mercredi 24 juin 2009

La recherche du bonheur: Marc 6/7b-13 pour le 12 juillet 2009



Marc 6/7-13
7 Il appela ses douze disciples et se mit à les envoyer deux par deux. Il leur donna le pouvoir de soumettre les esprits mauvais 8et leur fit ces recommandations : « Ne prenez rien avec vous pour le voyage, sauf un bâton ; ne prenez pas de pain, ni de sac, ni d'argent dans votre poche. 9 Mettez des sandales, mais n'emportez pas deux chemises. »
10 Il leur dit encore : « Quand vous arriverez quelque part, restez dans la maison où l'on vous invitera jusqu'au moment où vous quitterez l'endroit. 11 Si les habitants d'une localité refusent de vous accueillir ou de vous écouter, partez de là et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un avertissement pour eux. » 12 Les disciples s'en allèrent donc proclamer à tous qu'il fallait changer de comportement. 13 Ils chassaient beaucoup d'esprits mauvais et guérissaient de nombreux malades après leur avoir versé quelques gouttes d'huile sur la tête.


Les bourgades de Galilée n’ont rien à voir avec les banlieues modernes et leurs venelles ne ressemblent pas aux grandes avenues de nos cités. Les quelques maisons qui se serrent autour d’une place poussiéreuse, n’ont rien à voir avec les cités pavillonnaires qui s’étendent à l’infini, ni avec les tours des HLM lancées à la conquête du ciel afin de mieux contenir les foules, toujours plus nombreuses qui s’y entassent. Dans le paysage qu’offrent nos villes d’aujourd’hui, on a du mal à imaginer la scène qui nous a été décrite dans ce texte. Mais avec un petit effort d’imagination nous arriverons quand même à évoquer une petite place inondée de soleil où dorment quelques chiens, avec sans doute un âne attaché devant la porte d’une masure. Les westerns spaghetti abondent en évocations semblables. A l’intérieur de chaque demeure, on peut encore imaginer des gens qui attendent.

Dans nos cités du vingt et unième siècle, il y a aussi des gens qui attendent. Du haut de leurs immeubles ils regardent les avenues, qui ne poudroient ni ne verdoient, mais où rien ne se passe de significatif, si non le trafic incessant des voitures et des motos qui animent l’immensité de la ville qui s’étend à leurs pieds.

Jadis les gens attendaient, et rien ne venait. Ils attendent toujours aujourd’hui et rien ne vient. L’espèce humaine est en perpétuelle attente. Elle est en attente de nouveauté. Elle voudrait voir se réaliser ses rêves, mais sait-elle vraiment à quoi elle rêve ? Les hommes aspirent au bonheur, mais qu’est-ce que le bonheur ? Il peut prendre la forme d’un bol de riz que le moine bouddhiste mendie ou que l’affamé reçoit d’une main charitable. Il peut aussi se réaliser dans l’achat d’une somptueuse voiture pour celui qui en possède déjà d’autres.

Le bonheur se trouve dans la réalisation de ce qu’on espère. Mais plus on approche du but tellement souhaité, plus il s’éloigne car quand on a obtenu ce qu’on espérait, on se met à espérer davantage.

Et Dieu me direz-vous n’est-il pas la source du bonheur ? N’est-il pas capable de remplir par sa présence tous les manques de notre vie ? Certes, Dieu fait partie, comme le reste de ce que l’on espère, sans que cela se réalise vraiment. Il nous propose un paradis qui ne nous satisfait pas, car il ne deviendra réel que beaucoup plus tard et comme tout le monde, nous sommes impatients. Pour le temps présent nous avons l’impression qu’il se contente de faire l’apologie du renoncement, il préconise la pauvreté et ne trouve d’intérêt que pour les autres. Pensez-vous vraiment que cela pourrait nous apporter une dose de bonheur ?

Pourtant les pèlerins envoyés deux par deux par Jésus à la rencontre des habitants des villages de Galilée n’avaient pas d’autre message à délivrer. Ils n’avaient pas d’argent, pas de nourriture, pas de sac, ils n’avaient qu’une paire de sandales et un bâton pour la marche. L’Evangile de Luc en rapportant la même histoire leur a enlevé les sandales et le bâton. Dans l’état de pauvreté maximum, à l’image des moines bouddhistes mendiant leur bol de riz évoqués tout à l’heure, nos amis étaient bien mal équipés pour partir à la conquête du monde et remplir d’espérance ceux qui n’en avaient pas. Et pourtant, pour qui connaît la suite, leur aventure a eu du succès. Alors pourquoi ne marcherait-elle pas encore de nos jours?

