samedi 18 juillet 2009

Elie face à son destin: 1 Rois 19/4-8 dimanche 9 août 2009

Chapitre 19

1 Achab rapporta à Jézabel tout ce qu'avait fait Élie, et comment il avait tué par l'épée tous les prophètes. 2 Jézabel envoya un messager à Élie, pour lui dire : Que les dieux me fassent ceci et qu'ils ajoutent encore cela si demain, à cette heure, je ne fais de ta vie ce que tu as fait de la vie de chacun d'eux ! 3 Élie, voyant cela se leva et s'en alla, pour (sauver) sa vie. Il arriva à Beér-Chéba, qui appartient à Juda, et y laissa son jeune serviteur.

4 Quant à lui, il alla dans le désert, à une journée de marche ; il s'assit sous un genêt et demanda la mort en disant : C'en est trop ! Maintenant, Éternel, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères. 5 Il se coucha et s'endormit sous un genêt. Or voici qu'un ange le toucha et lui dit : Lève-toi, mange. 6 Il regarda, et il y avait à son chevet un gâteau sur des pierres chaudes et une cruche d'eau. Il mangea et but, puis se recoucha. 7 L'ange de l'Éternel vint une seconde fois, le toucha et dit : Lève-toi, mange, car le chemin serait trop long pour toi. 8 Il se leva, mangea et but ; avec la force (que lui donna) cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb.


9 Là-bas, il entra dans la grotte et y passa la nuit. Or, voici que la parole de l'Éternel lui fut (adressée) en ces mots : Que fais-tu ici, Élie ? 10 Il répondit : J'ai déployé mon zèle pour l'Éternel, le Dieu des armées ; car les Israélites ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, ils ont tué par l'épée tes prophètes ; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à prendre ma vie.
11 L'Éternel dit : Sors et tiens-toi sur la montagne devant l'Éternel ! Et voici que l'Éternel passa ; un grand vent violent déchirait les montagnes et brisait les rochers devant l'Éternel : l'Éternel n'était pas dans le vent. Après le vent, ce fut un tremblement de terre : L'Éternel n'était pas dans le tremblement de terre. 12 Après le tremblement de terre, un feu : L'Éternel n'était pas dans le feu. Enfin, après le feu, un son doux et subtil. 13 Quand Élie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la grotte.



Il est commun de penser que « le fidèle serviteur est rarement récompensé à la hauteur de ses mérites. Mais celui qui place sa confiance en Dieu reçoit une récompense d’une autre nature » Ce pourrait être un proverbe, mais ce n’en est pas un. Ce pourrait être une maxime d’un illustre penseur, mais ce n’est pas le cas. C’est tout simplement une formule que j’ai inventée comme première réaction à cette aventure qui est arrivée à Elie dans le texte qui nous est proposé.


Tous ceux qui ont éprouvé un moment de lassitude au service de Dieu et qui ne le comprennent plus ou qui ne l’entendent plus, reconnaîtront sans doute, dans cette histoire des points de ressemblance avec leur propre histoire.

Elie nous apparaît ici comme effondré devant l’épreuve qu’il vit au quotidien et qui l’entraîne vers une mort certaine. Mais connaissez-vous Elie, ce personnage que la tradition biblique a élevé au rang de prince des prophètes ? En fait Elie est mal connu.

Pourtant, comme le patriarche Enoch, un autre grand inconnu, il fut élevé au ciel et ne connut pas la mort. C’est lui aussi qui sortit de la nuée en compagnie de Moïse pour saluer Jésus sur la Montagne de la Transfiguration. Pourtant la Bible ne lui a consacré aucun livre, il apparaît pour la première fois au détour du chapitre 17 du premier livre des Rois et le lecteur devra glaner au cours des chapitres suivants les épisodes tourmentés de sa vie au service du Dieu d’ Israël. Pourchassant le paganisme latent il mit de nombreuses fois sa vie en danger, provoquant le roi Achab et sa terrible épouse, la reine Jézabel.

