vendredi 3 décembre 2010

Matthieu 2:1-12 - La visite des mages - Noël- 25 décembre 2010



La visite des mages

1 Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète :
 
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n'es certainement pas la moins importante
dans l'assemblée des gouverneurs de Juda ;
car de toi sortira un dirigeant
qui fera paître Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8 Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui. 

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 A la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Notre imagination nous entraîne à la rencontre de ces voyageurs d’Orient dont l’histoire a défrayé la chronique. A travers les embûches incompréhensibles que le hasard mettait sous leurs pas, les mages, les yeux dans les étoiles suivaient le chemin que le Tout Puissant traçait pour eux. Mais comment pouvaient-ils être sûrs de leur Dieu alors que la mort rodait autour d’eux, tel un chacal du désert ? Leur monde ne ressemblait pas à un conte oriental, même si le récit qui rapporte leur histoire y ressemble. Il y avait devant eux un enfant livré aux caprices d’un tyran comme il y a encore aujourd’hui devant nos yeux un monde livré aux caprices d'autres tyrans pour qui la vie des enfants ne pèse pas très lourd  Comment croire qu’un Dieu bienveillant guidait leurs pas, alors que tant d’enfants allaient être sacrifiés à la vindicte sanguinaire d’un despote ? Comment croire qu’un Dieu bienveillant habite notre monde alors que notre monde, dans ses derniers soubresauts provoqués par les hommes ou par la nature elle-même continue à porter la mort en son sein ? Telles sont les questions qui hantent tous les chercheurs de Dieu.

Aujourd’hui nous allons mettre nos pas dans ceux de ces illustres personnages. Nous rejoignons avec eux la liste nombreuse de ceux qui sont à la recherche de Dieu. Chacun ira à la vitesse de sa propre monture. Les uns, montés sur des coursiers rapides alimentés par les prouesses des ordinateurs de la technique moderne iront plus vite que les autres qui préfèreront le pas lent de leurs chameaux animés par les légendes d’antan. Tous ont rendez-vous au même endroit, celui où l’on rencontre Dieu.

Ces personnages mystérieux venus d’Orient suivirent le même chemin que celui suivi jadis par Abraham avant eux et que tout chercheur de vérité doit suivre. Il consiste à chercher Dieu ailleurs que dans son  univers personnel. On le cherche, dans le ciel, dans les étoiles, dans l’au-delà, dans les livres. Au cours de ce parcours initiatique, à travers les déserts du monde ou tout simplement les méandres de la littérature, le marcheur arrive forcément dans les hauts lieux de la spiritualité. Infailliblement ses pas le portent dans les lieux saints que d’autres ont foulé avant lui. C’est là également que les mages portent leurs pas. C’est dans cette direction que nous tournons nos regards. Mais Dieu ne se trouve pas forcément dans les lieux saints et les mages en ont fait la triste expérience. Ils ne l’ont pas trouvé dans la ville sainte de Jérusalem

Combien parmi nous n’ont-ils pas butté sur les même pierres d’achoppement ? Ils sont allés chercher Dieu sur les sites où la tradition a conservé les traces de son passage et ils n’y ont rien trouvé. La trace indique le passage, elle nous laisse entendre que nous sommes dans la bonne direction, mais si celui que l'on cherche a laissé une trace, c'est qu'il est allé ailleurs, et qu'il est déjà plus loin. La réalité qu'ils cherchent est donc plus loin. Les hauts lieux de la tradition ne leur apportent que l’écho des grandeurs du passé, mais ne disent rien à leur cœur de la présence de Dieu. Au pied des cathédrales dressées par l’histoire, la tradition reste bien souvent vide d’espérance. Combien de chercheurs de Dieu, déçus par le voyage n’ont pas cherché plus loin et n’ont pas porté leurs regards ailleurs. A ce point de leurs recherches ils pas n’ont pas compris que Dieu ne se laisse pas trouver dans l’expérience des autres, ni même dans l’évocation de la tradition, fut-elle hautement respectable. Il ne se laisse trouver que dans un face à face avec soi-même.

Qui es-tu, toi qui cherches Dieu ? Quel est le sens de ton histoire ? A quoi sers-tu sur cette terre ? Si tu trouves des réponses à ces questions, tu n’es pas très loin de Dieu. Le voyage initiatique ne se fait pas forcément par un déplacement dans l’espace, il ne se fait pas forcément en parcourant les traditions vénérables, il ne se fait peut être pas non plus en parcourant les écrits des penseurs. Il se fait dans la découverte de soi. Il se fait dans la découverte du petit enfant que nous avons été et que nous retrouvons dans l’enfant de la crèche.

