samedi 21 août 2010

Parabole des deux fils Luc 15:11-32 dimanche 12 septembre 2010




Luc 15/11-32
La parabole des deux fils
11 Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16 Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait.
17 Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18 Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.” » 20 Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa. 21 Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22 Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24 car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.
25 Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27 Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28 Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31 Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! »
Cette parabole est une histoire que Jésus a racontée sans doute un soir où il mangeait à la table d’un hôte dont le nom nous est demeuré inconnu. Les paraboles sont nées de propos recueillis au vol, d’anecdotes, de propos de table, d’incidents quelconques. Jésus s’en emparait, il en tirait un enseignement avec lequel il a forgé son Evangile. Chacun s’y reconnaissait et y découvrait un autre visage de Dieu, bien différent de celui de la tradition.
Qu’il nous soit permis aujourd’hui d’imaginer le fait divers qui l’aurait peut être inspiré. Cette parabole pourrait bien être l’écho d’une conversation surprise entre deux matrones le matin même sur un marché. Elles commentaient la vie du village et donnaient leur avis. Elles parlaient de la famille de ce brave Monsieur Lévi, (c’est moi qui donne ce nom au personnage du père de la parabole) qui avait bien du tourment à élever tout seul ses deux garnements qui lui causaient bien du souci.
- Nous parlons de garnements, disait l’une mais ils sont arrivés à l’âge adulte et ils n’ont ni l’un, ni l’autre pas plus de cervelle qu’un moineau.
- Mais qu’a-t-il fait au Bon Dieu, ce pauvre homme renchérissait la seconde pour avoir deux fils aussi dissemblables ? Le grand dadais qui est l’aîné est toujours dans les basques de son père, il est bien brave, mais il n’a jamais pris une seule initiative, quelle femme voudra jamais de lui ?
- Et la première mégère de renchérir en disant que le plus jeune est bien différent, il est fugueur et a toujours les poches percées. Il n’est pas travailleur et s’il continue, il finira sans doute bien mal.
- La deuxième d’en rajouter et de plaindre le père : Il est trop bon, il est incapable de bousculer le plus grand pour qu’il se prenne en main à l’âge qu’il a. Il est aussi incapable de corriger le plus petit et de le mettre au travail. Il en serait autrement si sa pauvre défunte était encore là. Sans doute, tout le village connaissait ce riche propriétaire, un brave homme, dépassé par ses problèmes d’éducation.
Le portrait de cette famille étant tiré, revenons aux propos de Jésus. Il a dressé le portrait d’un père qui a fait couler beaucoup d’encre sous la plume des commentateurs. On a dit qu’il était un mauvais éducateur selon les critères d’aujourd’hui, c’est cet aspect que soulignait l’une des deux commères. On a constaté l’absence de présence féminine, ce que les féministes n’ont pas manqué de souligner. En supposant que ce personnage soit pour Jésus l’image qu’il veut donner de Dieu, on peut se laisser aller à dire que l’amour de cet homme exprime tout à la fois la tendresse du père et la douceur de la mère tant son comportement est ambigu.
L’amour de Dieu a toujours quelque chose de surprenant. Si le Père du récit est en décalage par l’expression de son amour par rapport à un père humain, c’est que Jésus n’a aucune prétention pédagogique. Il raconte son histoire comme une forme de défi à la logique humaine pour nous parler de Dieu.
Ce père n’est donc pas un éducateur efficace, il n’exerce pas son autorité pour secouer son aîné sans personnalité et corriger son cadet qui mériterait une bonne raclée. Il n’est que tendresse et amour. Tel est le Dieu que Jésus voudrait nous faire découvrir. Un Dieu qui n’est jamais violent, jamais sévère et qui déborde d’altruisme et d’affection.
Tout cela ne colle cependant pas avec l’image que nous avons de Dieu. Nous ne trouvons pas notre compte dans ce portrait car un tel Dieu en dépit de son amour paraît totalement impuissant. Nous aimerions qu’il nous dresse le portrait d’un Père efficace. Un Dieu qui interviendrait en bousculant les méchants en rendant justice aux faibles et aux opprimés nous conviendrait mieux.
Toute l’histoire Biblique ne nous brosse-t-elle pas le profil de Dieu sous les traits d’un Seigneur tout puissant qui aime son peuple d’un amour sans égal, mais qui le châtie quand il s’écarte de lui. Quand ce peuple lui reste fidèle, ce qui est rare, il le protège contre ses adversaires au point d’aller jusqu’à fracasser sur les rocher le crâne de ses ennemis comme il est dit au psaume 68. Si on redoute la violence de Dieu, on la souhaite cependant car elle donne du sens à l’histoire.
