lundi 30 novembre 2009

Marie fait une expérience qui pourrait être la nôtre: Luc 1:39-45 dimanche 20 décembre 2009


Luc 1


39 En ces jours-là, Marie partit en hâte vers la région montagneuse et se rendit dans une ville de Juda. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. 41 Dès qu'Elisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son ventre. Elisabeth fut remplie d'Esprit saint 42et cria :

Bénie sois-tu entre les femmes,

et béni soit le fruit de ton ventre !

43 Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne me voir ? 44 Car dès que ta salutation a retenti à mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon ventre. 45 Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s'accomplira !


La meilleure des choses qui puisse se produire dans la vie d’un homme, c’est de vivre une expérience semblable à celle qui nous est racontée ici au sujet de Marie. Cette expérience peut se produire en lui toutes les fois qu’il a conscience que Dieu intervient dans sa vie. Elle ne fait pas de lui quelqu’un d’exceptionnel, car cette expérience est tout à fait habituelle pour un homme de foi. Marie, dans un premier temps a découvert que Dieu s’est fait si proche d’elle qu’il est venu habiter en elle. Il est donnée à beaucoup de croyants de faire un rencontre avec Dieu de la même nature. Seulement, pour Marie, ce qui est unique et exceptionnel, c’est que cette expérience s’accompagnera de la certitude que l’enfant qu’elle porte deviendra le « Sauveur du monde » . C’est sur ce point que son expérience diffère de la nôtre et en fait un événement unique.


La première chose que Marie constate, c’est que Dieu avait décidé de venir habiter en elle. C’est parce qu’elle a fait cette première expérience et qu’elle en a été complètement transformée que le Seigneur a pu mettre son empreinte en elle et que la suite, c’est à dire la naissance du messie, sera possible. Pour chacun de nous Dieu place également son empreinte en nous, et ce qui nous est demandé est propre à chacun de nous. Quant à Marie, nous savons déjà ce que Dieu lui a demandé : il s’agira de porter celui qui sera son fils.


La suite va prendre une dimension plus symbolique. Marie aurait pu partager son émotion avec Joseph son époux, mais contrairement à notre logique, c’est vers Elisabeth sa parente qu’elle porte ses pas. Pour cela elle doit la rejoindre à l’autre bout du pays. Nous allons tenter de découvrir tout ce que cela signifie. Les réponses que nous apporterons serviront peut-être à consolider notre foi ?


Nous sommes obnubilés par le personnage de Marie, nous lui réservons une place particulière parce que la tradition l’a chargée de valeurs spirituelles considérables, qui ne sont d’ailleurs pas les mêmes suivant l’église à la quelle nous nous référons. Il nous paraît donc difficile de nous comparer à elle et de nous approprier des valeurs qui semblent lui appartenir. Pourtant, l’expérience de Marie a des points communs avec les nôtres, c’est ce que nous avons suggéré dès le début de ce propos. Évidemment, l’Evangile a apporté un relief particulier à ce récit si bien qu’il semble ne pas nous concerner. La visite solennelle de l’ange établit entre nous et elle une barrière que nous ne pouvons pas franchir au risque de passer pour un fou. Il en va de même pour la mission que reçoit Marie. Cette mission est unique et ne peut en aucun cas se comparer aux missions que nous pourrions recevoir au cours des expériences spirituelles que nous aurions pu faire.


Cependant, après avoir écarté tout le merveilleux du récit, nous pouvons sans doute constater que Marie a fait une expérience que beaucoup pourraient comparer à la leur. Quiconque a fait une rencontre avec Dieu trouvera des points communs avec l’événement qui a bouleversé la vie de Marie. Il y a dans la vie de chaque croyant un moment privilégié où il prend conscience de la réalité de Dieu.


Cette expérience est propre à chacun et s’ impose à lui comme une certitude selon laquelle Dieu frappe à la porte de son cœur et mobilise toute sa personne. Non seulement Dieu se manifeste à lui mais s’installe au plus profond de son être pour devenir un interlocuteur privilégié.


Dieu fait corps avec lui et devient partie prenante de son intériorité. Si pour Marie la réalité de Dieu a pris corps en elle pour devenir le Messie, il n’en demeure pas moins que pour nous, Dieu se fait aussi présent en nous mais d’une manière spirituelle seulement. Il ne s’incarne pas de la même façon, bien évidemment, mais il n’en demeure pas moins qu’il se fait « présent en nous. » Ainsi nous devenons aptes à saisir la réalité du Messie qui sortira du corps de Marie. C’est parce que l’expérience de la « conversion » est une expérience de même nature que celle de Marie que nous pouvons saisir tout le mystère de l’incarnation.


Après cette expérience particulièrement forte, Marie toute possédée par Dieu et porteuse du futur Messie part vers les hauteurs de Judée auprès d’Elisabeth sa parente. Elisabeth n’est pas seulement sa parente, elle porte, elle aussi un enfant dans son sein, le futur Jean baptiste. Il sera le dernier des grands prophètes de jadis, en lui se récapituleront toutes les promesses que Dieu avait faites depuis Abraham. La rencontre des deux femmes établit un lien de continuité entre ce qui a été et ce qui sera. Tout le mystère de Dieu se récapitule en Jean baptiste et se prolonge en Jésus. Nous savons sans doute tout cela, mais ce que nous ne réalisons pas forcément c’est qu’il est dit que Marie monta vers sa cousine.