Dans les masures de Galilée où les familles se rassemblaient pour se protéger de la chaleur après une rude journée de travail dans les champs, nos voyageurs étaient généralement bien accueillis, les malades étaient guéris, les démons étaient chassés, l’attente des habitants était comblée. Qui oserait le croire ? On a du mal à s’émerveiller devant une telle histoire. En plus on ne nous dit pas ce qui se passait au cours de leur rencontre. De quoi les deux visiteurs pouvaient-ils parler pour recevoir en échange le gîte et le couvert ? En tout cas ils n’avaient rien de merveilleux à leur offrir puisque leurs poches étaient vides. Et pourtant cette entreprise a marché. Il n’aura pas fallu bien longtemps pour qu’en quelques générations le monde entier soit transformé par le message qu’ils leur délivraient.

Surprise, c’est de repentance qu’ils leur parlaient.

La repentance, voilà un mot que l’on n’aime pas. Rien que d’entendre ce mot, on a envie de ne plus écouter, de se boucher les oreilles de ne plus prêter aucune attention à celui qui parle. C’est un mot qu’exècrent les adolescents car il est habité d’une connotation religieuse qu’ils récusent par avance. Ce mot appartient aussi au langage de la culpabilité et les met tout de suite en situation d’infériorité par rapport à des adultes qui se présentent à eux comme s’ils avaient la science infuse. Ce mot véhicule l’idée que nous sommes responsables de nos échecs.

Il est donc difficile de continuer cette réflexion si nous n’apportons pas un correctif à ce mot dont l’emploi est récusé d’avance. Qu’on me fasse cependant la grâce de continuer à suivre mon propos, ne serait-ce que quelques secondes. Il faut savoir que ce mot, nous est parvenu dans une autre langue que la nôtre, non pas seulement dans la langue grecque du Nouveau Testament comme se plaisent à le préciser les pasteurs, mais ce mot vient de la langue du cœur, la langue du cœur de Dieu. C’est un mot qui ne peut être compris que si c’est Dieu qui lui donne du sen, un mot qui résonne en nous comme si c’était Dieu qui l’avait prononcé. La voix de Dieu ne s’entend pas avec nos oreilles mais avec notre être intérieur. Dieu s’adresse à notre cœur pour nous faire entendre les choses ineffables dont lui seul a le secret.

Il ne s’agit donc pas de faire l’inventaire de toutes les mauvaises actions que nous avons commises, mais de laisser Dieu nous dire ce que nous ne savons pas. Nous ne savons pas que la présence de l’esprit de Dieu en nous peut changer notre regard sur les hommes et sur le monde. Cela vaut sans doute le coup de le laisser faire.

Si nous portons un regard attentif sur notre existence, en caricaturant les choses nous constaterons que notre vie ressemble à une course effrénée vers la mort. Mais avant d’y arriver nous espérons remplir notre vie de toutes les satisfactions possibles. Nous voulons faire notre plein de savoir, de sciences, de richesses, d’amour et de toutes sortes de plaisirs. Nous voulons tout cela immédiatement, et nous savons que si nous y arrivions, ce ne serait encore pas assez.

Alors, suggère Dieu, « regarde les choses autrement ». Ta vie, selon lui n’est pas prévue pour se terminer à la fin de ton existence. Ce qui doit te satisfaire, ce n’est pas ce que tu espères acquérir, mais ce que Dieu te donne. Ne cours donc pas sur les chemins du monde comme un sportif en quête de médaille, mais prends le temps de t’arrêter. Prends le temps d’écouter Dieu qui te parle. Il peut être bavard quand on lui en laisse le temps. Il n’est pas en exil dans un univers lointain et inaccessible. Il est à portée de voix, au fond de ton cœur.

Apparemment il ne changera pas ta vie. Le miracle tant espéré qui t’apportera la fortune ne se produira sans doute pas de la façon que tu espères. Mais Dieu est capable de mettre assez de force en toi pour que tu changes ta manière de voir les choses. A partir de là tout devient possible. Celui qui accepte de faire cette démarche ne le regrettera pas. Sa nature profonde sera transformée et il verra le monde sous un autre jour, comme le jour de la création où Dieu fit toute chose nouvelle. En portant ce nouveau regard que lui donne Dieu sur sa propre existence, il découvrira que tout ce qu’il entreprendra, prendra la forme d’une guérison. Les démons de la haine, de la jalousie et de l’angoisse s’enfuiront, et il deviendra libre d’entreprendre.

Jésus a pris sur lui de défier les forces du monde qui interdisaient de croire que Dieu pouvait venir dans l’intimité de chacun sans accomplir aucun rite particulier. Il a accepté qu’on le tue pour que nous puissions en vivre.

Ceux que Jésus a envoyés continuent à sillonner le monde, ils ne parcourent pas seulement les chemins poussiéreux de Galilée oubliés par l’histoire, mais ils hantent nos cités, et quand leur message sera entendu, le monde changera. Si leur message était entendu, le monde changerait, mais leur message est entendu et le monde est en train de changer.

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