lundi 8 février 2010

Une autre façon de parler de la résurrection: Luc 9:28-36 dimanche 28 février 2010


Luc 9/ 28b-36

– La transfiguration

28 Huit jours environ après ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. 29 Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. 30 Il y avait là deux hommes qui s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Elie 31 qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ, qui allait s'accomplir à Jérusalem. 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil. Réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui. 33 Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. Il ne savait pas ce qu'il disait. 34 Comme il parlait ainsi, une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de crainte, tandis qu'ils entraient dans la nuée. 35 Et de la nuée survint une voix : Celui-ci est mon Fils, celui qui a été choisi. Ecoutez-le ! 36 Quand la voix se fit entendre, Jésus était seul. Les disciples gardèrent le silence et ne racontèrent rien à personne, en ces jours-là, de ce qu'ils avaient vu.

Deux illustres patriarches font irruption sur le chemin de trois apôtres. Ils s’emparent de Jésus et leur offrent un moment d’extase inoubliable. Leur raison s’en est trouvée ébranlée, leur faculté de jugement s’est arrêtée. Saisis par l’extase ils ont laissé l’irrationnel s’emparer de leur intelligence. Leur expérience nous est ici racontée et nous ne savons pas très bien qu’en penser.

En fait, nous ne sommes pas seulement des êtres de chair et de sang. Nous ne sommes pas seulement des êtres faits de matière organique habitée par un esprit rationnel. Nous ne sommes pas seulement soumis aux lois de l'évolution des espèces. Il y a en nous un plus que nous ne savons pas définir. Comme nous n'arrivons pas à décrire ou même à expliquer ce supplément d'existence nous avons tendance à l'ignorer, en vertu d'un principe, que nous croyons moderne, selon lequel tout ce qui échappe à notre esprit rationnel n'a pas lieu d'être. Nous nous croyons alors maîtres de nous-mêmes. Nous nous croyons maîtres de notre corps de chair dont nous pensons contrôler tous les gestes, grâce à notre esprit qui est soumis à notre intelligence. Tout cela fonctionne comme une mécanique bien huilée que rien ne devrait perturber. Pourtant au fond de nous-mêmes nous ne sommes pas satisfaits car nous savons bien que cela ne marche pas ainsi. Il y a en nous quelque chose d’incontrôlable qui nous échappe. C’est ce que nous pourrions appeler notre faculté d’émotion.

Il suffit parfois de peu de chose pour que tout se mette à dysfonctionner en nous. Il suffit d'un rien, pour qu'en un instant nous ne contrôlions plus la situation et qu'une fenêtre s'ouvre sur un espace que nous ne connaissons pas. Ce sont des instants d'extase assez brefs, la plupart du temps, pour ne pas nous inquiéter, mais qui nous ravissent cependant. Cela se produit sous l’effet d’une émotion. Elle peut être artistique et se produit en contemplant un tableau ou en écoutant de la musique. Un paysage aussi bien qu’un poème peuvent également produire en nous cet effet de ravissement, sans parler de l’amour qui bien évidemment peut produire une telle émotion que nous arrivons à perdre le sens de la réalité. L’apôtre Paul a vécu une telle expérience après une chute de cheval.

En y réfléchissant nous éprouvons cependant une sorte de malaise parce que nous ne savons pas expliquer l'origine de cette émotion. Nous ne savons pas sur quoi elle ouvre notre esprit et on l'explique, sans doute trop vite, en parlant d'émotion artistique ou même de coup de foudre voire d’extase. Nous sommes obligés de constater que nous sommes ainsi faits. Nous sommes sensibles à ce qui nous provoque de l'extérieur et nous ne savons pas maîtriser ce sentiment. Faute de pouvoir donner une explication nous nous empressons d'oublier le fait que nous sommes accessibles à des émotions extérieures à nous-mêmes. Mais malheur à qui voudrait provoquer artificiellement ce type d’émotion ! C’est un autre sujet et nous n’en parlerons pas, mais nous ne saurions l’ignorer. Il est donc nécessaire, pour aller plus loin, que nous nous penchions sur cet ailleurs, qui ne nous appartient pas mais qui provoque en nous ces dépassements émotionnels qui nous ravissent.

Tout se passe comme si une puissance extérieure venait vers nous pour nous rendre heureux. Dieu profiterait-il de cette capacité, pour venir vers nous, sans dire son nom, et bousculer nos sécurités? D'autres avant nous se sont posés cette même question, d'autres après nous se la poseront à nouveau. C’est auprès de ceux qui nous ont précédés que nous allons essayer d’explorer ce terrain là. C'est à partir de leurs expériences que nous nous interrogerons sur la nôtre et que nous comprendrons comment Dieu travaille en nous pour se faire connaître.