S’il est dit que Marie monte, ce n’est pas seulement pour apporter une précision de géographie. Les montagnes de Judée où réside Elisabeth ne sont sans doute pas plus élevées que les montagnes de Galilée où réside Marie. Son déplacement vers le haut n’a pas une valeur spatiale mais une valeur spirituelle. Marie en venant voir Elisabeth mère de Jean Baptiste vient se charger auprès d’elle de toute la tradition qu’elle porte en elle. Elle s’enrichit de tout ce que la révélation passée a pu apporter aux hommes et qui se récapitulent dans la personne de Jean Baptiste. En s’enrichissant elle-même, elle enrichit également l’enfant qu’elle porte en elle. Par cette visite de sa mère à Elisabeth, Jésus s’approprie toute la tradition par laquelle Dieu a façonné son peuple au cours des siècles.


Fondé sur cette expérience, le nouveau croyant qui découvre la réalité de Dieu au cours d’une expérience spirituelle qui lui est propre est invité à suivre le même itinéraire que Marie puisque leurs expériences se ressemblent. Pour s’approprier le mystère de Dieu qui cherche à habiter en lui il doit à son tour s’imprégner de la révélation qui était avant lui et qui réside dans les Ecritures dont Jésus lui-même sera l’aboutissement. Le nouveau croyant doit habiller sa foi de toute la tradition biblique façonnée par tous ceux qui l’ont précédé.


Quand nous percevons la présence de Dieu en nous, ce n’est pas pour devenir un électron libre, comme si notre nouvelle expérience nous mettait à part de nos frères humains. Notre expérience spirituelle ne nous dispense pas de celle que d’autres ont fait avant nous depuis des siècles voire des millénaires. Nous devenons un maillon de l’immense chaîne de témoins, qui a commencé le jour où Abraham a entendu l’appel de Dieu et qui s’achèvera un jour qui ne nous est pas révélé. Nous ne sommes pas pour autant, ni plus forts, ni plus nobles ni plus sages que les autres.


La découverte de la foi en nous, nous fait suivre le même itinéraire que Marie. Elle portait en elle le Messie, celui dont l’action révolutionnera la condition humaine. A notre tour, quand Dieu se manifeste en nous, c’est pour nous incorporer à la longue lignée des témoins qui portent chacun à sa manière un des aspects du Messie dont le monde a besoin, car Jésus a besoin de chacun des croyants de ce temps pour être accessible au monde contemporain. A la différence de Marie qui a porté physiquement le Christ, nous continuons cependant à le porter spirituellement aujourd’hui pour qu’il soit présent au monde. C’est dire que la rencontre que Dieu fait avec nous ne se fait pas à usage interne. Nous ne devenons pas seulement croyants pour enrichir notre vie d’une expérience nouvelle. Notre expérience spirituelle ne peut pas être un événement dont nous pourrions faire état pour nous valoriser. Il est impossible d’être un croyant dont la foi serait à usage interne. C’est ce que dénonçait Rick Warren dans le Réforme du 26 novembre quand il disait qu’il y a des croyants qui ont une grosse tête et un gros derrière pour s’asseoir dessus mais qui ont de toutes petites mains, de touts petits pieds et un tout petit cœur.


Notre incorporation à la longue série des croyants nous met en contact avec ceux qui avant nous ont fait l’expérience de la rencontre avec Dieu et avec ceux qui à leur tour feront la même expérience sans l’avoir faite encore. C’est peut être à notre contact qu’ils découvriront que Dieu cherche à les rencontrer. Dieu a pour cela

un but précis, celui de donner du sens à la vie de chacun. Il nous invite alors, à être au service de l’événement afin de le faciliter quand il se produira. Pour cela, il nous suffit, comme l’a fait, Marie de se laisser emplir du saint Esprit et de le laisser orienter notre existence dans la direction qui sera toujours la bonne.









.

mardi 24 novembre 2009

Jean Baptiste - Jésus Luc 3/10-18 dimanche 13 décembre 2009

Luc 3 :10-18

10 Les foules l'interrogeaient : Que ferons-nous donc ? 11 Il leur répondit : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. 12Il vint aussi des péagers pour être baptisés, et ils lui dirent : Maître, que ferons-nous ? 13 Il leur dit : N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné. 14 Des soldats aussi lui demandèrent : Et nous, que ferons-nous ? Il leur dit : Ne faites violence à personne, et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de votre solde. 15 Comme le peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient intérieurement si Jean n'était pas le Christ, 16il leur répondit à tous : Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de délier la courroie de ses sandales. Lui, il vous baptisera d'Esprit Saint et de feu. 17 Il a son van à la main, puis il nettoiera son aire, il amassera le blé dans son grenier, mais brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas. 18 Jean annonçait la bonne nouvelle au peuple avec beaucoup d'autres exhortations.





C’est encore la voix de Jean Baptiste qui traverse l’espace et le temps pour venir nous exhorter ce matin. Nous avons l’impression que sa voix sonne juste. Il annonce la bonne nouvelle. C’est le début d’une ère de justice et de paix qui commence. Il s’agit d’un temps irréel où la vertu portera ses fruits et où les mauvais comportements seront punis. Il promet l’arrivée d’une époque idéale faite de justice, de respect de l’autre, d’altruisme, il propose une vie saine et paisible récompensant la pratique de la vertu. Qui trouvera quelque chose à redire à tout cela?


Tout le monde se met alors à faire la queue pour que l’onde purificatrice du Jourdain nettoie chacun afin de le rendre apte à pratiquer la vertu. Voila l’ambiance que suscite la prédication de Jean Baptiste qui ne mâche pas ses mots. C’est dans la mesure où chacun sera conscient de la nécessité de se purifier de son péché que le Messie viendra. Il instaurera une ère de paix d’où le méchant sera violemment exclu à coup de pelle et sera envoyé griller dans le feu du jugement dernier allumé pour les méchants. Ainsi répondait-il à une humanité en attente d’un temps nouveau.


- Jean Baptiste tu t’es trompé, le Messie que tu as désigné, Jésus, n’a pas mis hors la loi les méchants, au contraire, il s’est laissé tuer par eux. Il n’a pas instauré une ère de justice, car c’est l’injustice qui semble devoir triompher depuis longtemps.