C’est alors que nous nous posons la question de savoir quelle présence, ce Dieu qui est tout amour et toute tendresse, peut exercer dans ce monde. Comment se situer par rapport à lui dans nos sociétés où la violence prend le pas chaque jour sur le droit et la justice ? Dieu est-il devenu inefficace depuis les temps où il prêtait main forte à Moïse. A-t-il changé d’attitude ou sa puissance s’exerce-t-elle d’une autre manière qu’il nous faut découvrir ?
Cette parabole ne nous apportera pas toutes les réponses, mais elle va nous permettre de réfléchir d’une autre manière à ce problème. Rejoignons la table où Jésus raconte cette histoire. Il ne tient pas compte des regards obliques dans sa direction, ni des murmures qui parviennent jusqu’à lui. En effet, ce père trop bon, ce Dieu trop miséricordieux ne plaisait sans doute pas à tout le monde. On le voit mal dans l’attitude du père vis-à-vis des deux fils.
Si on projette l’histoire du peuple d’Israël sur chacun de ces deux enfants on reconnaîtra dans le cadet le peuple d’Israël dans son rôle de peuple au cou raide, toujours en rébellion contre son Dieu. Si ce portrait déplaît à certains auditeurs, ce n’est pas à cause de la fugue du jeune homme, ni de sa fréquentation des prostituées, ni du fait qu’il avait du garder les cochons. Les prophètes, jadis avaient utilisé ces mêmes images pour décrire les turpitudes de ce peuple, mais ce qui leur posait problème, c’est le retour du jeune homme – pas de repentance significative, pas de reproches, le pardon sans réserve, l’amour sans limite, la joie sans retenue.
L’histoire leur avait appris le contraire, l’exil avait été perçu comme un châtiment, une épreuve de pénitence avant le retour pénible en Terre Promise. Dieu avait-il changé, fallait-il faire une relecture des textes. Dieu pouvait-il pardonner sans repentir ? Ils ne comprenaient pas non plus que l’on puisse voir dans le portrait du frère aîné celui du peuple d’Israël quand il était fidèle, comme si la fidélité à Dieu était perçue par Jésus comme une valeur négative.
Les pharisiens présents de grincer des dents tant ils se reconnaissaient dans ce grand dadais de fils désavoué dans sa protestation moralisante mais enveloppé de l’amour du père qui l’invitait à se réjouir gratuitement de la miséricorde imméritée accordée à son frère. En fait l’attitude du père révèle un autre problème, qui contient la clé de l’énigme. Elle met en évidence le manque de liberté des deux fils.
Le cadet, en s’affranchissant de toute autorité se croyait libre. Il se croyait sans contrainte, capable de mener la vie qui lui plaisait. Bien vite il déchante, et à son corps défendant, il décide de choisir de perdre sa fausse liberté au profit de la soumission à l’autorité paternelle- échec sur tout la ligne - Le Père ne l’entend pas de cette oreille il renonce joyeusement à exercer son autorité sur lui pour laisser libre cours à son amour et il organise une fête.
A l’aîné qui lui parle de soumission résignée, le Père répond qu’il n’a rien demandé et que c’est lui qui s’est volontairement soumis à une autorité que le père ne reconnaît pas comme étant la sienne. C’est alors que le père lui offre la liberté qu’il n’avait pas su trouver, en l’invitant à se joindre à la joie de son frère. L’histoire s’arrête là, Jésus nous laisse le soin de tirer les conclusions.
Il y a fort à parier que Jésus essaye de nous faire comprendre que l’amour de Dieu est capable de transformer les hommes, de rendre libre aussi bien le fils résigné que le fils prodigue. La joie et l’amour du Père vont-ils transformer les deux fils qui, ensemble vont joyeusement et librement gérer le domaine et révéler par leur réussite que l’amour du Père est payant et qu’il dissimulait en lui une immense puissance de transformation ? Pas si sûr, la partie n’est pas forcément gagnée, les deux fils peuvent revenir à leurs anciens démons et tout sera à recommencer.
Il en va de même de la présence de Dieu sur ce monde. Son amour gratuit, sa tendresse infinie, son pardon réparateur sont capables de transformer la société et de révéler à ce monde la puissance de transformation qu’il y a en Dieu. Les églises dont nous sommes les modestes représentants n’ont que ce message à donner aux sociétés dans lesquelles elles vivent. Encore faut-il qu’elles croient elles-mêmes à l’efficacité de cette puissance d’amour par laquelle Dieu est capable d’exercer sa toute puissance pour faire évoluer le monde.

Nous avons publié un autre sermon sur la parabole du fils prodigue le 14 mars, je vous invite à vous y rendre.

Les reproductions du tableau de Rembrandt proposées ici vous invitent à regarder les mains du père dont l'une est celle d'un homme et l'autre celle d'une femme.

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