lundi 28 septembre 2009

A qui la première place ? Marc 10:35-45 dimanche 18 octobre 2009






Marc 10/35-45


35 Les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, viennent lui dire : Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. 36Il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? 37— Donne-nous, lui dirent-ils, de nous asseoir l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ta gloire. 38Jésus leur dit : Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que, moi, je bois, ou recevoir le baptême que, moi, je reçois ? 39Ils lui dirent : Nous le pouvons. Jésus leur répondit : La coupe que, moi, je bois, vous la boirez, et vous recevrez le baptême que je reçois ; 40mais pour ce qui est de s'asseoir à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de le donner ; les places sont à ceux pour qui elles ont été préparées.





41Les dix autres, qui avaient entendu, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean. 42Jésus les appela et leur dit : Vous savez que ceux qui paraissent gouverner les nations dominent sur elles en seigneurs, et que les grands leur font sentir leur autorité. 43Il n'en est pas de même parmi vous. Au contraire, quiconque veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; 44et quiconque veut être le premier parmi vous sera l'esclave de tous. 45Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.




Marc 10 /35-45

Vous allez sans doute partager avec moi l’indignation des dix quand ils voient deux d’entre eux briguer les postes pour lesquels chacun postule sans doute secrètement. Nous sommes d’autant plus choqués que les deux apôtres concernés sont bien connus, en particulier le second, Jean. Nous ne pouvons pas nous empêcher de faire l’amalgame de toutes les informations que nous avons pèle mêle rassemblées sur eux au cours de nos nombreuses lectures de l’Evangile. Nous savons qu’ils font partie des favoris de Jésus, et même que Jean est appelé le disciple bien aimé dans l’évangile qui porte son nom. Nous avons nettement l’impression qu’ils essayent de profiter de cette situation pour prendre une longueur d’avance sur les autres.

Tout ici nous met mal à l’aise car nous partageons l’indignation des dix autres dans notre for intérieur, mais en même temps nous nous sentons aussi les complices de nos deux amis. Car nous avons, nous aussi conscience que notre rang de membre de l’Eglise nous met dans une situation privilégiée par rapport aux non-pratiquants et surtout par rapport aux païens. Et nous avons tendance à nous placer en bonne place dans la cohorte des élus.

La réponse de Jésus nous gène parce qu’il ne les remet pas à leur place comme nous nous y attendons. Auront-ils part avec lui à la gloire du Christ? Sans doute. Y auront-ils la première place ? On ne sait pas, en tout cas, Jésus ne dit pas non, mais il élève le débat à un développement théologique qui ne nous satisfait pas. Il y aura certes, renversement des valeurs. La norme pour être au premier rang sera la qualité du service auprès des autres. Mais est-ce aussi simple? Les valeurs seraient-elles tout simplement renversées ? Selon cette logique les pauvres deviendraient riches et les riches deviendraient pauvres? Ou bien y aurait-il d’autres critères, qui seraient les critères de Dieu et dont les règles nous échappent.

En fait, notre malaise en face d’un tel passage procède du fait que nous ne sommes pas capables de parler du Royaume de Dieu sans faire abstraction du monde où nous sommes aujourd’hui. Nous projetons dans un au-delà imaginaire des notions bien réelles que nous bricolons pour les faire coïncider avec le donné biblique. Ce faisant, nous inventons un au-delà fantaisiste calqué sur le temps présent dans lequel les situations conflictuelles auraient disparues et les rivalités n’existeraient plus. Au fond de nous-mêmes, nous découvrons que ce monde aseptisé, sans situation de rivalité ne serait pas très drôle à vivre.

C’est sans doute ce qui se dégage de nos concepts théologiques et que les gens du dehors et particulièrement les jeunes générations n’ont pas envie de partager. Un tel monde ne serait pas stimulant. On a du mal à envisager que la situation d’esclave ici proposée puisse être enviable dans l’ au-delà alors qu’elle est repérée ici bas comme relevant de la suprême injustice. Nous nous surprenons à organiser le monde du futur avec des règles de morale que nous ne sommes pas capables de respecter ici-bas mais que Dieu sans doute arrivera à nous imposer dans un monde où il sera le maître, sous peine de rejet dans les ténèbres de dehors où il y a des pleurs et des grincements de dents. Si c’est cette image est le reflet de notre espérance, nous comprenons aisément qu’elle n’est pas racoleuse. Il faut sans doute considérer que ce n’est pas cette image là que Jésus cherchait à donner.

Même s’ils nous choquent par leurs revendications, Jacques et Jean nous donnent cependant une leçon. Même si leur foi est mal formulée, ils nous montrent bien qu’ils ont compris qu’il y avait un lien étroit entre la vie que nous menons ici bas et la vie telle que nous la mènerons dans l’autre monde. Ils ont maladroitement compris que cette vie du futur sera assez attractive pour que l’on commence à la préparer dès maintenant. Ils ne se font pas d’illusions, ils savent qu’il leur faudra mourir, ils savent aussi que le maître mourra. Jésus dans le chapitre précédent leur a parlé de l’imminence de sa propre mort et ici même il y fait une allusion voilée.