Comment Jean baptiste a-t-il pu se tromper aussi lourdement? Comment a-t-il pu prêter à Jésus des intentions qu’il n’avait pas? On est d’autant plus perplexe qu’aujourd’hui encore beaucoup pensent qu’il aurait été beaucoup plus simple pour Jésus de suivre à la lettre le programme proposé par Jean Baptiste. Si le Messie avait exclu les méchants et contraint les autres à la vertu, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Nous serions au milieu d’un peuple vertueux et les méchants n’auraient plus de place parmi nous. C’est ce que réclament les intégristes, les sectes et les gens épris d’ordre religieux. Ceux qui pensent ainsi en sont restés à l’époque de Jean baptiste et ils continuent, sans s’en rendre compte, à confondre Jean Baptiste avec Jésus. Ainsi pensent tous ceux qui se servent de l’Evangile pour contraindre les autres à entrer dans leurs vues.


Combien, et sans doute moi, parfois, ne disent-ils pas à propos de l’Evangile que Jésus a interdit certaines choses ou qu’il en a codifié certaines autres. Combien ne pensent-ils pas que Jésus a été un Réformateur génial qui proposait aux hommes de devenir meilleurs en pratiquant à la lettre la Loi d’amour. Combien ne font-ils pas de Jésus un super Moïse dont les préceptes nouveaux seraient encore plus contraignants que les anciens. Combien n’ utilisent-ils pas les signes que Jésus nous a donnés, je veux dire le Baptême ou la sainte Cène, pour forcer les portes du Royaume de Dieu. Ne tentent-ils pas de contraindre Dieu à sauver les baptisés, même malgré eux et à réprouver les autres. Ne tentent-ils pas non plus d’ enfermer le Saint Esprit ou Jésus lui-même, dans un morceau de pain qui se revêtirait alors de vertus magiques.


Je m’arrête d’être iconoclaste et blasphémateur, sans quoi les pierres de la lapidation vont me contraindre au silence. J’ai bien sûr utilisé la caricature, et je l’ai fait pour prolonger la logique de Jean Baptiste qui reste, qu’on le veuille ou non un homme du passé! Ce n’est pas un reproche que je lui fais, car c’est le sens de la mission que Dieu lui a assigné : être un homme du passé, être le dernier homme du passé, le dernier prophète de l'ancienne Alliance qui sera désormais périmée.


En effet, Jean Baptiste doit mettre un terme à l’Alliance que Dieu avait jadis conclue avec Moïse, qui fut reprise par chaque roi, qui fut critiquée par chaque prophète qui annonçait que cette Alliance prendrait fin à cause de l’infidélité croissante du peuple de Dieu et de la lassitude du Seigneur lui-même. Jean Baptiste a pour mission de dire que le temps de la patience de Dieu est arrivé à son terme parce que l’infidélité du peuple a atteint un point de non-retour . Le changement annoncé va s’accomplir. Le Messie va arriver et il accomplira toute justice.


La justice, en langage biblique, consiste à être conforme au plan de Dieu. Il s’agit de mettre en pratique, et d’une manière parfaite les 10 commandements. L’homme juste sera donc un homme parfaitement vertueux. Ce projet est irréalisable, c’est pourquoi, Jean Baptiste en invitant ses auditeurs au baptême leur proposait de suppléer à leurs défaillances en les lavant dans l’eau du Jourdain. Le baptême de Jean Baptiste répondait à leur désir d’être trouvés parfaits quand le Messie viendra afin que le jugement qu’il prononcera leur soit favorable. Jean ne leur permet pas de se faire des illusions, tous seront passé au crible et le jugement tombera sur chacun. Jean n’a pas d’autre message à dire. Le Messie qu’il annonce n’aura plus rien à faire car Jean Baptiste aura tout fait. Il n’aura plus qu’à paraître et à juger le monde.


C’était un Messie trop vertueux qu’il annonçait, trop saint, trop divin, trop conforme aux désirs des plus religieux pour que le vrai Messie lui ressemble. Le Messie qui entre en fonction en la personne de Jésus ne se met pas à trier le bon grain de l’ivraie, il n’utilise pas la pelle à vanner ou la fourche pour jeter au feu les mauvaises herbes, mais il descend dans l’eau toute souillée du péché des hommes baptisés avant lui et il s’en fait inonder, comme pour dire que c’est au péché des hommes qu’il s’en prend et non pas à leur personne. C’est le péché qu’il se propose de détruire et non pas les pécheurs.

Avec un tel principe, tout homme devient sympathique, puisque c’est son péché qui est haïssable et non pas lui-même. Il y a comme une distanciation qui s’établit entre l’individu et l’acte qu’il a commis. L’homme reste comme en retrait par rapport à son péché, si bien qu’il apparaît comme possible que le péché soit détruit et que l’homme survive à cette destruction et apparaisse alors aux yeux du Messie, comme renouvelé, comme dépouillé de ses salissures, et qu’il soit à nouveau tout neuf, comme au matin de la création du monde ou comme au matin de sa naissance.

Tout l’Evangile qui s’ouvre maintenant va nous parler de cette œuvre entreprise par Jésus pour dégager l’homme nouveau du poids de la souillure de son péché. Ce programme est tellement révolutionnaire, il suppose une telle abnégation et un tel amour de la part de Dieu que personne ne l’a vraiment compris du vivant de Jésus, c’est pourquoi il a fallu qu’il en meure pour qu’on finisse par comprendre ce que Dieu avait voulu dire par lui.


