jeudi 16 avril 2009

Notre relation à Dieu ignore la mort. Jean 10/7-18 dimanche 3 mai 2009





Le bon berger : mosaïque du Temple de Port Royal (Paris)



7Jésus leur dit encore : Amen, amen, je vous le dis, c'est moi qui suis la porte des moutons. 8Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les moutons ne les ont pas écoutés. 9C'est moi qui suis la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10Le voleur ne vient que pour voler, abattre et détruire ; moi, je suis venu pour qu'ils aient la vie et l'aient en abondance.
11C'est moi qui suis le bon berger. Le bon berger se défait de sa vie pour ses moutons. 12Quand il voit venir le loup, l'employé, celui qui n'est pas berger et pour qui il ne s'agit pas de ses propres moutons, s'enfuit en abandonnant les moutons. Et le loup s'en empare, il les disperse. 13C'est un employé : il n'a pas le souci des moutons.
14C'est moi qui suis le bon berger. Je connais mes moutons, et mes moutons me connaissent, 15comme le Père me connaît et comme, moi, je connais le Père ; et je me défais de ma vie pour mes moutons. 16J'ai encore d'autres moutons qui ne sont pas de cet enclos ; ceux-là aussi, il faut que je les amène ; ils entendront ma voix, et ils deviendront un seul troupeau, un seul berger.
17Si le Père m'aime, c'est parce que, moi, je me défais de ma vie pour la reprendre. 18Personne ne me l'enlève, mais c'est moi qui m'en défais, de moi-même ; j'ai le pouvoir de m'en défaire et j'ai le pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père.

Dimanche 2 mai 2009

Jean : 10/7-18

Aucune échappatoire n’est possible pour les moutons. Ils sont malmenés par les bergers, menacés par les voleurs, convoités par les loups. Leur destin est réglé d’avance. Ce que l’Evangile ne dit pas mais que tout le monde sait, c’est qu’ils finiront mangés par les hommes. Leur cause est entendue, on ne les élève que pour ça. Sans tenir compte de ce qui vient d’être dit, bien évidemment nous nous identifions aux moutons, c’est pour cela que l’Evangile nous a rapporté cet enseignement de Jésus : Il pose la question que nous nous posons tous : peut-on échapper à son destin ? Comment vivre alors que la mort nous menace ? Peut-on d’une manière ou d’une autre échapper à la mort ?

Comme les moutons, nous sommes environnés de tous les dangers et fatalement, comme eux nous devons mourir. Les moutons subissent leur sort sans broncher. A la différence des animaux, les tenants de l’espèce humaine n’acceptent pas leur destin. Ils espèrent pouvoir y échapper, ils pensent même que Dieu y pourvoira. Et curieusement, tout en espérant que Dieu les délivrera de la mort, ils l’accusent d’être celui qui décide du moment où celle-ci s’emparera d’eux. Il suffit de lire les faire-part de décès pour en être convaincu : « Il a plu à Dieu de rappeler un tel …ou une telle est retournée auprès du Père… »

Depuis que le monde est monde, nous en sommes toujours là, et rien ne semble vouloir faire évoluer les choses. Tout en mettant notre confiance en Dieu nous nous soumettons à ce qui nous paraît être un décret divin qui se résume assez bien dans l’affirmation selon laquelle « Dieu est celui qui fait mourir et qui fait vivre » ( Deutéronome 32-39). Bien que nous acceptions cette fatalité, nous ne pouvons quand même nous empêcher d'intenter un procès à Dieu parce que nous pensons qu’il aurait pu nous réserver un autre sort que celui des autres créatures. Il y a en nous comme l'idée que si nous avons foi en Dieu, et que s'il s'est révélé à nous, c’est parce qu’il a l’intention de nous réserver un destin particulier. Mais apparemment il n’en est rien.

Les uns se résignent en prétendant que Dieu fait toujours les choses pour notre mieux être. Ils s’accommodent de la situation sans comprendre, et ils acceptent l'arbitraire de leur destin. Les autres élaborent des théories qui innocentent Dieu, mais le rendent impuissant à assumer notre destin. En fait tous pensent que notre vraie relation à Dieu passe par la manière dont il joue un rôle dans le problème de la mort. Il y a selon nous des morts normales qui arrivent au terme d’une longue vie et il y a des morts injustes contre lesquelles nous accusons Dieu de ne rien faire et sur lesquelles Dieu joue sa crédibilité : ce sont les morts accidentelles ou les morts violentes qui sont considérées comme d’autant plus injustes qu’elles s’exercent sur des enfants. Tout se passe comme si notre seule relation à Dieu était réglée par la mort. Et, c'est là que nous avons tout faux.

Cette longue méditation de Jésus sur le sort des moutons nous dit le contraire. Elle insiste sur le fait qu’il n’y a pas d’échappatoire à la mort. C’est alors qu’intervient un mystérieux berger qui revendique des droits de vie sur les moutons. Il s'oppose alors aux bergers salariés qui ont habituellement la charge des moutons. Ces bergers salariés n’ont aucune conscience professionnelle à l’opposé du mystérieux berger qui se laisse tuer plutôt que de laisser les brebis se faire tuer par les voleurs ou les loups. Il paye de sa vie en s’opposant à la fatalité d’une mort programmée. Il se conduit comme si la mort ne faisait pas partie de l’ordre normal des choses, comme si les moutons ne devaient pas finir mangé. On ne comprend pas non plus pourquoi la mort du bon berger devrait avoir pour conséquence la survie du troupeau.