Quand les disciples parlent de participer à la gloire de Jésus, ils savent bien qu’il leur faudra affronter l’épreuve de la mort et ils ne doutent pas qu’ils en sortiront vainqueurs. Pour eux cependant leur vision du monde futur leur donnait l’image d’un monde qui ressemblait au nôtre. Ce n’était pas de leur faute s’ils voyaient les choses ainsi, les clichés théologiques sur la question, qui avaient cours de leur temps, leur imposaient cette manière de voir. De nombreux textes nous en parlent. On sait que le monde de Dieu était décrit comme un monde en plusieurs strates de dignité qui s’élevaient de la terre jusqu’aux cieux. Il y avait jusqu’à 7 niveaux du ciel selon Hénoch et 3 selon Paul qui, rappelez-vous, prétend avoir été ravi au 3 eme ciel. Etait-ce dans son corps, est-ce hors de son corps?

Dans cette structure hautement hiérarchisée, ils ne doutent pas que leur place est réservée dans l’étage le plus élevé. Mais Jésus va contre leurs principes. Il leur dit que ça ne marche pas comme cela, et que l’au-delà n’est pas conforme au fruit de leur imagination ou de leur savoir, il est tout autre. Il leur montre qu’il y a certes des correspondances entre la réalité future et la réalité présente, mais elle n’est pas liée à un renversement des valeurs comme ils le pensent, elle est liée à une autre manière d’être ou plutôt à une autre manière de vivre le dépassement de la mort. Ce n’est pas seulement un dépassement dans l’espace, c’est bien autre chose. En effet, si la mort est dépassée, elle reste cependant le pivot incontournable à partir duquel les choses présentes ne sont plus comme avant. Elles ne sont pas non plus le contraire des choses passées. S’il y a un renversement des valeurs, il y a surtout un bouleversement général dans la manière d’être présent au monde qui subsiste malgré tout.

Jésus leur parle alors du baptême qu’il va vivre et de la coupe qu’il va boire et qui deviendront les liens par lesquels ses amis continueront à être en relation avec lui. Ce baptême et cette coupe nous amènent à comprendre que notre avenir n’est pas une projection de notre vie actuelle dans un idéal céleste moralement amélioré, mais que c’est tout à fait le contraire qui se produit. Pour que notre avenir puisse avoir lieu il faut qu’il y ait transfert du monde céleste dans notre présent pour le transformer.. C’est le futur qui vient à la rencontre de notre présent, c’est la résurrection qui vient à la rencontre de notre mort pour nous faire anticiper aujourd’hui ce que nous vivrons demain. Ce sont des images difficiles à comprendre, elles expriment que le monde futur est en train de se réaliser dans le présent et que le présent se construit en se remplissant du futur.

La Sainte Cène, le baptême sont ces réalités visibles et actuelles qui appartiennent cependant au domaine du futur et qui transforment notre présent, si bien que c’est à cause de cette venue de Dieu dans notre réalité terrestre d’aujourd’hui que nous devons devenir ici bas les serviteurs les uns des autres afin d’être dès
maintenant dans la gloire du Fils. Les sphères célestes de la théologie conventionnelle s’effondrent, Dieu n’habite plus au 7 eme ciel il est présent dès maintenant dans notre existence et la gloire du Fils se manifeste dans les gestes d’amour et d’humilité que cette situation nous amène à faire.

Mais la gloire du Fils, c’est quoi?

C’est une immense espérance dont nous ne savons dire qu’une chose, c’est qu’elle est l’accomplissement de tout notre être. En opposition à ces deux hommes, Jacques et Jean qui sont les intimes de Jésus et qui demandent à être assis à sa droite et à sa gauche dans un monde mythique, s’impose à moi l’image bien réelle de deux hommes qui partagèrent la mort de Jésus, l’un à sa gauche et l’autre à sa droite et bien qu’ils fussent des bandits ils ont bu la même coupe amère du supplice et ils ont été baptisés dans la même mort. Ce sont donc eux qui selon cet évangile devraient occuper les places revendiquées par les deux apôtres.

Ce constat nous donne bien évidemment une autre conception de la justice selon Dieu. La justice c’est que tous les hommes soient sauvés. C’est pourquoi en extrapolant comme je l’ai fait, j’entends Jésus me dire à moi aussi, « tu ne sais pas de quoi tu parles. » En effet je parle de la gloire de Jésus, mais elle est insaisissable et indéfinissable, la seule chose que nous savons c’est que la gloire divine vient vers nous dans ce monde et qu’elle nous pousse à agir. C’est dans ce sens seul, qu’il faut voir notre relation à l’au-delà, et quant à ce qui se passera quand nous aurons franchi l’étape de la mort, il sera temps à ce moment de constater que cette même gloire qui nous habitait du temps où nous vivions nous habite encore maintenant que nous sommes morts.



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