Aujourd’hui encore, il en est beaucoup qui, bien que Chrétiens se tiennent en retrait par rapport à une telle merveille. Il en est encore qui croient que le péché colle tellement à la nature de l’homme qu’on ne peut détruire l’un sans l’autre. C’était la position de Jean Baptiste, c’était la position la plus avancée du judaïsme. Mais cette position contenait déjà en elle l’étape suivante qui consistait à croire que Dieu, et son Messie, allaient détruire le péché sans détruire nécessairement les hommes, il fallait un événement aussi provoquant que la mort du Messie pour qu’on en découvre le secret. Il fallait que Jésus mène ce combat contre les gens en place, contre les religieux, contre les vertueux qui n’avaient pas assez péché eux-mêmes pour savoir combien le poids du péché peut devenir écrasant (et je ne parle pas forcément des péchés visibles et connus de tous).


Sans jeu de mot, Jésus à son baptême plonge dans le péché de l’humanité pour séparer chaque individu de ses fautes comme on se sépare d’un vêtement.


Les 4 évangiles, les 14 épîtres et le reste du Nouveau testament sont-ils suffisants pour nous en convaincre?




.

mardi 17 novembre 2009

Jean baptiste Luc 3:1-6 dimanche 6 décembre 2009


Repris et corrigé pour le 6 décembre 2015
1 La quinzième année du gouvernement de Tibère César — alors que Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, tétrarque de l'Iturée et du territoire de la Trachonitide, Lysanias tétrarque de l'Abilène, 2 et du temps des grands prêtres Anne et Caïphe — la parole de Dieu parvint à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. 3 Il se rendit dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême de changement radical, pour le pardon des péchés, 4 selon ce qui est écrit dans le livre des paroles du prophète Esaïe :
C'est celui qui crie dans le désert :
préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers !
5 Toute vallée sera comblée,
toute montagne et toute colline seront abaissées,
les passages tortueux deviendront droits,
les chemins raboteux seront nivelés,
6 et tous verront le salut de Dieu.



Il est des voix dont la puissance est telle qu’elles ont traversé les siècles pour venir jusqu’à nous et nous imprégner de la puissance de Dieu. Prenant le relais des grands prophètes, la voix de Jean, fils de Zacharie vient jusqu’à nous chaque année au temps de l’Avent. Elle fait partie des échos que nos liturgies répercutent au moment de Noël, et sans doute connaissons-nous par cœur son message, tant nous l’avons entendu. Cette voix nous rappelle qu’il faut se préparer pour recevoir le Sauveur qui ne peut venir s’installer dans nos vies que si nous avons fait la démarche nécessaire pour qu’il vienne prendre la place qu’il convient de lui réserver.



En fait de démarche, nous avons bien évidemment compris en écoutant ce passage qu’il s’agissait de travaux de grande ampleur. Il s’agit de combler les vallées, de raboter les collines, de supprimer les tournants. Voila des travaux pharaoniques nécessaires pour que le Seigneur fasse son entrée en gloire dans notre vie. Cela ressemble tout à fait à la construction d’une autoroute ou d'un stade olympique. C’est dire aussi que le Seigneur n'a pas ménagé la peine de ses prophètes et autres serviteurs pour nous rendre capables de l’entendre.

Il me semble que ce qui est décrit ici ressemble surtout à une mise en chantier générale de ce qui existe à l’intérieur de nous-mêmes. Il ne s’agit  donc pas de faire une voie royale pour que le char de l’Éternel fasse son entrée dans l’histoire des hommes. Nous savons que Dieu ne se complet pas à ce genre de manifestation, il s’agit plutôt de travaux à l’intérieur de notre existence. Il s’agit de préparer le désert qui en nous.

Pourquoi le désert?  Parce que le désert n’est pas seulement une terre aride et desséchée, comme le chante nos cantiques, c’est aussi le lieu de la présence de Dieu, le lieu de la grâce et le lieu du miracle sans cesse renouvelé. Et c’est ce que doit devenir notre vie, et cela demande du travail. Nous sommes invités à l’appel de Jean Baptiste à refaire pour nous tout l’itinéraire qu’à suivi le peuple d’Israël pour comprendre la révélation qui lui était réservée. Cette démarche commence au désert du Sinaï sous la conduite de Moïse. Dieu s’y révèle comme Sauveur et comme guide. Le peuple y apprend chaque jour à recevoir des mains de Dieu la manne suffisante pour sa nourriture. Nous devons donc périodiquement  nous pencher sur nous-mêmes pour découvrir l’action de Dieu en nous, et discerner le miracle quotidien provoqué par la présence de Dieu à nos côtés. Cette démarche qui nous parait ultra simple n’est pas aussi facile qu’il y paraît. Il n’est pas facile de se pencher sur sa propre vie et de prendre le temps de voir comment Dieu y agit.

Jadis les anachorètes, les moines du désert se retiraient dans la solitude pour faire cette démarche de purification intérieure. Plus récemment les Églises Protestantes ont découvert que l’épreuve de la persécution a permis la purification de leur foi, et elles ont découvert que ce temps avait été un temps miraculeux de la présence de Dieu. Il ne s’agit cependant pas de revenir à un temps d’épreuve, il s’agit simplement de se pencher sur notre existence d’aujourd’hui et de faire l’effort de voir que Dieu est  à l’œuvre  pour chacune et chacun de nous, sans qu’on ne s’ en rende vraiment compte.

Cela ne s’apprend ni dans un catéchisme, ni dans l’enseignement, mais cela se remarque par l’attention que nous portons à notre propre vie. Dans le quotidien de notre vie , il y a des signes visibles de la présence de Dieu. Il y a des miracles du Seigneur à côté desquels nous passons sans y faire attention.

Une fois n’est pas coutume, regardons notre vie en observateurs, et nous allons découvrir que Dieu ne nous a pas oubliés et qu’il y est présent. Habituellement, nous cherchons ce qui ne va pas chez nous, et nous nous en lamentons. Notre prière cesse d’être une action de grâce pour devenir la litanie de tout ce qui nous parait inacceptable. Nous devons faire sur nous-mêmes ce travail qui consiste à changer notre regard sur les choses et sur nous-mêmes. Cela est un gros travail, je l’ai dit, mais ô combien gratifiant.

