire que la résurrection est loin d’être un fait acquis pour tous.

On nous décrit ces gens comme enfermés dans leur peur alors que la nuit les environne. C’est aussi la nuit dans leurs pensées, c’est également la nuit dans leur âme. Ils se sont enfermés chez eux pour mieux résister à ce qu’ils ne comprennent pas. Les expériences de ces derniers jours ont tout remis en cause dans leurs certitudes : l’arrestation du maître, leur fuite, l’interrogatoire, le procès, leurs désillusions, et puis la mort. Tout cela a bousculé leur dernière semaine, comme un épisode de leur propre histoire dont ils ne gardent qu’un sentiment de profonde amertume et la certitude de n’avoir pas fait ce qu’il fallait faire. Ils se sentent coupables de trop de sentiments confus.

C’est non seulement la nuit dehors, mais c’est aussi la nuit dedans, et en plus, ils ont peur. Bien sûr ils ont peur des représailles et de la vengeance, car ils se sont affichés publiquement comme les amis de celui qui a troublé l’ordre public. Tout le monde sait qu’il n’est pas bon de mettre en cause la « pax romana », la paix romaine. Ils ont peur aussi d’eux-mêmes, et peut être aussi de Dieu, car ayant perdu leurs références ils se trouvent seuls face à l’inconnu. Ils ont peur de ne plus croire.

Franchissant les murs de leur maison, on pourrait dire « les murs de leur tombeau », car il s’agit bien pour eux d’un tombeau volontaire, le ressuscité vient. C’est justement de cela qu’ils ont peur. Ils ont peur que l’idée de la résurrection vienne en rajouter à leurs désillusions : « Shalom » leur dit-il : la « paix ». Quelle paix? Non pas la paix politique bien sûr. La paix dans le langage de la Bible c’est ce sentiment diffus qui vient d’ailleurs, qui change la réalité humaine et qui exprime la présence de Dieu.

Il souffle sur eux pour concrétiser cette parole de paix qu’il a prononcée. Le souffle ne se voit pas, ne se s’entend pas, il ne se saisit pas et pourtant quand il arrive sur vous, il vous pénètre et il se passe quelque chose de profondément invisible qui s’empare de votre personne et vous révèle la présence de Dieu. Avec ce souffle qu’ils reçoivent ils réalisent alors que tout devient possible, le mort est vivant, et ils le sont avec lui. Le ressuscité les ressuscite. L’esprit qu’il a soufflé sur eux leur a redonné vie. Une vie étrange à laquelle ils ne s’attendaient pas

L’esprit que Jésus souffle sur eux, c’est le même esprit créateur qui selon les Ecritures était présent à tous les grands moments de la Révélation. Il est cette force qui vient d’en haut et qui pénètre jusqu’au très fond de l’âme pour donner vie à ces humains en mal de vivre.

Nous pensons alors : « Heureux donc étaient-ils, ceux qui se sont trouvés dans cette pièce ce jour là, à portée de souffle. Heureux étaient-ils parce qu’ils étaient là, au bon moment. Heureux celui qui est réceptif au moment où cela se donne? En disant cela j’entends peut-être les soupirs secrets de chacun d’entre nous pour qui les choses ne sont pas si simples, la vérité de la résurrection est moins évidente, le souffle de l’esprit moins fort et rien n’à pu s’imposer à eux pour transformer leur marasme en espérance.

Combien, voudraient être de ceux là, de ceux qui auraient aimé voir et entendre. Nombreux sont ceux qui aimeraient croire et qui n’y arrivent pas. Nombreux sont ceux qui voudraient croire mais qui se sentent empêchés par les événements. Nombreux sont ceux qui ne croient pas parce que les hommes ont provoqué en eux des blocages tels qu’ils ne pourront plus jamais croire. Nombreux sont-ils aussi ceux qui rejettent Dieu lui-même parce que des événements ont rendu leur vie incompréhensible et ont entraîné la mort de leur foi.

Combien auraient aimé être de ces témoins privilégiés pour qui le ressuscité présent devant eux mettrait un terme à tous leurs questionnements. Pourquoi eux et pourquoi pas moi? Pourquoi n’ai-je pas eu accès à cette sérénité que les autres ont eu et que je n’ai pas? Pourquoi n’ai-je pas reçu cette puissance qui vient d’en haut et qui me permettrait de traverser sereinement cette vallée de larmes.

J’insiste sur ces frustrations, qui sont les nôtres, parce qu’il y en a un parmi les intimes de Jésus qui les a profondément ressenties. C’est Thomas, celui que l’on appelle Didyme, en hébreu cela veut dire le jumeau. Le jumeau de qui? Il n’en a pas dans l’Ecriture, mais il en a dans la vie. Didyme, c’est mon jumeau à moi, c’est celui qui pose les bonnes questions pour moi, c’est mon alter ego dans ma nuit, dans ma tombe, dans ma détresse ou dans ma tristesse. C’est lui qui ose dire pour nous tous: « Et moi, pourquoi suis-je laissé pour compte? » Et c’est pour lui que Jésus revient. Comme c’est pour moi que Jésus revient.

Ainsi l’attente de chacun trouve un jour son terme. Jésus prévoit pour chacun de nous des moments où il nous visite personnellement, des moments où il prévoit de prendre en charge cette partie de nous-mêmes qui est en révolte et en même temps qui est en quête de vérité. « Voici mes mains, voici mes pieds, voici mon côté, touche mes blessures. » Et Thomas ne les touche pas.

Pourquoi ne s’autorise-t-il pas ce contact physique qu’il a tant désiré ? Et pourquoi Jésus s’offre-t-il à lui comme un homme blessé ? Si Jésus est ressuscité, s’il a déjà revêtu son corps de gloire, pourquoi présente-t-il encore des blessures? Jésus s’approche de lui dans la dimension physique que Thomas a souhaitée. Jésus se présente à lui dans une réalité acceptable par lui et capable de déclencher sa foi.

S’il ne le touche pas, c’est qu’il découvre en même temps que la résurrection a une autre réalité que l’apparence physique. Thomas ne touche pas physiquement, car il est touché intérieurement. C’est dans l’intériorité de son âme que cela se passe. C’est à l’intérieur de lui que la résurrection est devenue réalité. Ce ne sont ni les apparitions ni les développements philosophiques ou théologiques qui lui démontreront cette réalité, c’est la conviction intérieure que dépose en lui l’esprit de Dieu.

Cette expérience s’est produite 8 jours après celle des autres, c’est dire que Thomas l’a désirée pendant longtemps. Jésus, au moment où il ne s’y attend plus, vient vers lui pour donner vie à son désir. Il y a comme un exaucement à cette prière secrète que Thomas a certainement formulée : « Seigneur mets en moi la certitude de ton amour pour moi ». Jésus son vieux compagnon de route vient alors vers lui, ils ont vécu de longues années ensemble. La mort les a séparés et pourtant il est là.Tout devient nouveau, rien n’est plus comme avant. Il est à côté de lui, il est avec lui, il est en lui et par le souffle qu’il lui donne il lui transmet la plénitude dont il a besoin pour commencer à vivre la résurrection qui lui est promise.

Pour nous aussi Jésus vient vers nous, il traverse notre passé pour souffler sur notre présent et y aviver la flamme de l’éternité. Cela signifie que pour que le souffle de vie me fasse vivre aujourd’hui, il faut aussi que j’accepte qu’il souffle sur mon passé, anéantisse ce qui n’a pas lieu d’être, détruise tout ce qui était chargé de mort afin que seul ce qui doit vivre soit réanimé par le souffle divin.

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