Réfugié au bord d’un torrent à sec, au cours de la grande sécheresse qu’il avait prophétisée comme châtiment de Dieu face à l’impiété ambiante, les corbeaux se mirent à son service. Passionné de Dieu, c’est sa propre expression, il défia les prophètes de Baal qu’il extermina avec une brutalité sanglante qui nous consterne. Mais là n’est pas aujourd’hui la question. La question réside dans le fait que, à cause de sa fidélité à Dieu, sa vie n’a été qu’une perpétuelle fuite en avant devant les sbires de la reine lancés à ses trousses.

Nous le trouvons à la porte du désert, épuisé par une tâche qu’il ne peut accomplir sans y laisser la vie. Derrière lui, les soldats sont près de le rejoindre. Devant lui s’étend le désert torride. A brève échéance, la morsure du soleil associée au tenaillement de la faim et de la soif aura tôt fait de lui réserver le même sort que les soldats de la reine lui réservaient. L’image a été exploitée dans de nombreux westerns et vous n’aurez pas de peine à imaginer son état d’âme. Mais généralement les héros du cinéma, défigurés par la souffrance finissent par s’en sortir et assouvissent leur vengeance contre celui qui est l’auteur de leur supplice.

Si la haine et l’esprit de vengeance sont des stimulants suffisant pour maintenir un homme en vie, à combien plus forte raison le sera l’esprit que Dieu souffle sur nous. Mais quand l’Esprit de Dieu ne parvient plus jusqu’à nous, et que Dieu lui même semble être absent de nos vies, quelle force peut alors nous soutenir ? Face à l’épreuve que l’on subit, on ne peut plus espérer de consolation que dans la mort, et c’est le cas du prophète.

Il est arrivé à beaucoup d’entre nous de se trouver ainsi acculés au désert du désespoir et privés de réconfort humain. Echec de la vie, chômage ou maladie, aucune issue ne semble possible. Et, bien que la vie continue à revendiquer ses droits, on reste cependant sans force et vide d’espérance. La présence de Dieu n’est plus sensible. Il semble nous avoir oubliés et son silence provoque notre questionnement : Dieu existe-t-il vraiment ? N’est-il pas une invention de l’esprit humain ? Face à une telle question, c’est la réflexion réflexion de Ivan Karamasof qui apporte une réponse qui peut nous sortir de notre résignation. Dostoîevski fait dire à son héros que Dieu quels que soient les traits qu’on peut lui reconnaître ne peut être inventé par l’homme, car l’homme est trop mauvais pour concevoir une réalité telle que celle de Dieu. Il n’a pas tort ! Car si notre esprit n’arrive pas à le cerner, Dieu est quand même bien là.

Dieu était bien là et Elie ne le savait pas ! Comment l’aurait-il pu puisqu’il dormait ?Il avait mis en sommeil toute sa sensibilité et il se laissait empoter par le néant. Pourtant Dieu veillait. Il prit les traits d’un ange, c’est à dire qu’il prit forme humaine pour venir à lui. Il le toucha de sa main ! Mais Dieu a-t-il une main pour toucher ? Dieu intervient presque toujours auprès de nous en se révélant dans l’action d’un homme ou d’une femme, si bien que le contact d'une main humaine peut faire le même effet que si c'était Dieu qui avait touché. L’ange lui présenta un pichet d’eau et une galette ! Mais était-ce suffisant pour la traversée du désert ? Elie, sans doute déçu, retomba à nouveau dans le sommeil. Avait-il rêvé en dormant ? En tout cas, ce que l’ange avait proposé ne semblait pas être une réponse suffisante. L’ange le sortit à nouveau de sa torpeur mortelle, il insista pour qu’il se mette debout, car même Dieu doit s’y prendre à plusieurs fois pour nous convaincre, et l'ange lui refit la même proposition d’une galette et d’un pot d’eau.