Ce n’est pourtant pas un exercice apparenté à la méthode Coué qui consisterait à se forcer à ne considérer que le positif sans tenir compte du négatif. Il s’agit au contraire de voir l’action de Dieu en nous, car elle existe. C’est comme la mise en pratique de l’histoire bien connue de cet homme qui au soir de sa vie regarde son existence écoulée en compagnie de Dieu. Il voit la trace de ses pas sur le chemin de la vie et à côté de ses pas, il voit celle de Dieu , mais parfois, en regardant bien, il ne voit qu’une seule série de traces, pesantes, lourdes et il en fait le reproche à Dieu : « Tu vois Seigneur, quand la vie était pesante pour moi et que je peinais sous le poids de l’épreuve, tu n’étais pas là, car on ne voit qu’une série de traces. » « Regarde bien » dit Dieu, « quand les traces sont seules et profondes, ce ne sont pas les tiennes, mais les miennes et si elle sont seules et plus profondes, c’est que je te portais ».

Ainsi, la voix de Jean Baptiste traverse l’immensité du Temps pour nous rappeler périodiquement que Dieu nous porte et qu’il nous invite à nous en rendre compte. Non pas pour lui rendre gloire, mais pour que nous prenions conscience du fait, que même quand nous ne comprenons pas ce qui arrive, Dieu est infatigablement présent. Noël c’est donc l’histoire de la présence de Dieu dans le petit enfant que nous avons été et que nous sommes encore.

Ce n’est pourtant pas cela qui risque de se produire cette année encore. Encore une fois, nous allons fêter Noël, encore une fois nous allons regretter les Noëls d’antan que le monde moderne a contaminés par le nivellement de la consommation. Nous allons encore dire que tout ce qu’il y avait de beau, de généreux de sensible dans la tradition chrétienne de Noël a fait place à des pratiques païennes de surabondance. Certes, c’est comme cela, et les choses ont toujours été ainsi. Ce n’est pas par fatalisme que je dis cela, car à l’origine de la Réforme, Calvin refusait que l’on célèbre Noël pour les raisons que je viens de dénoncer. Mais au lieu de s’attrister sur l’aspect païen de la fête, qu’il nous suffise de penser que dans le récit tel que les Évangiles nous le rapportent, les croyants étaient absents.  Il n’y avait que des bergers, qui avaient réputation de mécréants et des mages païens que nous pouvons mettre au rang des gens que l’Éternel a en abomination. Ils étaient là, car la bonne nouvelle était pour eux. Ils sont encore là, car la bonne nouvelle est toujours pour eux.

Il nous faut faire un effort pour retrouver les bonnes nouvelles de notre vie, car il est plus facile de revendiquer que de rendre grâce. Pourtant regardons les choses lucidement. Si la certitude de l’amour de Dieu nous réjouit, si la certitude que l’amour de Dieu peut transformer le monde, alors toute notre vie saura colorer la grisaille des jours d’hiver. Nous devons affirmer que Dieu vient habiter chez nous et nous devons en faire la règle de notre vie. C’est alors que nous verrons les foules en marche éclairées d’une beauté lumineuse, semblable à celle que donne l’arc-en-ciel qui guide les foules conduites par le Dieu de la paix. Elles sont de toutes origines, elles viennent de tous les points de la terre elles sont colorées de toutes les couleurs dont il a plu à Dieu de parer les humains, c’est pourquoi la joie de Noël prend une dimension universelle.

mardi 10 novembre 2009

Les projets de Dieu pour les hommes : Jérémie 33/14-22 dimanche 29 novembre 2009





Jérémie 33:

14 Des jours viennent — oracle du SEIGNEUR — où j'accomplirai la promesse que j'ai faite à la communauté d'Israël et à la communauté de Juda. 15 En ce temps-là, à ce moment même, je ferai croître pour David un rejeton légitime qui défendra le droit et la justice dans le pays. 16 En ce temps-là, Juda sera sauvée et Jérusalem habitera en sécurité. Voici le nom dont on la nommera : « Le SEIGNEUR, c'est lui notre justice. »

17 Ainsi parle le SEIGNEUR : Il ne manquera jamais aux Davidides un homme installé sur le trône de la communauté d'Israël. 18 Il ne manquera jamais aux prêtres lévitiques des hommes qui se tiendront en ma présence, faisant monter les holocaustes, brûlant des offrandes et célébrant des sacrifices tous les jours. 19 La parole du SEIGNEUR s'adressa à Jérémie : 20— Ainsi parle le SEIGNEUR — si vous réussissez à rompre mon alliance avec le jour, et mon alliance avec la nuit, en sorte que le jour et la nuit n'arrivent plus au moment voulu, 21 alors mon alliance avec mon serviteur David sera également rompue ; il n'aura plus de descendant régnant sur son trône. Il en sera de même pour mon alliance avec les prêtres lévitiques, mes ministres.




Il est difficile aujourd’hui de parler de Dieu, car le monde scientifique a considérablement réduit sa sphère d’influence. A l’opposé les mouvements intégristes nous assurent de son omniprésence et lui donnent un aspect redoutable, difficile à accepter, si bien que les croyants préfèrent ne plus du tout parler de Dieu si non dans les sphères privées de leurs églises. Dieu semble pris au piège par notre société moderne, mais qu’on se rassure il ne laissera pas l’homme prendre le pas sur lui.