C’est dans cet enfant où Dieu se cache que le voyageur en quête de spiritualité doit se retrouver lui-même. Il est un être fragile lui aussi, et sa fortune, s’il en a une ne lui servira à rien. Plus besoin de myrrhe et d’encens, plus besoin de science ni de diplômes. Dieu est là dans la vérité toute nue de chacun. Dieu est présent en nous du simple fait que nous existons. Notre histoire personnelle ne trouve son origine que dans la découverte de Dieu qui habite déjà notre destin depuis notre enfance et lui donne du sens. En se reconnaissant dans la fragilité d’un enfant,  chacun découvre que Dieu est à l’origine de sa propre vie et il repart maintenant riche de ce qu’il est devenu.

La rencontre avec Dieu se fait au fond de soi. Elle commence par une réflexion qui nous permet de comprendre que c’est Dieu qui donne du sens à tout ce que nous entreprenons. Cette découverte n’est cependant que le début du voyage. Nous devons maintenant suivre Jésus que l’histoire emporte vers la terre d’Égypte pour fuir la mort qui le guette. Notre itinéraire aurait du s’arrêter là. Il n’en est rien. Car c’est là dans ce désert que la mort bouscule nos certitudes.
La mort est la seule arme trouvée par Hérode pour s’emparer de la vie dérisoire d’un enfant. La mort est la seule arme dont disposent tous ceux qui veulent construire un monde sans Dieu et le régenter à leur façon. La mort est la négation de Dieu et elle rôde autour de chacun.

C’est pour cela que le récit insupportable de la mort des enfants innocents prend place ici dans l’Évangile. Il se présente à nous comme une question sans réponse, pour provoquer notre foi en recherche et alimenter nos questionnements : Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Pourquoi n’a-t-il pas fait le miracle espéré pour sauver les enfants frappés par le glaive de ses soldats ? Pourquoi n’a-t-il pas fait le miracle espéré quand on a essayé de parlementer pour sauver ceux qui soufrent et meurent en Syrie? Le doute vient alors prendre la place de Dieu dans notre désert intérieur. Il se nourrit de nos pourquoi et il désoriente notre pensée ? Il se dresse comme un défi à l’espérance.

La  mort est la dernière provocation sur le chemin de la découverte de Dieu. Elle nous amène à réaliser que, la vie ne prend de sens que quand nous comprenons que Dieu en est l’origine et  qu'en lui, elle n'a pas de fin. A peine nous sommes-nous ouverts à la présence de Dieu que nos interrogations nous poussent à régler nos comptes avec lui.

Nous  devons alors oser lui dire que le plus grand obstacle à notre foi est constitué par toutes les frustrations que la mort provoque en nous. Il s’agit non seulement de la mort qui nous attend à la fin de notre vie, mais aussi de toutes ces petites morts que constituent toutes les provocations de notre existence. Nous ne nous sentons pas pleinement satisfaits de nous-mêmes. Nous nous considérons comme trop grands ou trop petits. Le visage que nous renvoie notre miroir ne nous convient pas davantage. Nous tenons Dieu pour responsable de tout ce qui nous afflige. Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Pourquoi as-tu laissé partir sur des vols qui ont crashé tous ceux qui n’en reviendront pas? Suprême réaction de l’adolescent que nous n’avons jamais cessé d’être, nous jetons à la face de ce Dieu en qui nous avons encore de la peine à croire : « je n’ai pas demandé à naître ! »

Et bien soit ! Accusons Dieu, car nos frustrations sont bien réelles puisqu’elles nous font souffrir, nous sommes loin de la perfection enviée. Mais Dieu où est-il? N'avons-nous pas découvert que sa trace nous conduisait eu fond de notre être?

Si  Dieu est en chacun de nous, toute chose prend un sens nouveau. Les vides de notre vie s’habillent d’espérance et notre existence devient une oasis où il plaît à Dieu d’habiter. Et si la mort nous surprend quand on ne s’y attend pas, nous devons croire qu’il est lui aussi provoqué  par elle et qu'il nous arrache à notre destin funeste. C’est là le mystère de la résurrection, c’est une autre aventure avec Dieu qui commence ici et maintenant. Tel est le projet que Dieu fait pour chacun quand il se laisse rencontrer dans l’enfant de la crèche.

Tout cela est bel et bien pour celui qui a fait le voyage jusqu'au bout, mais pour celui qui ne l'a pas fait, qu'en est-il?

Le mystère de Dieu se trouve dans la seule notion d'amour et c'est dans ce mot que se rassemblent toutes les réponses à toutes nos questions.

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