C’est alors que se produit comme un hiatus dans le texte. Il se passe comme un glissement, on oublie subitement les moutons et les bergers et on passe sans transition à la relation de Jésus avec Dieu et avec nous-mêmes. Dieu est alors présenté comme un Père. Ce Père nous permet de comprendre que le bon berger et lui sont en étroite relation. C’est à cause de l’amour qui les unit que la vie des moutons semble préservée. Dieu le Père intervient comme celui qui a le pouvoir de contrarier le destin et de s’opposer à la mort. Ce pouvoir s’exerce par l’action de Jésus Christ, le bon berger.

Comment ce prodige peut-il alors avoir lieu ? Il y a ici un non-dit, de la part de Jésus. Dans sa manière de comprendre les choses, Dieu n'aurait aucun lien avec la mort. Dieu s'opposerait donc aux lois de la nature selon lesquelles tout ce qui vit est appelé à mourir, car la vie s’entretient des morts successives. Les êtres vivants se nourrissent de la vie des autres avant que leur propre vie serve à alimenter d’autres vies à leur tour, car il en est ainsi des cycles incessants de la nature. Dieu dans ce passage se propose de casser ce cycle et promet un changement chez les individus que nous sommes. Si la mort atteint notre corps qui continue à obéir aux lois de la nature, elle ne détruit pas pour autant notre personne, car Dieu se refuse d'avoir un lien quelconque avec la mort.

Mais tout n’est pas aussi simple, car les Ecritures semblent établir un lien étroit entre le péché, et la mort. « Le salaire du péché, c’est la mort » est-il écrit, ce qui ferait de la mort un instrument aux mains de Dieu pour faire respecter ses lois. Or Nous l’avons dit, la mort ne relève pas des attributs de Dieu. Comment se sortir de ce dilemme ?

Pour s’en sortir, il faut faire une autre approche des choses, c’est celle que Jésus a faite pour nous et qui lui a coûté la vie. Jésus s’est opposé aux idées reçues et les a combattues pour que nous voyions la mort sous un autre jour. Par son enseignement, ses actions et ses miracles Jésus a toujours plaidé la cause de la vie. Selon lui, Dieu avait pour seul souci de préserver la vie à l'humanité. Là encore on n’a pas compris Jésus. Ses propos ont été considérés comme des blasphèmes contre Dieu alors qu’il brossait le portrait d’un Dieu Père infiniment bon, toujours attentif à faire reculer l’échéance de la mort et à proposer une autre alternative à la vie quand la mort mettait un terme à l’existence humaine.

Son attitude semblait si choquante qu’on a provoqué sa propre mort pour le faire taire ! Mais c'est la vie qui l’a emporté sur la mort. Tué par la main des hommes il a conservé la vie par l’action de Dieu. Les Evangiles en sont témoins, ils promettent à quiconque reconnaît que Dieu est le maître de la vie une vie semblable à celle de Jésus qui bien que mort persiste à vivre, car tout ce qui est en Dieu ne peut mourir.

Comme on ne peut s’opposer à l’évidence et comme on ne peut s’opposer à Dieu, force nous est donnée de construire désormais notre vie sur cette promesse selon laquelle la vie repose en Dieu et que tous ceux qui vivent aujourd’hui pourront voir leur propre vie se prolonger dans une nouvelle réalité, à l’image de celle que l’Ecriture a retenue de Jésus après sa mort.

Nous devrions nous arrêter là, mais ce serait oublier que les hommes vivent sans doute les choses d’une autre manière. Comme toujours ils essayent de contrôler les mystères de Dieu et par voie de conséquence ils essayent de le limiter en le mettant en contradiction avec lui-même ! Beaucoup acceptent, bien évidemment cette nouveauté de vie pour eux-mêmes mais ils la contestent pour certains autres. Qui a droit à la vie se demandent-ils ? Es- ce que les pécheurs non repentis ou mal repentis et ceux qui nient l’existence de Dieu, et les incroyants, les athées et les incrédules auront part à la vie ?

« J’ai d’autres brebis qui n’appartiennent pas à cette bergerie… » dit Jésus, comme pour dire : « mêlez-vous de ce qui vous regarde en n’empiétez pas sur le domaine de Dieu. Dieu ne peut donner que la vie, pourquoi certains veulent-ils limiter son action en cherchant à écarter de la vie ceux qui ne correspondent pas à leurs propres critères. Il n’y a pas de réalité sur Dieu dans la mort, toute réalité le concernant est forcément immergée dans la vie, car il promet à tout son troupeau la vie en abondance et lui seul sait qui en fait partie, à moins que le nombre de ses brebis soit infini ? Lui seul connaît la réponse à cette énigme.


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