A y regarder d’un peu plus près, c’est une toute autre image de Dieu que nous donnent les Ecritures. Elles nous présenteraient plutôt le monde comme enveloppé dans un univers de sollicitude que Dieu ne se lasserait pas d’aménager pour le mieux être des hommes. Il nous est dit qu’il déploie des trésors d’ingéniosité pour que la planète se développe harmonieusement. Inutile de dire que ce dernier propos fait figure d’utopie aux oreilles du commun des mortels tant on a l’impression aujourd’hui d’être ballottés dans une réalité où tout semble aller de travers. Il faut avoir une sérieuse dose d’optimisme pour imaginer que Dieu veille sur le monde avec le même amour que celui que manifesterait un Père ou une Mère pour ses enfants.

C’est justement ce mot d’amour qui nous gène le plus car il est galvaudé et utilisé à tort et à travers. C’est pourtant ce même mot que Jésus a utilisé pour définir Dieu : « Dieu est amour » dit-il. Selon l’Evangile, Dieu a une capacité à s’extraire de lui-même pour aller vers un ailleurs qui serait l’humanité. C’est ainsi que Dieu vient à la rencontre des hommes. C’est par cette pratique commune de l’amour que l’homme découvre qu’il est fait à l’image de Dieu qui partagerait ainsi avec lui ce qu’il y a de meilleur en lui. Trèves de banalité dira l’observateur attentif qui cherche à voir comment cette aimante réalité de Dieu se répand sur le monde.

Il sera d’abord frappé par les dysfonctionnements. Ce sont d’abord les inégalités entre les peuples qu’il constatera, même s’il en attribue la responsabilité aux hommes eux-mêmes et non pas à Dieu. Même si les famines sont également causées par les hommes, il se demandera pourquoi Dieu n’intervient pas. Il constatera aussi que les épidémies, les violences de la nature, les crashs et autres catastrophes n’ont pas l’homme pour origine et n’ont pas pour cause l’amour et la bonté de Dieu.

Même si l’homme porte une lourde responsabilité, dans la mauvaise gestion du monde, nous constatons cependant que Dieu vient vers lui, et que leur rencontre produit son effet. L’altruisme de Dieu qui se manifeste chez l’homme par une provocation à l’amour laisse en chaque homme une empreinte qui va conditionner toute son existence. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Ou bien, il utilisera cette capacité d’amour qui s’installe en lui pour s’aimer lui-même et alimenter son propre égoïsme ou alors il entretiendra avec Dieu une relation d’intimité qui lui permettra de prendre en charge les projets que Dieu lui inspire

Il y a donc en nous cette empreinte de Dieu qui se manifeste par l’amour dont nous sommes capables et dont nous pouvons faire un bon ou un mauvais usage. Nul plus que Jésus n ’a contribué à nous mettre sur la voie du bon usage que nous pouvons en faire. Si l’amour de Dieu nous a marqué depuis notre origine, il nous appartient de chercher à l’imiter pour le mettre en valeur de telle sorte que nous contribuions à épanouir la vie de tous ceux qui croisent notre chemin. Ainsi nous réaliserons la vocation qui nous est donnée par les Ecritures.

Nous pourrions maintenant nous arrêter sur ce constat en nous demandant si la capacité à aimer les autres répartie dans toutes les âmes de bonne volonté de la planète sera plus forte que la résistance que lui oppose la masse de ceux qui ne cherchent qu’à s’aimer eux-mêmes. Dans le premier cas, il sera évident que les projets d’avenir pour un monde de paix et de prospérité prévus par Dieu se réaliseront, car Dieu compte sur nous pour les mettre en œuvre. Dans le cas contraire, le projet de Dieu tournera court. Mais il est à parier que Dieu est capable, dans son amour incommensurable de formuler de nouveaux projets susceptibles de sauvegarder la plus grande partie de l’humanité qui seront mis en œuvre par la minorité capable d’amour désintéressé.

Cette manière de voir les choses, n’est pas le fait d’une théologie moderne et récupératrice qui chercherait à formuler une nouvelle approche face à un affadissement du christianisme. Elle était déjà inscrite dans la vision de l’avenir telle que la formulait le prophète Jérémie. Il l’exprime dans le texte qui sert de support à ce sermon et dans lequel il laisse transparaître un souffle prophétique qui prend une dimension bouleversante.

Il vivait dans une époque tout aussi troublée que la nôtre. Il a assisté à la chute de Jérusalem sous les assauts des armées babyloniennes. Il a vu la mort du dernier roi et il a assisté au départ en exil d’une grande partie de son peuple. Pourtant, malgré les catastrophes dont il fut témoin il a su conserver une vision positive des choses. Il a gardé sa confiance en Dieu qui semblait totalement absent du désastre final.

Dans la première partie de son message que nous avons lu, il formule clairement le projet de Dieu sur Israël. Il prête à Dieu des paroles fortes qui scelleront l’avenir en s’appuyant sur le maintient de la famille royale et la fidélité de ses sujets. Ce projet s’étendra au-delà des murs de Jérusalem pour servir de témoignage à l’intention des peuples qui verront dans cette attitude la vraie dimension de Dieu. C’est à cause de cette vision des choses que l’on a pu dire que Jérémie était le prophète des nations. Sans doute peut-on dater cette prophétie des meilleures années du règne du roi Josias, le roi réformateur.

Les choses ne vont pas se réaliser, nous le savons. L’euphorie des années de Josias va disparaître avec l’assassinat du roi et l’incapacité de ses successeurs à maintenir un régime stable. Tout sera anéanti dans la tourmente et le projet de Dieu qui avait été prévu pour durer par s’effondrera.

Certes, Jérémie avait prévu cette éventualité; le projet de Dieu reposait sur la fidélité de son peuple. Tous devinrent infidèles : Le roi, le peuple le clergé. Il ne restait plus personne pour défendre la cause de Dieu qui s’effondra avec les murailles. Dieu semblait désormais absent de l’histoire.