La présence de l’ange et la galette ne font pas partie d’un rêve, c’est la réalité vraie. La suite du récit montre que c’était suffisant. Ainsi dans nos situations de détresse, quand il semble qu’il n’y a plus d’espoir, il suffit souvent d’un petit rien, pour que nous découvrions dans ce petit rien, le doigt de Dieu. Ici une simple parole, un simple geste, et ce qui apparemment a une valeur insuffisante, transmettent quand même une énergie suffisante pour surmonter la crise. Dans la présence de l’ange, Elie a discerné la présence de Dieu, et même si la réponse qu’il donne semble dérisoire, elle est assez forte pour qu’il reparte et affronte le désert. Dieu était là et Elie ne le savait pas ! Il avait demandé la mort dans sa prière et Dieu lui donnait la vie

Dans pareille situation la seule chose à faire est de se convaincre que même si on ne le voit pas Dieu est là. Même si le geste qui nous le révèle est insuffisant, il aura assez de puissance pour transformer notre situation et y mettre assez d’énergie pour que nous vivions.

Il faut dire cependant qu’il est des moments dans l’histoire, que la Bible n’a pas osé prévoir mais auxquels l’histoire des hommes a donné une réalité. Il s’agit de moments tels, que la furie des hommes réussit à barrer, pour un temps, la réalité de la présence de Dieu et à fermer la porte à tout espoir, si bien qu’aucune énergie ne parvient de la part de Dieu. Ce serait une erreur de ne pas le dire. Impuissance de Dieu demande-t-on ? Et la seule réponse humaine que l’on puisse faire, est à notre tour de garder le silence, impliquant par là notre ignorance.

Mais ce n’est pas parce que la folie des hommes peut voiler parfois la présence divine, qu’il faut en faire une règle. Il ne faut pas non plus se laisser séduire par toutes ces histoires merveilleuses que les hommes ont racontées et continuent à raconter pour aider leurs semblables à espérer. Ce genre de récit, nous invitant à espérer une réponse miraculeuse à notre situation désastreuse, nous entraîne bien souvent dans des déconvenues, qui nous font plus douter qu’espérer en Dieu.

Nous avons dans le récit d’Elie une anticipation de l’attitude qui sera celle de Jésus dans ses contacts avec les gens en difficulté. Jésus a rarement réalisé de grands prodiges, mais c’est le plus souvent par une parole d’exhortation, qu’il a dynamisé ceux qui le sollicitaient au nom de Dieu : « prends ton lit et marche » est la réponse, universellement connue, que donna Jésus au paralytique et qui fut assez efficace pour qu’il surmonte son infirmité.

Mais l’histoire d’Elie ne s’arrête pas là. Nous sommes, nous aussi dans la même situation. Quand la crise est passée, l’histoire continue. Elie parvint à l’Oreb, la montagne de Dieu ! Quarante jours de marche avec une galette et une cruche d’eau. Il est évident que le récit a beaucoup emprunté au merveilleux, mais sa conclusion est aussi la conclusion de notre propre histoire.

L’épreuve s’achève par une rencontre véritable avec Dieu. En découvrant le vrai visage de son Dieu Elie trouve aussi le vrai sens de sa vie. Ce Dieu ne se révèle ni par sa puissance ni par une manifestation spectaculaire. Il se présente à Elie dans un souffle doux et subtile qu’il ne voit pas puisqu’il s’est caché le visage, mais qu’il pressent. Le Dieu qui lui a donné l’énergie suffisante pour traverser le désert se révèle comme une réalité douce et subtile dans l’amour de laquelle il est bon de se laisser porter. Nous sommes invités à découvrir notre Dieu derrière cette force douce et subtile qui met en nous assez de dynamisme pour traverser tous les déserts de notre existence. Il a pris le visage de Jésus Christ qui nous précède sur le chemin de notre propre éternité, et sur ce chemin là, les hommes n’ont aucune emprise pour barrer la route à Dieu.

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