L'Evangile de ce jour propose à notre sagacité de s'attarder sur deux des plus illustres témoins de l'Ecriture : Moïse et Eli. Ils tiennent ici le haut du pavé. Pour que leur expérience puisse devenir la nôtre il nous faut les connaître mieux. Certes, tout le monde connaît Moïse tant Cécile B. de Mille a vulgarisé son épopée. Mais au de-là des légendes dont le film a cherché à enjoliver l’histoire, que reste-t-il de son expérience de foi, car c'est celle-là qui nous intéresse? Est-il seulement celui qui a traversé la Mer Rouge sans se mouiller les pieds avec six cent mille fugitifs juifs? Il est aussi celui qui a brisé les tables de la Loi gravées du doigt de Dieu. Mais sait-on aussi qu'il est celui dont le souffle s'est mêlé à celui de Dieu et que c'est ainsi, dans un baiser divin qu'il entra dans l'éternité si bien que nul ne sait s'il mourut vraiment? En tout cas l'Ecriture nous ouvre à son propos une piste de réflexions sur les secrets de Dieu concernant la mort et la vie. ( cf . Deutéronome 34). Nos Bibles traduisent : « il mourut sur un ordre de Dieu », l’hébreu dit « il mourut sur la bouche de Dieu ». pourquoi ne pas traduire par : « il mourut sur un baiser de Dieu ! »

Elie, quant à lui, on le connaît moins. Pas de film à grand spectacle à son sujet. Il faut être allé à l'Ecole du dimanche pour savoir qui il est. Traqué par la reine Jézabel il massacra 500 prophètes de Baal. Insatisfait cependant, il chercha à approfondir la vérité sur Dieu, il se réfugia sur l'Horeb où il découvrit Dieu dans le souffle d'une brise légère. Il acheva sa vie, emporté dans le ciel par le souffle sacré et comme Moïse nul ne le revit. Les croyants attendent encore son retour. Ces deux hommes exceptionnels viennent habiter l'histoire des hommes, comme pour leur dire que la vie terrestre ne s'achève pas dans le néant comme ils le redoutent. C'est ce que comprennent Pierre, Jacques et Jean, témoins en une commune extase de ce moment exceptionnel où, dans un bref instant, ils reçoivent la certitude que leur histoire terrestre ne s'achèvera pas dans le néant. Il y a un ailleurs que la vision leur révèle. Tout cela pourrait s'arrêter là, comme pour nous garantir que Dieu se sert de nos émotions pour nous ouvrir au mystère de l'éternité.

Mais la particularité des hommes, c'est qu'ils sont rebelles. Ce travers de l’homme est curieusement perçu aujourd'hui comme une qualité. C'est dire que notre inconscient collectif nous pousse sans trop savoir comment, à nous détourner des chemins battus pour aller vers cet Autre en qui nous reconnaissons Dieu. Nous ne pourrons cependant avancer sans faire l'économie de l'expérience de la mort.

L'Evangéliste Luc qui nous rapporte cette expérience de la Transfiguration, nous raconte plus loin comment deux hommes, (deux anges peut-être?) dans le sépulcre même où on avait mis Jésus, furent témoins du passage de Jésus de cette vie dans l'autre. Tout se passe alors, comme si la vision de la transfiguration se prolongeait sous sa plume dans la tombe où Dieu est venu chercher Jésus.

Nos deux grands témoins ont connu le même sort semble-t-il - Moïse que le baiser de Dieu emporta dans l'éternité, - ou Elie qui fut enlevé par l'ange céleste. Ils apportent tous deux leur caution à l'enseignement de Jésus. Cette expérience devient alors la nôtre. Jésus, en compagnie de Moïse et d'Elie, nous ouvre la porte de l'au-delà, comme pour nous dire que notre voyage sur terre s’achèvera dans un baiser de Dieu vers l’éternité.

Bien que tout paraisse évident, nous ne cessons cependant de nous demander pourquoi il est si difficile de croire? Il suffit de poser la question pour trouver la réponse. Nous négligeons trop souvent ces moments où l'irrationnel provoque notre raison. Nous refusons trop souvent de chercher ce qui se cache derrière nos émotions et nous ne prenons pas le temps de trouver dans l'Ecriture le support dont nous avons besoin pour aller plus loin. Faute d'être assez familiers avec les Ecritures nous doutons de la vérité sur laquelle repose leur témoignage. Et si ce n'était pas vrai, se dit-on ? Et si ce n'étaient que contes et légendes? La vérité n'est pas dans l'historicité des récits, elle les dépasse. La vérité, c'est qu'il y a une cohorte de témoins dont chacun de nous est le dernier.

Chacun à sa manière et dans sa vérité, a éprouvé des émotions comparables avec celles que nous avons dites. Chacun a ressenti ce sentiment qui l'ouvrait à un monde différent du sien où Dieu révélait sa présence. Chacun a eu ses moments d’extase ou ses visions irréelles. Toutes ces expériences peuvent nous aider à reconnaître Jésus ressuscité qui chemine sur le même chemin.

L'enseignement que nous devons retenir c'est de ne pas avoir peur et de nous laisser saisir par notre intuition de l'absolu de Dieu quand elle nous provoque. Elle confirme la réalité de la résurrection pour ceux qui avant nous en ont fait l'expérience. Elle ne se démontre pas et se refuse à tout raisonnement rationnel puisqu'elle nous vient de Dieu qui échappe à notre raison. Il s'est fait connaître à notre monde fini pour y introduire l'éternité. Si aujourd'hui vous entendez sa voix, laissez-vous séduire par elle et vous goûterez déjà la saveur de la résurrection.



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