L’histoire ne s’arrête pas là. Il faudra le discernement de nouveaux prophètes pour comprendre que l’échec de l’exil n’était pas la fin de Dieu. Dieu n’était pas mort comme on pouvait le craindre avec la catastrophe et avec l’espérance qui se mit lentement à renaître, de nouveaux projets de Dieu furent formulés. De nouveaux fidèles se tinrent à nouveau les coudes et la foi se formula en d’autres termes, un temps nouveau s’apprêtait à naître et l’exil prit fin.

Ce récit vient aujourd’hui jusqu’à nous pour nous dire que le silence de Dieu n’est qu’en apparence. Si Dieu se tait c’est que les peuples apeurés ou en furie couvrent le son de sa voix et occultent même sa présence. Mais Dieu ne cesse de parler. Il parle jusqu’à ce que les hommes deviennent à nouveau capables de l’entendre. Il formule des projets porteurs d’espérance. Il ne se lasse pas de le faire en attendant que des hommes soient à nouveau capables de les discerner et se mettent à l’ouvrage.

Dieu est Toujours à la recherche d’hommes et de femmes pour mettre en œuvre ce qu’il projette. Il s’appuie toujours sur le petit reste capable d’amour et il espère qu’il contaminera le grand nombre d’indifférents pour que de nouveau projets puissent se mettre en œuvre. Qui donc parmi les croyants trouvera des raisons de s’inquiéter ? Personne bien sûr. Cela ne nous empêchera pas de penser qu’il serait plus simple que les hommes entrent en masse dans le projet de Dieu ! Mais si cela ne peut se faire Dieu le fera quand même avec le petit nombre de ceux qui sauront entendre et comprendre ce que Dieu souhaite faire. Nos églises sauront-elles découvrir les projets que Dieu est actuellement en train de créer ? Je ne sais, mais c’est en tout cas ce que Dieu souhaite.

mercredi 4 novembre 2009

La Vérité Jean 18/33-38 dimanche 22 novembre 2009





Jean 18/33-38



33 Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit : Es-tu le roi des Juifs, toi ? 34 Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d'autres qui te l'ont dit de moi ? 35 Pilate répondit : Suis-je donc juif, moi ? C'est ta nation et les grands prêtres qui t'ont livré à moi ! Qu'as-tu fait ? 36 Jésus répondit : Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; en fait ma royauté n'est pas d'ici. 37 Pilate lui dit : Toi, tu es donc roi ? Jésus répondit : C'est toi qui dis que je suis roi. Moi, si je suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix. 38 Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif de condamnation en lui.






Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité?


Jean 18/33-37
La vérité sort du puits, la vérité sort de la bouche des enfants, In vino véritas, Que de dictons aussi mystérieux les uns que les autres n’avons-nous pas produits pour dire la « vérité ». On la prétend insaisissable, telle une anguille dans de l’eau vive. Toutes les vérités ne sont cependant pas bonnes à dire. Si Jésus avait suivi ce conseil, il ne serait pas mort. C’est au nom de la vérité qu’il a été traîné devant le tribunal et c’est cette seule question que retient Pilate : « Qu’est ce que la vérité? » Guy Béart rajoutait que le « poète a dit la vérité, il sera exécuté. » Ce sont sans doute des idées semblables à celles-ci qui ont traversé la tête du gouverneur Ponce Pilate quand il a demandé, si l’on en croit l’Évangile de Matthieu, une cuvette pour se laver les mains et faire taire la vérité. Dans le récit de l’événement que nous donne l’Évangile de Jean que nous venons de lire, Pilate reste sans voix et ne sait que poser une question qui reste sans réponse : qu’est-ce que la vérité ? Et vous qu’en dites-vous?


La vérité telle que les hommes la présentent ne peut être que partielle si non partiale et parce qu’elle est partielle elle est contestable, pourtant nous la revêtons d’absolu, et c’est ce qui fait problème. Mais au nom de quoi édifie-ton cet absolu?

Jésus a été traîné devant le Sanhédrin qui va le condamner à être tué au nom de sa vérité. La vérité du sanhédrin, consiste à constater que Jésus a blasphémé en s’attaquant au Temple. Qui s’attaque au Temple s’attaque à Dieu, qui s’attaque à Dieu mérite la mort. C’est au nom de ce syllogisme qu’on amène Jésus devant Pilate. Tout cela ennuie profondément le gouverneur. Il n’en a rien à faire de la vérité du Sanhédrin! Il ne la reconnaît pas. Il ne connaît que la sienne. La sienne, c’est celle de la paix romaine. Quiconque trouble la paix publique s’en prend à l’état romain, quiconque s’en prend à l’état romain offense l’empereur, quiconque offense l’empereur mérite la mort ! Autre syllogisme ! Voila deux vérités partielles, tout à fait différentes l’une de l’autre, mais dont la transgression amène la même conclusion : la mort ! c’est ce qui leur donne des apparences d’absolu, et pourtant aucune des deux n’est absolue puisqu’elles ne sont pas en accord l’une avec l’autre, si non sur la conclusion.

Vérité et mort sont étroitement liées l’une à l’autre. C’est au nom d’une autre vérité qui dépasse les deux autres que Jésus entre dans ce jeu dangereux. Il affronte la mort en son nom, mais au lieu de la donner à ceux qui ne suivent pas sa voie, il décide de la recevoir. Il subit la mort. Et la mort ne se referme pas sur lui, et c’est sa mort qui donne autorité à la vérité qu’il défend. La mort de Jésus révèle-t-elle alors la vérité sur Dieu? Et bien oui.

La vérité sur Dieu a besoin de la mort pour s’affirmer, parce qu’elle nie l’aspect définitif de la mort. Quand une vérité n’est pas absolue, quand elle n’est pas transcendée par la mort elle a pour compagnon le mensonge et ce couple fonctionne bien dans ce passage, non sans humour d’ailleurs
.
Que disent les juifs pour convaincre Pilate de leur bon droit ? « Nous n’avons de roi que César », cela se trouve à la fin du passage que nous n’avons pas lu. Les menteurs ! Ils détestent César, ils nourrissent une haine implacable contre lui. Ils mentent pour donner des arguments à leur vérité, ils biaisent, car ils n’ont que faire des prétendues visées de Jésus à être roi d’Israël, cette prétention ne les intéresse pas, mais elle leur donne des arguments contre Pilate en se prétendant plus romain que lui. Quant à lui, pour se tirer du mauvais pas où l’argumentation de Jésus l’a entraîné, il va récuser les arguments des juifs en se parjurant. Il ne trouve aucun motif de condamnation en lui, dit-il, mais il ordonne sa mise à mort. C’est ainsi qu’il se ment à lui-même et qu’il ment aux juifs. Double mensonge !

Tous les rôles sont inversés. Jésus est accusé, et face au procurateur Ponce Pilate c’est lui qui mène le débat. Il interroge Pilate, qui bien que juge se laisse questionner. Il répond et il se laisse séduire par l’argumentation de Jésus. Mais ce n’est qu’une illusion ! La mort semble devoir l’emporter, mais elle ne détruit pas la vérité sur Dieu puisque Jésus ressuscitera, par contre, elle détruit la vérité des juifs et celle de Pilate.

Il nous faut maintenant que l’on s’interroge sur la nature de cette vérité que la mort ne peut anéantir mais que la mort révèle. Qu’est-ce que la Vérité? En posant cette question j’ai l’impression de me tendre un piège à moi-même, d’autant plus que j’entends le tentateur me susurrer à l’oreille : « Vas y prédicateur, c’est ton tour maintenant de leur dire Ta Vérité sur Dieu. Tu en as la science, tu en as la sagesse et ils sont là pour t’écouter. »

Le piège va-t-il se refermer sur moi? De plus grands que moi s’y sont déjà laissés prendre. Je pourrais être tenté de vous dire la Vérité : celle que les Églises de la Réforme prétendent détenir des Réformateurs, celle qui a donné tort à la vérité de la puissante Église romaine et a défié son caractère absolu. Cette prétendue vérité des Réformateurs, c'est celle aussi qui a mené à la mort Michel Servet, c'est également celle qui a inquiété les anabaptistes et les a exilés hors d’Allemagne, c'est elle qui a brûlé les sorcières à Salem, c'est  elle qui impose aux autres un visage de Dieu, déformé par le bon droit des uns, les prétentions des autres, la clairvoyance des plus sages et la cupidité des masses. Mais cette Vérité, aussi noble soit-elle ne saurait prétendre à l’absolu, car elle repose sur la sagesse humaine à propos de Dieu. Elle n’est pas Vérité de Dieu, car elle reste humaine et ne saurait résister à la mort qui lui reste un mystère.

Nous ne devons ou ne pouvons approcher la vérité de Dieu qu’avec prudence car elle est propriété de Dieu. S’il nous est donné en ce monde de l’approcher, il ne nous est pas donné de la posséder et encore moins de l’imposer. Elle se manifeste dans les Ecritures quand elles nous enseignent que les hommes peuvent prendre le visage de Dieu s’ils savent considérer les autres comme des frères à l’égal d’eux-mêmes.

Jésus lui rend témoignage quand il renvoie libre la femme pécheresse, comme si le péché d’adultère n’était pas plus grave qu’un autre et n’encourait d’autres sanctions que le pardon. Si Jésus s’en est pris au Temple c’était pour dire que les hommes n’avaient pas le droit d’y enfermer Dieu, ni dans le temple, ni dans la Loi, ni dans leur morale. Il a laissé entendre que le seul Temple de Dieu c’était son corps et que l’amour est le lien de la perfection.

Nous approchons de la Vérité quand nous réalisons que le bon droit n’existe pas, ni le droit du sol ni le droit du sang ni le droit d’aînesse, ni aucun droit prétendument acquis. La Vérité nous approche tout doucement de Dieu et lui donne des visages qui ne lassent pas de nous surprendre.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité absolue parmi les hommes, la seule vérité absolue n’est qu’en Dieu. C’est d’elle que dépend la vie nouvelle vers laquelle nous marchons, mais pour y accéder, la mort doit faire son œuvre de destruction en nous. La révélation en Jésus Christ nous permet de dire que Dieu se montre en vérité dans la résurrection qu’il nous promet. C’est ce que le saint Esprit nous dit et qu’il nous demande de partager comme une bonne nouvelle.

Aurait-on idée d’inquiéter ceux qui pensent différemment, pourrait-on oser les molester ou les persécuter? On l’a fait et on continue à la faire et pourtant la seule chose que le Christ, qui nous l’a révélé nous demande, c’est d’aimer cette vérité que nous ne possédons pas jusqu’à mourir à cause d’elle, car notre seule défense si elle est contestée, c’est de mourir pour elle et non pas de faire mourir à cause d’elle.

Mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Dans ce monde moderne où on nous promet le bonheur à venir grâce aux vérités que nous savons, soyons assez sages pour les prendre comme elles sont. Elles sont le produit de la sagesse et de l’intelligence humaine, elles ont des limites et ne portent en elles aucune valeur définitive. Il nous faut garder en mémoire que dans le monde des mortels où nous sommes, il n’y a aucune vérité absolue, pas même sur Dieu. Nous l’approchons grâce à Jésus Christ, et nous essayons de mettre en pratique ce que nous avons compris, mais nous n’avons aucune prise sur elle. Quant à Dieu lui-même, il attend que nous soyons de l’autre côté pour nous révéler la vérité dans sa totalité.







Ce sermon a été entièrement repris et rédigé autrement en 2018